Alors que les 6ème Journées de la Mer ont rencontré un franc succès auprès des acteurs calédoniens du maritime et qu’une table ronde était entièrement dédiée à l’innovation, nous sommes allés à la rencontre de Philippe Darrason, Président du Cluster Maritime Nouvelle-Calédonie, pour discuter actualités, bilan de la sixième édition et, bien évidemment, d’innovation. C’est au coeur des locaux de la SODEMO qu’il nous a accueilli : l’occasion de papoter avec « vue sur mer » !
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Bonjour Philippe et bienvenu sur NeoTech ! Pour commencer, pourrais-tu te présenter à nos lecteurs et nous expliquer en quoi consiste ta fonction au sein du cluster maritime ?
Bonjour NeoTech ! Je m’appelle Philippe Darrason et je suis le président du Cluster Maritime de Nouvelle-Calédonie (CMNC) ; je dirige par ailleurs la SODEMO, une société qui gère des ports de plaisance et qui est elle-même adhérente au CMNC depuis sa création. J’ai donc intégré le cluster d’abord en tant que membre, avant d’en être élu président pour deux ans quelques années plus tard.
Mon rôle de président est de faire le liant entre le CMNC et tous les partenaires externes, avec pour objectif la mise en synergie des acteurs économiques du maritime ; pour donner suite aux travaux que nous réalisons, il est nécessaire d’émettre des préconisations et de les communiquer aux différentes institutions calédoniennes : gouvernement, communes, provinces, directions maritimes…
Mon rôle est donc de communiquer les sujets qui émergent de nos travaux vers les institutions ; à titre d’exemple, je me rends d’ailleurs au gouvernement après notre rencontre pour mener des discussions sur la mise en place de la filière grande plaisance. Je joue donc globalement un rôle représentatif et politique.
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Parle-nous un peu du Cluster Maritime de Nouvelle-Calédonie et de ses missions…
Le Cluster Maritime de Nouvelle-Calédonie (CMNC) est la représentation locale des 26 filières du maritime et regroupe plus de 100 membres adhérents ; même si tous ces acteurs ont pour habitude de travailler dans leur propre filière et ce, dans un environnement concurrentiel classique, le CMNC est là pour répondre à la question :
Comment, tous ensemble, nous pouvons faire avancer les dossiers de fond ?
Par exemple, chaque acteur rencontre actuellement, individuellement, des problèmes d’assurance. Seul, personne n’obtiendra rien ou ne se fera pas entendre mais, lorsque nous recevons collectivement le syndicat des assureurs pour leur expliquer que nous devons avoir les moyens de nous assurer, il y a une écoute attentive et nos préconisations sont alors débattues. Voilà une illustration parfaite du principal rôle du CMNC.
Autre prérogative du Cluster Maritime de Nouvelle-Calédonie, créer des synergies « business » entre les acteurs qui souhaitent mettre en place des projets qu’ils ne pourraient pas mener seuls. Dans ce contexte, le cluster va créer des « Groupes Synergie » qui vont permettre de réunir tous les acteurs intéressés, qu’ils collaborent sur la problématique identifiée afin de trouver des solutions pertinentes et favorables à tous. Notre rôle est donc également d’agglomérer et de mettre en commun.
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Vous avez récemment organisé la 6ème édition des « Journées de la mer » qui rassemble tous les acteurs du secteur maritime : quelles sont les conclusions de ces deux journées d’échange ?
D’abord, je dirais que ça a été une très belle édition au regard du nombre d’inscrits et de participants et de l’intérêt général suscité par cet événement qui se développe au fil des années. J’ai également noté quelque chose d’intéressant : les premières années, notre mission était avant tout pédagogique, avec pour objectif de faire comprendre à tous que la mer existait et qu’elle ne se limitait pas au lagon. La mer a un potentiel qui doit être valorisé et qui doit embarquer toutes les institutions, quel que soit leur rôle à son endroit : tout le monde doit être impliqué dans un projet global et faire de l’océan un support de développement économique pour la Nouvelle-Calédonie avec pour ambition de sortir du modèle économique du « tout nickel ».
Après avoir passé des années à essuyer des plâtres et à faire appréhender à tous les grands enjeux du secteur maritime calédonien, j’ai senti que les choses évoluaient. Aujourd’hui, d’elles-mêmes, les institutions nous contactent pour nous faire part de leur intérêt pour tel ou tel sujet… Nous sommes passés d’un intérêt secondaire à une compréhension concrète et à de la proactivité autour de ces thématiques capitales !
