Cette semaine, cap sur la SLN, mais pas celle que vous croyez. Pas de nickel au menu mais plutôt de l’IA et du marketing digital avec la SLN L’Agence, fondée par Ludovic Salenne, alias Ludo. Devenir entrepreneur après sept ans de salariat, plonger dans le digital avant qu’il soit enseigné, prendre le virage du numérique avec un temps d’avance, le moins que l’on puisse dire, c’est que Ludo n’est pas du genre à attendre que la tendance se confirme. Avec son agence, il accompagne les entreprises à naviguer dans leur transformation numérique. Formateur, consultant et créateur de contenus suivi par plus de 200 000 abonnés sur YouTube, il a développé une approche singulière, entre vision de fond et passage à l’action.

Dans cette interview, Ludo revient sur son parcours, dévoile sa philosophie de travail façon maki, partage ses réflexions sur l’avenir du travail à l’ère de l’IA, et livre des conseils très pratico-pratiques pour enclencher (ou accélérer) sa transition digitale. Spoiler alert, si vous attendez que tout soit parfait pour vous lancer, vous partez déjà avec un train de retard…

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Bonjour Ludo et bienvenue sur NeoTech. Pour débuter cet échange peux-tu nous raconter les grandes étapes de ton parcours professionnel qui t’ont conduit à fonder la « SLN L’agence », et nous expliquer ce qui t’a motivé à te spécialiser dans le marketing digital et plus spécifiquement l’IA ?

Bonjour NeoTech, merci beaucoup pour l’invitation !  J’ai un parcours assez atypique. Après un cursus d’études « classique » où j’ai obtenu un master en marketing et commerce international, j’ai commencé ma carrière dans le salariat. En l’espace de sept ans, j’ai enchaîné huit CDI dans différentes sociétés. C’est à ce moment-là que je me suis dit qu’il y avait sans doute un problème. J’avais du mal avec la hiérarchie, j’aimais avoir une vision et la mettre en œuvre moi-même. J’ai donc décidé de quitter le salariat pour lancer ma propre structure, ce qui a donné naissance à mon agence la SLN.

À l’époque de mes études, on n’enseignait pas encore vraiment le digital, les réseaux sociaux n’étaient pas implantés, et internet restait marginal dans les entreprises. Pourtant, très vite, j’ai senti que le numérique allait prendre une place de plus en plus importante, notamment en observant les entreprises américaines commencer à communiquer sur Facebook, Twitter etc. J’ai donc appris sur le terrain en me disant qu’en tant que responsable marketing, si je voulais rester employable et avoir un petit avantage concurrentiel, il fallait que je prenne ce virage en avance.

C’est de cette manière que je suis progressivement entré dans le marketing digital autour de 2010. Puis, en creusant, je me suis intéressé à tout l’écosystème logiciel et à l’automatisation marketing. Dès 2014–2015, on voyait déjà apparaître les premières briques d’intelligence artificielle dans les outils digitaux avec par exemple les envois de mails automatisés avec messages personnalisés. Puis, petit à petit, on commençait à implémenter de l’IA dans les boîtes même si nous étions encore loin des modèles que nous connaissons aujourd’hui. Quand ChatGPT s’est démocratisé en 2022, j’ai décidé d’orienter ma chaîne YouTube, que j’utilisais déjà pour présenter mes services, pour aborder ces thématiques autour de l’IA. À partir de ce moment-là, ma chaîne a décollé, et mon activité aussi. Aujourd’hui, nous sommes spécialisés à 100% dans l’intégration de l’intelligence artificielle, pas seulement pour les services marketing, mais dans tous les niveaux de l’entreprise. 

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« SLN L’agence » accompagne les entreprises dans leur stratégie digitale. Quelles sont les problématiques les plus fréquentes que rencontrent les boîtes aujourd’hui quand on parle d’IA ? Et surtout, comment vous les aidez à s’en sortir (et performer) ?

Beaucoup d’entreprises découvrent l’intelligence artificielle et se disent que c’est accessible. Les interfaces des outils sont pensées pour donner l’impression qu’aucune compétence particulière n’est nécessaire pour les utiliser. Mais très vite, ces mêmes entreprises se rendent compte que les résultats obtenus ne sont pas toujours exploitables. Elles se heurtent à des problématiques comme la protection des données, la mise en place d’automatisations, ou encore l’intégration à leurs systèmes métiers. C’est souvent à ce stade qu’elles nous sollicitent.  

