Le point de rencontre était fixé à Dumbéa Centre, sur un parking, à deux pas du cinéma… Un moyen d’éveiller notre curiosité dont ne s’est pas privé Christophe qui avait une idée derrière la tête : nous parler de la “Smart City” et de ses déclinaisons à travers une illustration concrète de ce parking intelligent et connecté où “Smart Lightning”, ombrières solaires et capteurs de présence prédisent l’avenir citadin de la Nouvelle-Calédonie. Une chose est sûre : “Imaginer et faciliter le futur de nos territoires“, le slogan de la SECAL, possède déjà quelques références…

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Bonjour Christophe ; peux-tu nous parler de ton parcours depuis ton arrivée en Calédonie ? 

Bonjour NeoTech et bonjour à tous vos lecteurs ! C’est toujours difficile de parler de soi… J’ai toujours eu envie de faire des choses qui bougent, qui font évoluer la société et, malgré un début de carrière dans la finance en tant que commissaire aux comptes, j’ai découvert le sens de l’intérêt général en débarquant à la SECAL il y a bientôt dix ans. Mon intégration a été rapide et m’a ensuite permis d’évoluer en interne et d’occuper différents postes. De Directeur financier, je suis devenu Secrétaire Général en charge, notamment, des sujets de développement, avant de prendre le poste de Directeur Adjoint et, enfin, d’avoir la chance de devenir le Directeur Général de cette belle organisation.  

Tout au long de mon parcours, la SECAL m’a permis de rencontrer de nombreux acteurs locaux, tous pleinement investis et d’apprendre constamment grâce à la diversité de nos métiers. Nous sommes avant tout une Entreprise Publique Locale ; la SECAL emploie 37 salariés, des talents, des jeunes calédoniens qui apprennent le métier et notre société se positionne comme un lieu de rencontres entre les acteurs du privé et du public et comme un interlocuteur privilégié des populations locales car la seule chose que nous savons réellement faire, c’est de servir les Calédoniens dans leur globalité. 

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Tu es donc aujourd’hui le Directeur Général de la SECAL, une SAEM au service des collectivités calédoniennes depuis 1971. Quelle est la raison d’être de cette organisation ?

La SECAL a fêté ses 50 ans au service du territoire. Elle a en effet été créée par les collectivités calédoniennes à une époque où la Calédonie manquait d’infrastructures, avec pour principale ambition d’équiper le territoire et d’améliorer le quotidien des Calédoniens. 

SECAL

Elle a ensuite évolué au fil de la vie politique calédonienne ; renforcée à la fin des années 80, au moment de la provincialisation, la SECAL est depuis pilotée par un actionnariat qui représente la Calédonie : le Gouvernement, les Provinces, l’État, les communes du Grand Nouméa et les banquiers institutionnels que sont la Caisse des Dépôts et Consignations, l’AFD et la BCI. La SECAL est donc un condensé de Calédonie avec, peut-être, un jour, une représentation directe des citoyens dans le capital : c’est quelque chose que nous allons envisager au cours des prochaines années ! 

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Quelles sont ses principales missions sur le territoire ?

Concrètement, nous participons largement à l’ensemble de l’équipement de notre territoire et ce, particulièrement dans les années 2000 ; par exemple, la SECAL a créé de nombreuses infrastructures à Lifou, à Nouméa, à Dumbéa ou en Province Nord ou spécialement pour les jeux du Pacifique, en 2011.

Notre organisation est d’ailleurs présente sur les trois Provinces avec des implications fortes dans toutes les principales communes de la Calédonie. Nous œuvrons majoritairement dans l’aménagement et l’urbanisme avec des opérations emblématiques telles que « Dumbea sur Mer » et ses 13 000 habitants ou la zone d’activités de « Panda » qui regroupe aujourd’hui 150 entreprises…

De plus, nous travaillons beaucoup dans l’appui à la construction des grandes infrastructures comme celles du « Médipôle » ou du « Centre culturel Tjibaou » mais aussi à l’appui des politiques publiques : nous aidons les collectivités à prendre les bonnes décisions et faisons en sorte que chaque franc investi en Calédonie soit le plus efficient pour la qualité de vie de nos citoyens. 

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Quelques chiffres pour illustrer votre activité ? 

