S’il faut se déplacer jusqu’à la Station N pour s’entretenir avec Aurore Klepper, c’est que la toute jeune manager de la French Tech Nouvelle-Calédonie y a pris ses quartiers d’hiver et d’été. Comblée par son rôle central au sein de l’association après presque quatre années passées au Pôle Innovation de l’ADECAL, la jeune femme s’épanouit dans ses nouvelles fonctions. Face à une actualité 2023 riche en “innovation technologique“, Aurore est au four et au moulin ; elle s’est confiée à NeoTech sur ses diverses missions, sur les actualités de la “FTNC” ou encore sur les grands axes stratégiques de l’association. Papotages experts au menu !

La manager de la FTNC a un petit message pour vous… © NeoTech

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Bonjour Aurore et bienvenue sur NeoTech ; tu bossais pour l’INCubateur de l’ADECAL et maintenant te voilà manager de la French Tech Nouvelle-Calédonie : on aurait raté un épisode ? 

Salut NeoTech ! Alors, non, vous n’avez pas raté d’épisode mais ce changement de poste était une continuité logique ; en effet, je travaille dans l’innovation, sous des formes diverses, depuis le début de ma carrière et, après avoir passé près de quatre années à l’INCubateur, l’opportunité de rejoindre la FrenchTech Nouvelle-Calédonie s’est présentée. 

L’association avait besoin de recruter un permanent afin de donner une impulsion nouvelle, de la structurer et de la professionnaliser ; passionnée par le développement de projets innovants et le soutien à l’innovation, j’ai sauté sur l’occasion !  

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Quel est ton rôle au sein de cette jeune FTNC et quelles sont les missions qui t’ont été assignées ? 

Mon rôle, c’est d’être un couteau suisse ! Je suis la seule salariée et il y a donc tout à faire… que ce soit au niveau de la gestion administrative, financière, l’animation, la communication mais également toute la restructuration de la gouvernance. Néanmoins, mon objectif n’est pas de travailler toute seule, bien au contraire, je dois coordonner tous les cerveaux qui œuvrent pour le développement de la FTNC et aller, ensuite, chercher les moyens pour y parvenir. 

La FTNC est un réseau, un « hub », et son rôle est de structurer et d’animer l’écosystème « innovation » en compagnie des organisations déjà en place. Il existe plus d’une centaine de capitales et de communautés French Tech à travers le monde ; leur objectif ? Fédérer les écosystèmes de l’innovation, offrir un point d’entrée aux startups et rendre l’ensemble visible à l’échelle locale et internationale. 

French Tech
Les expertises et savoir-faire français représentés localement et à l’international © French Tech

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Quelle est la définition exacte de l’innovation dans les critères de la FTNC ? 

(Rires) Attends, je vais reprendre mon dictionnaire de l’innovation ! Blague à part, il existe plusieurs définitions de l’innovation qui cohabitent : celle de BPI France, celle de l’OCDE etc… Pour nous, l’innovation est multiforme et, contrairement aux idées reçues, l’innovation n’est pas que technologique. Notre définition est donc assez large et intègre les notions de nouveauté, de créativité – innovation tech donc mais aussi sociale, de procédé, de marché… – et de risque

French Tech
A la création de la FTNC, il y avait… © French Tech Nouvelle-Calédonie

Parfois, on nous dit que certains projets ne sont pas innovants car ils existent sur d’autres territoires. Pourtant, l’innovation, c’est également appliquer une solution existante sur un marché et dans un contexte tout à fait différents. Prenons l’exemple de la Nouvelle-Calédonie : au regard de la taille de notre marché, difficile d’imaginer y voir naître le nouveau Uber ou Google mais, en revanche, certains services et les business model associés peuvent être adaptés à notre territoire. Il faut penser son projet autrement et avec un autre modèle économique : c’est une vraie démarche d’innovation. 

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Combien de jeunes pousses sont aujourd’hui adhérentes et quels sont les « services » que vous leur proposez ? 