Nous avons plusieurs étapes dans la démarche que nous proposons. D’abord, nous avons une phase de sensibilisation où j’interviens pour faire des démonstrations en présentant des outils adaptés aux besoins et aux problématiques de l’entreprise. Ensuite, nous laissons un temps de maturation de deux à trois semaines pendant lesquelles les collaborateurs testent ce qu’ils ont vu, explorent et expérimentent. Cela nous permet d’analyser les process, les outils utilisés, les tâches réalisées au quotidien afin d’avoir un mapping complet pour leur préconiser des solutions et les mettre en place en interne. Généralement nous avons un accompagnement sur six mois où nous allons former tous les collaborateurs sur des outils et des process avec des points d’étapes hebdomadaires. Nous sommes vraiment dans une logique qui combine sensibilisation, implantation et formation.

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On a adoré le concept du « Da Sushi Code » (une vraie philosophie de travail façon maki) ! Peux-tu nous expliquer d’où ça vient, et en quoi ça t’inspire dans ton quotidien de marketeur ?

Cette approche m’est venue de deux choses. D’abord, d’un amour pour les sushis (j’en mange plusieurs fois par semaine) et d’un documentaire qui m’avait marqué, consacré au maître sushi japonais Jiro qui m’a permis de faire un parallèle entre la gastronomie et la transformation digitale.

Dans la gastronomie, il faut de tout, des chefs étoilés et des fast-foods. Chacun répond à des besoins différents, selon les moyens, les attentes ou les habitudes. Et dans mon métier, c’est exactement pareil. Certaines entreprises ont besoin d’aller très vite avec des solutions clés en main, prêtes à être consommées. C’est le modèle fast-food. D’autres, au contraire, veulent s’inscrire dans la durée, avec une transformation sur mesure. Je suis plutôt dans cette seconde approche, avec finalement la même logique que dans la haute gastronomie. Cela peut sembler prétentieux dit comme ça, mais l’idée est de prendre le temps d’observer et de comprendre chaque ingrédient, pour essayer d’en faire un plat incroyable.

Finalement, l’accompagnement des entreprises qui nous sollicitent n’est jamais le même en fonction de leur sensibilité, leur appétence aux nouvelles technologies etc. Chaque entreprise va avancer à des vitesses différentes avec des freins qui leurs sont propres. Sur cette partie-là, le conseil ressemble à une psychothérapie. Lorsqu’on accompagne une entreprise dans sa transformation, on se heurte souvent à la fameuse courbe du changement. Des résistances apparaissent, certains collaborateurs freinent, pas par mauvaise volonté, mais par peur de ne pas être à la hauteur, de mal faire, de perdre leur place dans un écosystème qui évolue trop vite pour eux… C’est à ce moment-là que tu te rends compte que transformation digitale est avant tout une transformation humaine et celle-ci passe par de la psychologie qu’il est essentiel d’intégrer dans tes accompagnements. C’est aussi pourquoi, selon moi, le modèle « fast food » ne peut pas convenir à toutes les boîtes. 

maki
Une philosophie qui donne faim !

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Tu postes, tu podcastes, tu youtubes. La création de contenus, c’est clairement ton terrain de jeu. Quel rôle joue cette création dans ta démarche professionnelle ?

Il y a une vraie dimension passionnée dans ce que je fais. J’ai toujours été frustré de voir que dans le digital, les entreprises qui en ont le plus besoin sont souvent celles qui n’ont pas le budget pour en profiter. Les grandes sociétés, qui disposent de fonds conséquents pour le marketing et la transformation digitale, sont déjà bien établies, bien visibles, et n’ont donc pas autant besoin de communiquer. En revanche, les petites entreprises, qui se battent au quotidien pour attirer de nouveaux clients manquent de visibilité en ligne et auraient tout intérêt à utiliser l’intelligence artificielle pour mettre en place des stratégies de contenus efficaces, capables de booster leur chiffre d’affaires. C’est pour cette raison que j’ai voulu créer du contenu accessible pour aider en particulier celles qui n’ont pas les moyens de faire appel à une agence. C’est une sorte de financement participatif. Grâce aux clients de mon agence et à ceux qui suivent nos formations, je peux offrir un contenu gratuit aux petites entreprises, pour qu’elles puissent aussi en bénéficier.