Bien sûr ! La SECAL, en vingt-ans, c’est près de 200 milliards de dépenses publiques : Médipôle, Centre Hospitalier du Nord, ou encore le projet Neobus que les Calédoniens connaissent bien ; on pourrait aussi évoquer les lieux de vie comme Dumbéa sur Mer, Koutio ou Boulari … 

Aujourd’hui, l’ensemble des opérations d’aménagement menées par la SECAL abrite 15 000 Calédoniens qui bénéficient d’une certaine qualité de vie, de commerces environnants, de nouveaux emplois pérennes. Notre rôle est d’identifier la manière dont on construit la ville, comment on y intègre du service et pour quel développement économique : la nouvelle “Centralité Apogoti” abrite par exemple 40 000 m2 de commerces avec pratiquement 300 emplois pérennes dans la zone. Ce sont des chiffres significatifs dans une période économique compliquée ! 

Produire des équipements publics pour les habitants, c’est également dans notre ADN : écoles, espaces de jeux pour les enfants, maisons de quartier pour créer de l’animation et du lien social, jardins partagés, vivriers et assainissement collectif ; par exemple, 100% des logements de Dumbea sur Mer sont raccordés à un système d’assainissement collectif non polluant qui permet de ne rien rejeter dans l’écosystème. C’est fondamental pour nous ! Construire une ville, ça se pense et ça s’imagine, main dans la main, avec les politiques et les institutions… C’est notre slogan : « Imaginer et faciliter le futur de nos territoires » ! 

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Vous accompagnez les collectivités dans leurs enjeux de transitions. Quels sont-ils actuellement ? 

Notre rôle est de travailler sur toutes les transitions : démographique, citoyenne, urbaine, numérique, mobilité ou encore énergie. Nous essayons de prévoir et d’anticiper les besoins des citoyens pour construire le territoire de demain. Même si le STENC prend actuellement beaucoup de place, j’appuie sur le fait que toutes les transitions sont importantes ! 

Pour répondre à ces problématiques de transitions, nous nous reposons sur une stratégie en quatre étapes : un « laboratoire » pour imaginer et réfléchir, un « démonstrateur » pour tester à petite échelle, des « projets résilients » à dupliquer et un « accompagnement de la collectivité et/ou des acteurs » pour animer et gérer durablement les idées, les projets et les réalisations. Toutes nos équipes projet agissent au quotidien à travers ce prisme. 

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Quelque chose de particulier sur la transition énergétique ? 

La meilleure énergie est celle qu’on ne consomme pas ! Nous tentons de rendre les bâtiments moins consommateurs, de les équiper en EnR (Énergies Renouvelables), de les seconder par des équipements favorisant l’électromobilité par exemple… Nous sommes dans un monde où le transport en commun doit se développer : nous réfléchissons à des plans de déplacement pour les administrations afin de faire le lien entre transports individuels et collectifs. 

Comme on s’autorise à rêver, voilà maintenant deux ans que nous essayons de rassembler les décideurs pour créer la première zone d’autoconsommation collective « 100% EnR » à travers l’une de nos opérations « Panda » à Dumbéa. Comment regrouper quelques entreprises autour d’une consommation commune et d’une production adaptée à la consommation locale afin qu’elles puissent trouver un mix énergétique optimal ? Sur ces sujets, nous travaillons actuellement avec Enercal et la DIMENC pour atteindre nos ambitions. 

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En quoi le secteur du « BTP » est-il impacté par le numérique et la technologie ? Quelles principales illustrations pourrais-tu partager avec nos lecteurs ? 

La SECAL a beaucoup changé et ne travaille pas que dans le BTP. Par exemple, nous avons récemment été missionnés par la Nouvelle-Calédonie pour réfléchir aux moyens de surveillance du Parc Naturel de la Mer de Corail ! Finalement, que l’on développe de la « Smart City » ou des moyens de surveillance, la logique est la même : réfléchir, poser des ambitions trouver les démonstrateurs pour tester, avant de dupliquer sur l’ensemble de la zone concernée. 

La SECAL reste une société qui ne bénéficie pas de subventions et qui se doit de vendre ses compétences pour équilibrer son modèle économique

Pour en revenir à la question, le BTP, même à l’échelle mondiale, a du mal à faire sa révolution numérique et technologique ; on porte modestement le sujet « BIM » – “Building Information Modeling” – qui permet de superposer numériquement les couches d’un chantier et faire travailler en direct, sur un même document, tous les corps de métier impliqués. Depuis trois ans, après avoir fait le tour des collectivités, nous sommes actuellement en train de développer les premiers démonstrateurs sur des bâtiments. La technologie doit être au service de la résilience et de l’environnement ! 

