Cogérant de SF2i , Cogérant & cofondateur d’IKIGAI NC, IKIGAI PF & DIGIT | Coordinateur des Afterworks Microsoft Nouméa | Entrepreneur | Microsoft MVP | Speaker Internation | Geek | Coffee Lover 🙂“. La description postée sur son profil LinkedIn en dit long sur les multiples casquettes portées par Sylver Schorgen, une “figure” numérique bien connue du Caillou. Le jeune Calédonien promeut une vision managériale nord-américaine et contribue, par ses nombreux échanges et transferts de connaissance, à la montée en compétences numériques des Calédoniens. Rencontre avec un homme en argent !

Sylver vous passe le bonjour ! © NeoTech

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Bonjour Sylver et bienvenu sur NeoTech ! Un petit mot pour te présenter à nos lecteurs ? 

Sylver Schorgen : Bonjour NeoTech et merci de me recevoir ! Je m’appelle Sylver, Calédonien d’origine. J’ai obtenu mon BAC sur le territoire avant de passer quelques mois à Lyon, en métropole, une ville sympa – avec de super restos appelés les petits bouchons – mais mon expérience étudiante n’était pas forcément ce à quoi je m’attendais.

Du coup, dès que j’en ai eu l’opportunité, je suis parti poursuivre mes études universitaires en « ingénierie informatique » à Montréal et, après l’obtention d’un BAC+5, j’ai débuté ma carrière professionnelle au Canada ; cinq années (de froid !) à travailler comme consultant sur les technologies Microsoft dans une société de service, AlphaMosaik

Après cette première expérience, j’ai choisi de revenir sur le territoire, il y a maintenant une dizaine d’années. Voilà donc déjà dix ans que je travaille dans le groupe SF2i et j’en suis, depuis quatre ans maintenant, l’un des co-gérants. 

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Peux-tu nous raconter un peu l’histoire de SF2i et les différentes sociétés qui constituent ce groupe IT ? 

La société SF2i a été créée en 2008 avec pour mission générale d’offrir du « service informatique » aux entreprises calédoniennes : postes de travail, assistance à l’utilisation, consulting, ingénierie et formation, puisque nous sommes également un organisme de formation certifié.

Aujourd’hui, nous faisons toujours du service numérique aux entreprises, des postes de travail aux serveurs, en passant par le cloud et par la formation ; ces activités historiques existent donc toujours bel et bien mais, depuis, nous avons également lancé quelques « satellites » ; le groupe SF2i est actuellement composé de quatorze sociétés. La plus récente ? SF2i France, localisée en Bretagne et dont s’occupe principalement le fondateur du groupe, Paul Lanier. 14 ans et 14 sociétés qui interviennent dans le domaine du numérique, exceptées deux d’entre elles.  

Le développement du groupe est le résultat d’une adaptation aux besoins du marché ; il n’est pas question de raconter l’histoire d’une « vision » entrepreneuriale préconçue : nous avons été pragmatiques en nous développant sur des besoins calédoniens réels et exprimés par nos clients. Notre vision, c’est d’écouter le client et le marché et de répondre à la demande en créant des sociétés spécialisées sur des segments du secteur numérique en particulier et en y plaçant LA bonne personne. Rien ne sert de créer pour créer et délivrer ensuite un niveau de service insuffisant… 

Cela correspond d’ailleurs à nos visions managériale et commerciale qui placent l’humain au centre de notre activité. De cette manière, nous essayons en permanence de rendre nos clients, mais également nos collaborateurs, heureux afin de générer des cercles vertueux de satisfaction client et collaborateur. 

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Tu es spécialisé sur plusieurs outils et notamment les technologies Cloud ; quelle est ta définition du cloud et quels sont les usages les plus courants pour les entreprises calédoniennes ?

