Une guerre idéologique est née entre les anti-énergies fossiles, les fans des EnR – Énergies Renouvelables – et les gourous des environnements numériques, exploitants de Datacenters et autres “techos” : le numérique et ses dérivés technologiques sont-ils des alliés ou des ennemis dans la lutte contre le réchauffement climatique ? Alors que le sujet est au coeur de la COP26 qui se joue actuellement à Glasgow, cette problématique doit être prise en considération sur notre territoire qui pourrait se positionner comme une avant-garde du secteur de la Tech4Good.

A travers trois exemples de matériaux et d’usages numériques, nous allons explorer la dualité des effets du numérique sur l’environnement. Smartphones, moteurs de recherche et data centers sont aujourd’hui des problèmes écologiques. Demain, ils pourraient se transposer en solutions !

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Le numérique, une épine dans le pied du climat

Le numérique a un impact sur le climat. C’est un constat sur lequel tous les experts s’accordent ; à une époque où les sirènes d’alarme se multiplient, il n’est pas possible d’ignorer plus longtemps l’impact grandissant du numérique sur le réchauffement climatique et, plus généralement, sur l’environnement. Alors qu’on estime actuellement à 4 % les émissions de CO² causées par le numérique, et qu’en l’état actuel des choses, ce pourcentage pourrait doubler d’ici 2025, le secteur du numérique doit se renouveler pour trouver des solutions pertinentes.

Le problème est d’autant plus épineux que le monde entier dépend aujourd’hui du numérique qui irrigue de nombreuses activités économiques et industrielles et que ce besoin énergivore ne cesse de croître, notamment depuis la pandémie mondiale qui a créé de nouveaux pôles de dépendances. A travers trois principaux “matériaux” et “usages” numériques, on peut constater une certaine forme de dualité dans l’impact du numérique : d’une part, l’utilisation des smartphones, des moteurs de rechercheet autres data centers a des effets négatifs sur l’environnement mais il se pourrait qu’ils finissent par générer des solutions alternatives…

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L’empreinte carbone des smartphones 

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S’il est facile de savoir aujourd’hui à combien s’évalue l’empreinte carbone d’une voiture, celle d’un smartphone est moins simple à estimer. Selon l’ADEME, l’agence de la transition écologique, un smartphone fait… quatre fois le tour du monde avant d’atterrir entre nos mains pour nous permettre de jouer à Mario Kart ! Par ailleurs, la construction d’un smartphone intègre environ 60 à 70 matériaux différents. De fait, les principaux effets néfastes pour l’environnement sont l’épuisement des ressources, les atteintes à la biodiversité dues aux rejets toxiques et l’émission de gaz à effet de serre.

La fabrication des smartphones, de l’extraction des minerais à l’assemblage final, compte pour 75% de ces effets. Ces derniers sont en grande partie induits par la fabrication des écrans et des composants électroniques complexes, à l’instar des micro-processeurs. Les 25% restants sont causés par la distribution et l’utilisation des téléphones, et la consommation d’électricité qu’elles impliquent. La consommation d’énergie de cet appareil varie selon qu’il utilise un réseau 4G/5G ou le Wi-Fi pour se connecter à Internet. Il en ressort, par exemple, que l’utilisation d’un Wi-Fi est moins énergivore… Pensez-y !

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L’empreinte carbone des moteurs de recherches

Selon le “Blog du modérateur“, le trafic Internet provenant des moteurs de recherches est estimé à 93 % de l’activité mondiale. Rien que sur Google, ce sont 80 000 requêtes qui sont entrées par seconde. Cela représente 6,9 milliards de requêtes quotidiennes. Sachant que Google détient à 91 % le monopole des parts de marchés, vous comprendrez à quel point ce moteur de recherches, à l’instar des autres, a un impact significatif sur la planète !

Lorsqu’un internaute génère une requête à destination d’un moteur de recherche, il mobilise différents équipements matériels, physiques et virtualisés, et des infrastructures logicielles. Le matériel mobilisé comporte un équipement terminal (PC, smartphone, tablette) pour générer la requête et recevoir les résultats de la recherche, un ensemble de réseaux pour transporter les paquets de données et plusieurs serveurs d’un centre de données pour traiter la requête. Dans ce contexte, une requête tapée directement dans un moteur de recherche pollue plus qu’une URL directement saisie. L’utilisation des moteurs de recherche est donc directement liée à une augmentation significative de votre empreinte carbone.