D’autre part, lors de cette édition, nous avons pu intégrer à la discussion, pour la première fois, les trois acteurs du nickel ; le nickel, sans le maritime, n’existe pas et il faut en avoir conscience ! Une partie importante de cette industrie et de ses ressources humaines est issue du monde marin et, à travers cette discussion autour de la transition énergétique avec les trois opérateurs miniers, on a senti que l’on prenait date et qu’ils seraient désormais au RDV. Ce sont des signaux forts !
Quant aux tables rondes organisées, j’ai trouvé que leurs restitutions respectives ont été riches et que les personnes invitées étaient concernées et avaient pleinement leur place. Les sujets ont été traités en profondeur et ont donné lieu à des recommandations perspicaces. Un beau succès !
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L’innovation technologique était au cœur des échanges et même le sujet d’une des trois tables rondes organisées ; en quoi est-elle capitale pour le développement du secteur maritime ?
Et bien, je vais te laisser la parole car vous étiez présents à la table ronde dédiée à l’innovation ! (Rires). Plus sérieusement, nous sommes un territoire très innovant dans tous les domaines et l’appel à projet Territoires d’Innovations, où nous sommes le seul territoire ultra-marin à avoir été lauréat, ainsi que les seuls à avoir su porter un projet exclusivement tourné vers la mer et l’océan, en est une parfaite illustration. L’innovation maritime fait partie de l’ADN de la Calédonie et dans ce secteur en particulier, il y a beaucoup à faire !
Lorsqu’on dit qu’on ne connaît pas les potentialités de la mer, on ouvre un champ complet à l’innovation : études et explorations des capacités permettent d’envisager une innovation placée au centre d’un pôle d’excellence. C’est ma vision des choses et ce en quoi je crois.
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Quels sont les projets innovants qui sont actuellement soutenus par le Cluster Maritime de Nouvelle-Calédonie ?
Il me semble que l’innovation liée à l’exploration n’en est encore qu’à ses débuts et qu’elle est au cœur de notre développement ; certaines sociétés technologiques et/ou de recherche se sont installées en Calédonie avec leurs drones, leur flotte d’AUV etc. et ce sont ces dernières qui ouvrent le champ des possibles !
Avant de prendre une décision ou une orientation économique, il faut d’abord connaître et engranger des savoirs, et le sujet de l’exploration des grands fonds est d’ailleurs un sujet à dimension internationale : ces acteurs pionniers nous permettent également d’aller chercher des fonds européens ou internationaux.
Nous avons un terrain de jeu de rêve, des outils adéquats pour partir à sa découverte et des sources de fonds identifiées :
Tous les ingrédients sont aujourd’hui à notre disposition pour faire de la Calédonie un territoire marin et sous-marin d’excellence…
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On a vu les trois principaux métallurgistes, à travers leurs représentants, présenter leurs démarches en matière d’énergies renouvelables : une première en Calédonie ! Qu’est-ce que t’inspire cette prise de conscience globale et les solutions proposées par ces entreprises ?
Je crois que la transition énergétique du territoire est déjà bien engagée et ce qui est intéressant, c’est de les faire intervenir et travailler ensemble, sur un même sujet. Chacun à sa démarche environnementale mais, ce qui m’intéressait, c’était de voir comment, concrètement, ils pouvaient appliquer ces solutions de production d’énergie à leur échelle. Nous allons évidemment poursuivre cette démarche afin de les intégrer, peu à peu, à l’univers du maritime à travers la notion de « transport » par exemple.
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Le projet du Port de Numbo pourrait donner à la Calédonie un positionnement stratégique au cœur de l’axe indopacifique et de belles opportunités de croissance économique ; quel regard portes-tu sur ce projet et quelles sont les opportunités identifiées ?
Le projet « Port Numbo » concerne tout ce qui peut se passer au sein de la baie de Numbo ; dès l’origine, l’ambition était de créer des infrastructures lourdes – mise à sec des bateaux, construction navale, ateliers de réparation, déconstruction etc. Assez rapidement, on s’est rendu compte, notamment en discutant avec les services compétents de la Ville de Nouméa, qu’on ne pourrait pas faire grand-chose, à terre, sur ce lieu. Ce constat a ouvert une réflexion plus large qui dépasse cette localité.