En vulgarisant au maximum, je dirais que le « cloud » correspond à la location mensuelle ou annuelle de logiciels qui ne sont plus installés sur l’ordinateur ou sur un serveur dans l’entreprise mais externalisés en local ou à l’international. La suite Office, que nombre d’entre nous utilisent, en est une parfaite illustration : elle n’est pas forcément installée sur notre ordinateur mais hébergée sur le cloud, dans un serveur qui appartient à Microsoft. C’est également vrai pour le stockage de documents

Le cloud apporte ainsi certains avantages ; d’abord, une résilience certaine puisque le document est disponible sur plusieurs serveurs et plus uniquement sur notre machine. Aussi, si notre ordinateur tombe en panne, ces données restent facilement accessibles via une simple connexion internet. Ces applications sont ainsi consommables en « mode web » et ce, 24/24h, ce qui favorise la mobilité et la flexibilité du travail. Après presque trois années de pandémie, les usages ont évolué et le cloud s’adapte parfaitement à ces nouveaux modes de travail, qu’ils soient à domicile, dans un coworking ou en open space par exemple… 

Au niveau de la Calédonie, beaucoup d’entreprises s’orientent désormais vers le cloud, que ce soit en matière de bureautique, de logiciels, de stockage de données mais aussi pour l’utilisation de logiciels métier – gestion comptable, commerciale, de stocks… Je constate un bel avènement du cloud en Nouvelle-Calédonie, ce qui est une excellente nouvelle pour l’accélération de la transition numérique du territoire. Traçabilité, flexibilité et résilience sont les principaux avantages du cloud ! 

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Que penses-tu de l’équation « cloud + données = cybersécurité » ? 

SF2i
Une équation résolue à la piscine © SF2i

Souvent, on pense à tort que de sortir ses données dans le cloud revient à faire baisser le niveau de protection de ces datas. Même si le sentiment d’insécurité est humain, il faut bien comprendre que les principaux acteurs du cloud – Microsoft, Google, Amazon, OVH… – investissent chaque année des milliards de dollars dans la sécurité informatique ! Nos fournisseurs locaux d’accès à internet fournissant des services Cloud ainsi que nos datacenters locaux investissent également des millions de francs CFP dans la cybersécurité. Néanmoins, il me semble impossible que les entreprises calédoniennes alignent les mêmes montants que les principaux acteurs du Cloud international… Logiquement, le niveau de sécurité lié à l’usage de ces solutions cloud est donc bien supérieur à celui de n’importe quelle entreprise « lambda », d’ici ou d’ailleurs. 

Il faut également bien garder en mémoire que les données que vous externalisez sur le cloud vous appartiennent toujours à 100% ! Utiliser le cloud, c’est comme louer un lieu de stockage physique, type Locabox ou, pour les amateurs de vin, c’est comme louer une petite alcôve pour stocker ses bouteilles de vin au Chai de l’Hippodrome…  

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La solution Office 365 a « envahi » la Calédonie. Quels sont les outils qui sont accessibles via cette solution ? 

Office 365 est une suite de logiciels qui permet d’accéder à la suite Office mais également à des services cloud ; ces services peuvent prendre la forme d’une messagerie, une « boîte mail traditionnelle » type Gmail, d’un intranet d’entreprise où l’on stocke des documents et autres informations utiles par département – congés, déplacement, RH, administratifs… 

On peut également évoquer d’autres outils disponibles, tels que Teams qui permet de faire du chat, de la visioconférence ou encore de créer des petits espaces de travail et d’interactions dédiés à des groupes de collaborateurs ou à des projets spécifiques. C’est un outil collaboratif très efficace. 

Il existe en tout plus dune quarantaine d’outils disponibles dans cette suite que Microsoft qualifie de « Digital Workplace », un environnement de travail virtuel, parmi lesquels un outil de workflow qui permet l’automatisation de certaines tâches, un outil de gestion de listes aussi simple d’utilisation qu’efficace, un outil de « To-Do »… Cette suite permet de répondre à de nombreux besoins professionnels dans un cadre technique uniformisé. Tous ces logiciels sont en effet reliés entre eux : je peux recevoir une notification Teams sur ma boîte mail, un document de l’intranet qui doit être validé par un simple clic… le tout, sans sortir de la suite. 

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En quoi l’automatisation de certaines tâches grâce au numérique est-elle un facteur d’augmentation de la productivité des entreprises ? As-tu des cas pratiques pour illustrer ce phénomène ? 

L’automatisation est au cœur des outils de la suite 365 mais, plus globalement, au cœur des outils « cloud » ; elle répond à la problématique suivante : comment, dans un monde où il reçoit de plus en plus d’informations et de tâches à traiter quotidiennement, le collaborateur peut rester productif ? Les outils d’automatisation permettent de détecter des tâches récurrentes sur lesquelles le travail « humain » n’a pas de véritable valeur ajoutée ;

Un exemple concret pour illustrer ce propos ; nous sommes dans une entreprise lambda où les commandes de moins de 10 000 francs doivent automatiquement produire un bon de commande, sans validation hiérarchique nécessaire. Plutôt que d’effectuer des actions manuelles comme intégrer les données dans un logiciel, produire un bon de commande, l’imprimer, l’envoyer au client etc., on peut se servir des outils pour automatiser tout le processus de création, réception et validation du bon de commande. Cette automatisation représente un gain de temps exceptionnel qui permet d’allouer des ressources humaines à des problématiques qui nécessitent réellement leur intervention. 