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Quelques mots tapés dans un moteur de recherche = un long voyage et plusieurs équipements mobilisés © Pourlascience.fr

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L’empreinte carbone des centres de données numériques

Ces énormes serveurs chargés du stockage et du traitement des données sont au cœur de l’économie numérique. Sans eux, il n’y a pas d’applications, pas de sites internet, ni de réseaux sociaux. Pourtant, leur fonctionnement est de loin le processus qui coûte le plus cher en énergie pour la planète.

Selon une étude du journal Science, la consommation d’électricité des centres de données numériques en 2018 était estimée à 1 % de la consommation électrique mondiale. À cela s’ajoute l’épineuse question des coûts énergétiques de refroidissement des serveurs. Ceux-ci consomment jusqu’à 50 % d’électricité pour refroidir.

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Postes de consommation d’électricité liés aux usages numériques © influenceursduweb.org

Selon Cloudscene, il y existe aujourd’hui plus de 7 580 datacenters à travers le monde, soit plus de sept mille entrepôts remplis de serveurs tournant à plein régime 365 jours par année, 24h/24h et accompagnés de systèmes de refroidissement et de climatisation, eux aussi, fonctionnant en continu. Et lorsqu’on parle de besoins de cette envergure, on parle évidemment d’une consommation d’énergie hors norme et d’un impact environnemental massif !

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Le numérique au service de l’écologie : quelles solutions durables ?

Même si nous venons de voir, à travers ces trois exemples précis, que le numérique était loin d’avoir un impact neutre sur l’environnement et le réchauffement climatique, ce dernier, associées à des technologies et des projets innovants, pourrait également devenir plus éco-responsable.

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L’apport des moteurs de recherches

En juillet 2020, le moteur de recherche “Ecosia” arrivait en tête des moteurs de recherches dont la recherche locale avait l’impact carbone le plus faible, suivie de StartPage, de Lilo et de Yahoo. Si ces moteurs de recherches sont aujourd’hui considérés comme moins énergivores, c’est notamment grâce à la suppression de carte interactive sur les pages des résultats dont l’impact environnemental est considérable. Alors que le compteur automatique d’Ecosia avance une compensation de près de 140 millions d’arbres plantés, “Lilo”, un moteur de recherche français a été créé en 2015 dans le but de soutenir des projets sociaux et environnementaux. Entreprise à mission – “Lilo” veut dire « généreux » en hawaïen -, elle reverse tous les mois 50 % de ses revenus à une centaine de projets solidaires sélectionnés pour leur impact social et environnemental fort.

Un moteur de recherche à installer d’urgence sur votre ordinateur ! © Ecosia

Entre ces moteurs de recherches et tous ceux qui proposent une représentation cartographique comme Bing, DuckDuckGo, Google et Qwant arrivés au bas du classement, il y a une différence de 52 % sur l’impact carbone (data et énergie). Cela positionne la suppression de carte interactive comme l’une des solutions durables pour réduire l’impact écologique des moteurs de recherches. Outre cet aspect technique, les nouveaux moteurs de recherche “écolos” s’appuie souvent sur des alternatives indirectes pour limiter leur impact : plantation d’arbres pour “Ecosia”, soutien financier à des projets “green” pour “Lilo” ou encore versement des bénéfices à des associations environnementales pour “Ecogine“. Il suffirait ainsi de choisir le bon moteur de recherche pour baisser nettement son empreinte environnementale.

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Smartphones, pour une utilisation plus éco-responsable

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Fairphone, durable, réparable, équitable © Fairphone

Côté smartphones, des solutions sont également accessibles pour réduire son empreinte carbone ; première d’entre elles, conserver son smartphone plus longtemps. A ce sujet, les chiffres de l’ADEME sont édifiants : les Français changent de téléphone en moyenne tous les deux et, pour 88% d’entre eux, ils effectuent ce changement alors que leur ancien téléphone fonctionne toujours ! Une autre solution est à notre portée : opter pour un smartphone plus durable, comme le fameux “Fairphone” dont la conception et la production sont pensées par une entreprise hollandaise pour intégrer des contraintes environnementales et de commerce équitable. On pourra aussi s’orienter vers l’achat de smartphones reconditionnés, souvent moins coûteux, et choisir des écrans plus petits puisque plus l’écran est grand, plus il est nocif pour l’environnement.