Aujourd’hui, la dépollution de la baie et de ses abords a débuté, les épaves seront déconstruites et on travaille à la création d’une nouvelle infrastructure avec un quai de levage et de travail permettant des activités de réparation navale. Actuellement, ça s’arrête là. En revanche, ce projet a ouvert la voie au projet de création d’un « Pôle Maritime d’Excellence » qui va couvrir les sujets allant de la formation à l’innovation, en passant par un « océanoscope » ou par un port scientifique, par exemple, car nous avons un réel potentiel au regard de notre positionnement géostratégique.
Il y a aussi toute une réflexion autour des moyens de levage : nous devons vraiment réfléchir collectivement car nous avons de réelles possibilités de créer un lieu d’infrastructures maritimes de haute facture réparties sur différents sites, à Nouméa mais également en dehors. Ce pôle maritime est aujourd’hui au centre de nos réflexions et j’aimerais beaucoup que l’élu en charge de l’économie maritime, Christopher Gygès, puisse nous accompagner aux « Assises de l’économie maritime » en métropole parce que c’est l’endroit où rencontrer les acteurs français, mais également européens, pour les convaincre de se pencher sur ce projet d’avenir et d’accompagner la Nouvelle Calédonie dans sa mise en place.
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Nous avons également annoncé le lancement prochain, en janvier 2023, d’un webmédia dédié à l’océan et aux eaux calédoniennes, NeOcean.nc ; que penses-tu de cette démarche et en quoi l’information est-elle capitale pour les acteurs du secteur ?
Je suis convaincu que, plus on parle des choses et plus ça fonctionne et, en particulier de la mer. Avoir un média dédié à l’océan et à la mer, basé en Nouvelle-Calédonie, avec la quantité de sujets locaux liés à ce secteur, je vois ça d’un très bon œil !
Encore une fois, savoir est une chose, faire en est une autre mais « faire savoir » c’est toujours compliqué ! C’était d’ailleurs un sujet au cœur de la table ronde sur l’innovation : comment faire pour que nos actions soient portées à la connaissance, non seulement des Calédoniens et des institutions locales, mais également de la région, voir dans le monde ?
Nous avons besoin de crédibilité et, à l’instar des Polynésiens qui sont des communicants talentueux, nous avons également besoin de dévoiler nos savoir-faire, nos compétences et toutes les super actions qui sont menées par des gens talentueux et ambitieux en Nouvelle-Calédonie. Vivement NeOcean donc… !
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Un dernier mot ou une dernière actualité pour nos lecteurs ?
La mer souffre du système actuel de gouvernance, de ce découpage institutionnel, car la mer est une, appartient à tout le monde et elle se retrouve « découpée » entre toutes ces institutions qui, souvent, ne s’accordent pas à travailler ensemble, voir pire… Au niveau du maritime, nous sommes donc très attentifs à l’évolution institutionnelle du pays afin de savoir comment va s’écrire l’avenir de notre lagon, de notre mer et, plus globalement, de la ZEE. Aurons-nous un jour un ministère de la mer et une gouvernance de la mer unifiés ?
Un exemple que nous aimerions suivre à ce sujet, c’est celui du Comité France Maritime, la vraie mise en place d’un partenariat « public – privé », co-présidé par le patron du cluster maritime français ET par le secrétaire général de la mer qui est directement rattaché au cabinet du Premier Ministre et a en charge toutes les choses de la mer. Les mondes économique et politique sont ainsi rassemblés autour de la table et permettent de prendre des mesures concrètes et d’avoir une vision à moyen et long terme concernant le développement du secteur maritime français. La création d’un tel organisme transverse serait une vraie plus-value pour la Calédonie !
Pour terminer notre discussion, un petit mot sur la prochaine édition des Journées de la Mer : l’année prochaine, je souhaite vraiment – et c’est un projet en cours – faire un événement ouvert à l’ensemble de la région. Australie, NZ, Polynésie etc… : je voudrais qu’ils soient représentés lors de cette prochaine édition à travers un événement à portée régionale, voire internationale ! Le gouvernement appuie cette volonté et si l’on bénéficie de leur aide, de leur réseau et des finances, je ne vois rien d’impossible : vivement 2023 !
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