L’automatisation est une réelle plus-value pour tous les métiers : informatique, bureautique, administratif, comptabilité… Les collaborateurs peuvent ainsi augmenter leur productivité en gérant un plus grand nombre de tâches quotidiennes. Par ailleurs, il faut comprendre que l’automatisation transforme les métiers plus qu’elle ne détruit des emplois. C’est ma vision nord-américaine mais je préfère voire une opportunité dans ces nouvelles pratiques plutôt qu’une crainte car ce qu’on cherche à automatiser, ce sont avant tout des tâches « casse-pieds » pour les hommes… Plutôt que de soulever une pièce de 200 kilos à trois personnes, un robot s’en charge à sa place mais ce robot est construit, commercialisé puis piloté par des êtres humains. 

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Toutes ces solutions tendent à accélérer la révolution numérique calédonienne ; quelle est ton analyse de cette « TransfoNum » à l’échelle des entreprises calédoniennes ? Quels freins sont encore présents ? 

Honnêtement, je suis assez étonné par la rapidité de cette transformation chez de nombreuses entreprises du territoire qui se sont lancées dans de beaux projets de digitalisation et d’automatisation ; le gouvernement, les grosses sociétés et administrations de la place sont très actifs sur le sujet et je crois que c’est une excellente chose. Je pense que nous sommes en train de créer de nouveaux emplois et d’en faire évoluer d’autres. La Calédonie dispose d’un véritable potentiel numérique et l’adoption de ces outils technologiques, peut être favorisée par la crise sanitaire, permet de faire évoluer favorablement l’écosystème numérique. A titre d’exemple, de plus en plus d’entreprises nous demandent désormais des formations à distance, depuis leur bureau, ce qui n’existait pas avant les confinements. 

Je crois que nos freins sont finalement globalement les mêmes que ceux qui existent ailleurs et, notamment, en métropole ; le premier, c’est le débit internet qui, ici comme en zone rurale en métropole, est parfois insuffisant mais je sais que l’OPT travaille énormément sur ce sujet et le déploiement du très haut débit est une excellente nouvelle. Lorsqu’une entreprise travaille avec un débit ADSL moyen, on peut, au mieux, intégrer sa messagerie dans le cloud mais on intégrera pas des outils collaboratifs. Un second frein est en train d’être levé avec l’arrivée du second câble sous-marin récemment installé par l’OPT. Par ailleurs, les entreprises peuvent avoir la sensation de perdre en contrôle avec l’externalisation et la modernisation de leurs outils ; il s’agit en réalité d’une simple réadaptation à de nouveaux usages et une bonne stratégie de conduite du changement peut être suffisante pour passer le cap de la digitalisation. 

En revanche, nous disposons d’excellentes compétences en local dont nous n’avons pas à rougir, même à l’échelle internationale ; les experts calédoniens peuvent connaître un déficit d’image par rapport aux consultants métropolitains ou internationaux. Dans les faits, on est plutôt bons et nous n’avons pas à rougir de la qualité de nos experts locaux. 

Côté recrutement, c’est un peu plus compliqué… mais c’est une réalité qui existe aussi à travers le monde ! Même si c’est exacerbé en Calédonie, au regard de nos particularités géo-spatiales et de la récente crise sanitaire, c’est devenu complexe de trouver des profils adaptés aux besoins. Néanmoins, pour notre part, nous avons fait le choix de miser sur le savoir-être et la motivation car nous estimons que les compétences techniques peuvent être acquises en interne, au contact d’autres collaborateurs et à travers la formation continue et professionnelle

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On sait depuis notre rencontre avec Paul Lanier que le modèle managérial de SF2i est, lui-aussi, assez novateur sur le territoire. Qu’as-tu pensé de ce système à ton arrivée chez SF2i et comment te l’es-tu approprié depuis ? 