Dans ce contexte et face à ces solutions d’un autre type de consommation, on se rend compte que c’est avant tout à l’utilisateur final de sauter le pas et d’opter pour des appareils plus neutres dans leur impact pour l’environnement. En matière d’écologie digitale, on peut également suivre quelques règles de bonne conduite : nettoyer régulièrement sa boîte mail, fermer toutes ses pages / onglets non utilisés, désactiver les notifications superflues, débrancher son téléphone lorsqu’il a fini de charger ou encore supprimer les applications non utilisées. Grâce au choix d’un matériel plus neutre et d’une activité “allégée” dans son utilisation, chacun d’entre nous peut se positionner comme un “consom’acteur” et faire ainsi plier les fabricants.

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L’apport des centres de données

Ces dernières années, les centres de données ont réalisé des efforts incroyables dans le sens de l’efficacité énergétique. Même si leur consommation électrique n’a pas baissé en dessous de 1 % par rapport à la consommation mondiale, elle n’a pas non plus augmenté en dépit du fait que la demande en hébergement ne cesse de croître. En ce qui concerne la consommation électrique découlant du refroidissement des serveurs, elle est passée de 50 % à 16 %

D’autres innovations sont intervenues au cours de ces derniers mois ; ainsi, des centres de données basés sur les énergies vertes seraient en cours de création. L’idée au coeur de ce sujet est de limiter la perte de chaleur et d’utiliser les énergies renouvelables telles que le soleil, l’eau et le vent pour faire fonctionner ces centres. 

Afin d’éviter l’utilisation de systèmes de climatisation énergivores, certains datacenters déménagent dans des pays au climat plus froids, notamment du côté des pays scandinaves. Le climat naturellement frais permet un refroidissement plus naturel des serveurs. Pour répondre à la même problématique, on voit également apparaître le système de “free cooling” ou refroidissement par l’eau. On remplace ici la pompe à chaleur en distribuant directement l’eau (située à proximité du datacenter) dans un circuit d’eau glacée du datacenter. Il y a fort à parier que les géants technologiques, poussés par une législation plus contraignante (ou plus fiscalement avantageuse…), finissent par se rendre à l’évidence et trouvent des solutions pertinentes pour réduire l’impact de leurs data centers.

Le “Free-Cooling”, un refroidissement par l’eau plus neutre © Schneider Electric

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Intelligence artificielle et informatique quantique une chance pour l’écologie ?

D’autres technologies pourront également faciliter une transition écolo-numérique plus rapide ; on pense bien évidemment aux pistes en faveur de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans l’économie, les transports et l’agriculture qui sont en train d’être explorées. Si elles sont concluantes, l’IA pourrait permettre de réduire de 4 % les émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Autre motif d’espoir, l’informatique quantique ; parmi ses projets, Microsoft compte, notamment, sur l’informatique quantique pour développer un catalyseur visant à capter massivement dans l’air le principal gaz à effet responsable du réchauffement climatique : le dioxyde de carbone. Via sa R&D dédiée à l’informatique quantique – Microsoft Quantum -, l’entreprise planche depuis plusieurs années déjà sur un algorithme quantique taillé pour concevoir un catalyseur capable de convertir à la volée le CO2 présent dans l’air en eau et en hydrocarbure. Une innovation qui pourrait s’étendre à d’autres organisations si elle venait à être stabilisée.

Actuellement, le numérique est donc une source de diverses pollutions et nos usages en sont la parfaite expression ; moteurs de recherche, smartphones et data centers l’illustrent parfaitement. Néanmoins, alors que l’Homme n’a pas pour habitude de “revenir en arrière” (même si c’était mieux avant ?), il paraît de plus en plus probable que des solutions technologiques, des mouvements sociaux de groupes de consommateurs ou des initiatives privées éco-responsables trouvent des parades pour inverser cette tendance. Et comme “charité bien ordonnée commence par soi-même”, c’est en premier lieu à “nouzôtres” d’enclencher cette dynamique. En Calédonie comme ailleurs !

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