On a mis à jour notre base de données récemment mais, l’inscription à la FTNC étant gratuite et notre activité tournant autour de l’innovation, certains projets vivent et d’autres meurent, ce qui fait varier assez régulièrement le nombre de nos d’adhérents. De nouveaux adhérents viennent régulièrement frapper à notre porte : rien que la semaine passée, deux nouvelles structures nous ont contacté… 

Actuellement, « à la louche », nous comptons une soixantaine de startups ET entreprises innovantes car, même si nous n’en avons pas parlé avant, des entreprises de la place sont également en démarche constante d’évolution et conçoivent de nouveaux produits et services innovants. Il ne faudrait pas les oublier ! Nous avons également des contributeurs en nature et financiers qui viennent, comme leur nom l’indique, aider l’association car ils ont à cœur de soutenir le développement des startups et entreprises innovantes sur le caillou. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie nous soutien, nous finance et nous met à disposition des espaces à la Station N. L’OPT nous finance directement également.

Côté services, nous venons de retravailler notre feuille de route ; il faut comprendre que le « Label French Tech » est une labellisation que l’on obtient pour une durée de trois ans ; nous avons obtenu très récemment notre seconde labellisation « 2023 – 2025 ». Par ailleurs, nos actions sont scindées en deux axes.  

D’une part, nous soutenons les actions locales, pour et par nos startups et entreprises innovantes, en synergie avec les acteurs en place, tels que la Station N, le Pôle Innovation, OPEN NC etc. En parallèle, nous délivrons les programmes French Tech qui nous proviennent de la mission FT : French Tech Central, French Tech Rise, French Tech Tremplin, des programmes nationaux qui sont déployés localement. Notre rôle est également d’organiser des actions d’animation – workshops, meetups, événements etc. – et de networking pour fédérer l’écosystème et favoriser les rencontres. 

D’autre part, nous avons un rôle à jouer à l’international : la FTNC est une marque qui a pour ambition de faire rayonner les savoir-faire français dans le monde entier. A ce titre, nous avons pour mission d’aider nos startups calédoniennes à s’exporter dans la région.

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On était justement à votre événement « Tech4Good » en fin d’année dernière : chouette moment ! Peux-tu dresser un bilan « quanti / quali » de cette première pour nos lecteurs ? 

Le bilan est très bon ! C’était une première et notre objectif était de concevoir un événement professionnel d’envergure régionale ; nous avons eu la chance d’avoir cinq pays représentés et trois autres communautés French Tech qui se sont déplacées en Calédonie à l’occasion de cet événement – Australie, Nouvelle-Zélande, Polynésie Française. Nous avons d’ailleurs signé un MOU* pour marquer le début d’une forme de coopération régionale. 

Cet événement a permis de réunir professionnels, décideurs, investisseurs etc. pour faire connaître notre structure mais également nos startups afin que les Calédoniens comprennent mieux notre action. Chambres consulaires, grands groupes, collectivités… tous ces acteurs étaient présents lors de ce « Tech4Good NC Summit ». Ce bel événement, il faut le souligner, a été rendu possible grâce à nos partenaires, au premier rang desquels, le gouvernement. 

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A l’occasion de cet événement, vous avez donc annoncé la signature d’une convention de partenariat avec les FrenchTech présentes ; quelle est votre vision stratégique pour la région et comment vous intégrez-vous au sein de cet écosystème FT ? 

Notre but, c’est d’étendre notre réseau dans le Pacifique ; nous étions déjà en relation avec la FT PF et nous avons pu rencontrer les Australiens et Néo-zélandais qui viennent d’obtenir leur labellisation. Désormais, l’objectif c’est de développer ces partenariats, partager nos problématiques et savoir-faire, travailler ensemble pour nous développer sur le marché international ; tout ça doit se formaliser prochainement. 

On retrouve d’ailleurs nos amis néo-zélandais et polynésiens lors d’un déplacement prochain en Nouvelle-Zélande pour le « Pacific Business Forum ». La tech sera donc bien représentée à cet événement ! 

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Dans pas longtemps, il semblerait que de nouvelles élections arrivent pour façonner un nouveau Bureau et, potentiellement, une nouvelle présidence. Explique-nous plus en détails comment fonctionne votre gouvernance et qui a la possibilité d’y participer ? 