Lorsque je suis revenu d’Amérique du Nord où c’est ce modèle-là qui est principalement plébiscité, j’ai rencontré pas mal d’entreprises locales qui étaient basées sur un modèle plus vertical, hiérarchisé, un modèle très classique et très français. Ce fonctionnement est efficace dans certaines entreprises mais il était loin de mon expérience canadienne. Et puis, pour paraphraser Steve Jobs, je dirais qu’il ne faut pas embaucher de gens intelligents si on leur dit quoi faire ! C’est ma vision du monde de l’entreprise : je suis embauché pour trouver une solution à un problème, pas pour perpétuer des modèles préétablis, quitte à être accompagné par un collaborateur plus expérimenté si je suis en difficulté sur un sujet… 

Du coup, le seul qui partageait, à l’époque, cette vision décalée, c’était Paul ; j’ai senti qu’il me ferait confiance, qu’il m’embêterait moins avec des décisions unilatérales, dénuées d’explications rationnelles. Ce qui m’importait, c’était de prendre la bonne décision, de l’assumer et personne chez SF2i ne m’a jamais dit quoi ou comment faire ! Bien évidemment, nous sommes challengés en permanence par le reste des équipes, par le biais de la question du « pourquoi » et les avis s’échangent et se confrontent régulièrement. Le fait de se challenger nous permet de délivrer le meilleur service et la meilleure prestation possible à nos clients. Que ce soit Paul ou moi désormais, nous sommes uniquement sollicités sur des points à trancher, organisationnels ou financiers par exemple. Il faut bien que quelqu’un valide un gros devis ou les budgets annuels mais on n’a jamais embauché des talents pour leur dire quoi faire ! Les collaborateurs prennent les décisions et, même s’ils font parfois des erreurs, c’est aussi la meilleure façon d’apprendre… et de gagner du temps sur le circuit décisionnel interne. 

J’ajouterais que notre taux de turnover est proche des 5% ! Ça prouve bien que notre modèle fonctionne et qu’il est adapté aux envies et aux besoins des collaborateurs ; pour ce faire, nous avons mis en place tout un écosystème de bien-être dans l’entreprise : cours de yoga ou de sport, séances de massages ou de méditation, soirées d’entreprise et autres activités dédiées à la cohésion d’équipe… On ne résonne pas en mode budget : si ça nous paraît logique et apporte du bonheur de mettre en place une activité, nous le faisons sans considération du coût qui n’est qu’une variable secondaire. Notre système managérial est avant tout basé sur la confiance et la souplesse. 

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Tu es très actif dans l’écosystème numérique calédonien et sur le web ; tu essaies de devenir un infuenceur « tech » ?

(Rires). Alors, je fais partie des deux seuls MVP Microsoft du territoire avec Julien Chable (NCIT) ; Julien est MVP sur la partie « développement » et moi sur la partie « automatisation ». Grâce à cette fonction, j’ai pu faire des conférences internationales à Singapour, aux États-Unis, en Malaisie ou encore en métropole. C’est quelque chose que j’adore et qui est ancré dans les valeurs de SF2i : transmettre et partager ses connaissances et ses expériences ! 

SF2i
Master Class avec © Sylver Schorgen

A titre personnel et dans cette même logique, je réalise également des petites vidéos et j’écris des articles sur l’utilisation des outils, d’un point de vue utilisateur, en mode « tuto » pour accompagner les internautes dans leurs usages numériques. Je viens de rebooter ma chaîne Youtube pour partager des contenus sur l’utilisation de Teams, sur la création d’un compte Gmail, sur le stockage sur un drive… Pour un informaticien, ça peut paraître « simple / basique » mais la plupart des non-spécialistes ont besoin de cette vulgarisation pour améliorer leur utilisation quotidienne des nouveaux outils. 

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Un dernier mot ou une dernière actualité à partager avec nos lecteurs ? 

Et bien, la nouvelle série Star Wars est sortie ce week-end alors petit clin d’œil aux geeks qui sont abonnés à Disney + ! 

Plus sérieusement, j’ai surtout envie de vous adresser un mot à vous, NeoTech. Il y a encore peu de temps, vous n’existiez pas et, après avoir tout juste fêté votre premier anniversaire, vous êtes déjà indispensables dans l’écosystème numérique calédonien. 

Je sais que ce n’est pas facile car le business model du « neo-journalisme » est complexe à équilibrer et à développer. C’est donc un grand remerciement que je vous adresse : merci d’être présents et de faire ce que vous faites.

J’espère qu’on sera encore là dans 9 ans pour fêter vos dix ans ! 

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