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« Chantiers verts, végétalisation d’espaces, réhabilitations d’équipements publics… », la SECAL est également certifiée ISO 14001. En quoi cette volonté de gestion écoresponsable est importante pour toi et comment s’illustre-t-elle concrètement ? 

Elle est fondamentale ! C’est bien beau d’avoir une ambition mais il faut être capable de la réaliser et la valoriser ; le premier bâtiment HQE du territoire ? Le Médipôle ! La première opération labélisée HQE aménagement ? La zone « Panda » ! Nichée entre la forêt sèche en haut du Pic aux Chèvres et la mangrove en bord de mer… Même si ce ne sont que des certifications, elles collent avec notre volonté de bien faire. 

Outre la certification ISO 14001, nous travaillons également à la mise en place d’une politique RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) dont les enjeux sont également prégnants dans nos opérations au quotidien : le parvis du Cinéma Multiplex qui va s’installer à Dumbea Centre a été réalisé en étroite collaboration avec Ecopavement, une startup calédonienne, qui y a apposé ses dalles en déchets recyclés. Nous essayons de construire l’aménagement durable de demain  : moins d’artificialisation des sols, plus de produits recyclés, de vrais défis !

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La « Smart City » est sur toutes les lèvres actuellement. Quelle en serait ta définition et peut-on déjà citer Dumbea comme une ville intelligente ? 

L’enjeu actuel est d’être économe, de penser à l’avenir, de protéger les écosystèmes et d’offrir du service aux citoyens tout en améliorant les conditions de vie : c’est le fondement de la Smart City, hors « technologie ». Notre laboratoire, c’est Dumbéa Centre, que nous venons de visiter ensemble ; la création de cette ville à partir de « rien » permet d’imaginer sans limite ! 

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Dumbea Centre, une illustration des possibilités offertes par la “Smart City” © SECAL

Nous essayons de rassembler les acteurs et partenaires concernés : nous sommes allés voir l’OPT pour être les bêta-testeurs du cœur de réseau ; le développement de la Smart City est plus accessible dans les réseaux privés alors que, pour notre part, nous envisageons d’intégrer un réseau public qu’il faut créer et installer en Nouvelle-Calédonie. 

Notre objectif pour les Dumbéens, puis sans doute d’autres populations locales, c’est d’utiliser des technologies très concrètes. Je lance un appel aux entreprises numériques calédoniennes : venez nous aider à construire la ville de demain ! Par exemple, l’éclairage intelligent – Smart Lightning – à faible consommation, interconnecté qui permet de réduire la consommation des candélabres de 70% à 90% vient d’être mis en place à Dumbéa Centre et j’invite les lecteurs à s’y rendre. Par ailleurs, il y a quelques années, nous avons également collaboré avec Enercal sur la mise en place de compteurs intelligents : ils permettent de suivre sa consommation et donc de la maîtriser puis de la réduire. 

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Quelles sont actuellement les initiatives concrètes entreprises en Calédonie pour s’approcher de cette fameuse « Smart City » ?

Nous avons construit un parking intelligent équipé de capteurs de présence, d’ombrières solaires développées avec Enercal Energies Nouvelles, de bornes de recharges et qui pourrait bénéficier, dans le futur, de caméras de lecture de plaques qui permettraient, grâce à l’iA, un paiement numérique « au réel » en fonction du temps passé, ou encore d’un système de réservation numérique des places via une application mobile… Nous avons posé les infrastructures : il faut désormais développer les usages et que la collectivité s’en saisisse pour pouvoir utiliser les précieuses données issues de ces interconnexions. Toutes ces couches viennent s’empiler pour apporter du confort : pour les collectivités dans la gestion de la ville, pour les populations dans leur usage quotidien et pour un environnement plus durable ! 

On pourrait évoquer d’autres projets comme celui d’un port Smart sur lequel travaille déjà la SODEMO ou encore le Neobus qui contient une couche importante de Smart car les bus sont connectés, la billettique est presque totalement dématérialisée… Il y a beaucoup de choses qui sont faites sur notre territoire et le grand défi sera de rassembler tous les acteurs autour de la table pour interconnecter leurs idées et les services associés, tout en intégrant une législation adaptée. Nous le devons aux générations futures ! 

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