Bonne question ! C’est d’ailleurs l’objet de notre événement du 23 février prochain… Au départ, la FTNC était construite comme un consortium, avant d’être structurée sur le format associatif ; aujourd’hui, il faut que nous réécrivions nos statuts pour fluidifier notre gouvernance et notre fonctionnement opérationnel. 

A date, nous avons un board constitué des startups et entreprises innovantes et un conseil de surveillance composé de nos contributeurs – GNC, OPT, Pôle Innovation etc. Son rôle est de valider les décisions du board. Nous souhaitons revoir cette organisation pour constituer un board unique qui prend les décisions pour « tout le monde », en respectant la charte de la mission French Tech qui inclut le fait d’être majoritairement composé de startups et entreprises innovantes. Avec la reconduite de notre labellisation et d’une nouvelle feuille de route, il est important de revoir notre structure pour la faire gagner en agilité opérationnelle et avoir des forces vives thématiques autour de la table, capables de porter concrètement nos sujets. 

Le principe actuel de co-présidence permettrait, en plus, de répartir et partager les sujets : l’un serait plutôt orienté sur notre développement international, tandis que l’autre aurait un œil avisé sur ce qui se passe localement. Rien n’a encore été décidé mais ça fait partie de nos réflexions actuelles. 

Les prochaines élections seront organisées en mars et chaque membre « startup / entreprise innovante » et « contributeur » pourra voter pour les acteurs qui auront fait acte de candidature. Ainsi, les votants élisent le board de startups et ce dernier élit lui-même les deux « contributeurs » externes qui le rejoindront également. Un siège est obligatoirement réservé au gouvernement. Ce board complet désigne alors le Bureau, composé du / des Président(s) et, a minima d’un vice-président, d’un trésorier et d’un secrétaire général. Nous avons vraiment besoin de gens proactifs ET constructifs pour le collectif ! 

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Quelle est ta vision de l’innovation en Nouvelle-Calédonie et quelles sont encore les entraves qui existent pour booster le développement de nos startups à l’international ? 

A mon sens, ce qui est intéressant, c’est que nos problématiques d’innovation diffèrent de ce qu’on peut retrouver en métropole ou sur les « grands » marchés ; nos problématiques insulaires poussent les Calédoniens à innover sur des axes de transition écologique et énergétique. Ça paraît évident mais énormément de projets portent sur l’autonomie et la sécurité alimentaires, les EnR, l’économie circulaire… L’innovation calédonienne diffuse un vrai savoir-faire et apporte une réelle valeur ajoutée sur ces thématiques. 

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Un co-président heureux sur le stand de la Caledonian Tech au Tech4Islands Summit © French Tech

Sur le Caillou, on a deux principaux cas de startups / entreprises innovantes ; d’un côté, celles qui vont développer un produit / service très scalable, qui visent un marché mondial, considérant la Calédonie comme leur « bac à sable ». D’autre part, il y a celles qui vont développer un produit / service adapté au marché local mais qui sera duplicable sur d’autres marchés similaires, tels que les îles du Pacifique, ou d’ailleurs. On n’a vraiment pas à rougir de notre écosystème ! Par exemple, sur la « Tech4Islands », comme disent nos amis polynésiens, nous disposons d’un savoir-faire unique. 

Maintenant que c’est dit, il existe encore bien des barrières au développement des startups locales ; la première ? On manque cruellement d’investisseurs, de « vrais » investisseurs, d’un fond de capital-risque privé qu’on attend toujours par exemple… C’est un énorme frein ! L’écosystème est structuré pour des projets à l’amorçage mais, lorsqu’il s’agit d’aller chercher des fonds pour déployer une stratégie de développement international, ça devient très compliqué ! On a des startups qui sont actuellement dans ce cas-là et je crois que vous en faites partie, non ? 

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Un dernier mot ou une dernière actualité pour terminer ? 

Nous allons bientôt avoir de grosses actualités à annoncer, ce que nous ferons lors de notre événement de rentrée qui se déroulera le 23 février prochain ; il me semble d’ailleurs que tu sais de quoi je parle ! #teasing ; cette année doit nous permettre de faire briller la Nouvelle-Calédonie à l’international et on va s’en donner les moyens ! 

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*Memorandum Of Understanding