Cependant, il faut être honnête, je ne suis pas non plus une association et il y a aussi une logique commerciale derrière la création de ces contenus appelée l’inbound marketing. Dans le marketing traditionnel, tu envoies des prospectus, tu passes des coups de téléphone ou tu bombardes de mails des personnes qui n’ont rien demandé. Cette technique ne marche plus. L’inbound marketing consiste à créer du contenu de valeur que des clients potentiels vont trouver utile et qui attire leur attention. Ensuite, avec un travail de marketing automation notamment et d’intelligence artificielle, je vais essayer de les convertir en clients. C’est exactement ce que je fais avec ma chaîne YouTube, par exemple. Nous atteignons entre 500 000 et un million de vues par mois, et parmi toutes ces personnes, certaines ont besoin d’un accompagnement et vont naturellement venir vers nous, soit en s’inscrivant à nos formations, soit en demandant plus de conseils.

Aujourd’hui, avec la saturation du web et le phénomène de l’infobésité, la compétition est encore plus rude. Pour se démarquer, il faut mettre en place une stratégie de l’attention. L’inbound marketing devient donc plus complexe car il nécessite aussi une stratégie autour de la valeur. C’est à ça que me sert YouTube, LinkedIn et les différentes plateformes sur lesquelles j’interviens. Je suis vraiment une démarche de « personal branding », qui me permet de me positionner comme un expert dans mon domaine en partageant gratuitement du contenu à forte valeur ajoutée. Et si ce que j’offre gratuitement vous aide déjà, imaginez ce que nous pourrions faire dans le cadre d’un accompagnement sur mesure…

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Parlons de ta chaîne YouTube. Qu’est-ce qui t’a poussé à choisir cette plateforme comme canal de diffusion ? Comment construis-tu ta ligne éditoriale ?

YouTube, c’était pour moi une manière complémentaire de partager mes connaissances, différente de LinkedIn ou du blogging, qui sont très orientés B2B. Le format se prête bien à une consommation plus informelle, ce qui me permet de toucher un public plus varié. Ce profil mixte se reflète dans mon audience, composée de particuliers comme de professionnels. Cela dit, la majorité de mes abonnés ont plus de 35 ans et sont donc souvent des personnes déjà bien engagées dans leur carrière.

SLN L'Agence
Ça donne envie de s’abonner non ?

Concernant la ligne éditoriale, j’ai testé pas mal de choses. Avec le temps, j’ai développé une certaine intuition. J’essaie de structurer mes vidéos en fonction de différents niveaux de maturité. D’abord ceux qui découvrent l’IA, puis ceux qui commencent à s’y intéresser sérieusement et enfin ceux qui veulent passer à l’action et ont besoin de solutions concrètes, voire d’accompagnement. L’objectif est de proposer du contenu qui parle à chacun de ces profils. Cela dit, planifier du contenu autour de l’IA est un vrai défi. Tout va tellement vite qu’un contenu peut devenir obsolète avant même sa publication.

Pour alléger le rythme, je suis passé à une vidéo par semaine et nous allons également lancer une chaîne secondaire. L’idée, c’est d’avoir d’un côté la « haute gastronomie » avec des vidéos plus longues et plus travaillées, et de l’autre, sur la chaîne secondaire, des formats courts sur l’actualité. Un peu comme du « McDo » de l’info IA. 

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Si tu devais sortir la boule de cristal : quelles sont les tendances IA, que tu vois émerger en ce moment ? A ton avis, comment vont-elles influencer les pratiques des entreprises dans les années à venir ?

Si on évoque les grandes tendances à venir autour de l’intelligence artificielle, l’exercice est compliqué tant l’évolution des outils est rapide. Mais si je me projette à 15 ans, je pense que nous nous dirigeons vers la fin du salariat. L’intelligence artificielle va progressivement prendre en charge un grand nombre de tâches actuellement assurées par l’humain, ce qui entraînera un bouleversement profond de notre modèle économique. Comme pour toute révolution technologique, ce changement ne se fera pas sans résistance. L’histoire nous a montré que chaque avancée technique s’accompagne de mouvements sociaux qui freinent son adoption, et ce sera encore le cas avec l’IA. Cela prendra donc du temps. Mais à long terme, il faut accepter l’idée que l’intelligence artificielle accomplira certaines tâches mieux que nous, ce qui imposera de repenser en profondeur notre organisation du travail.

En revanche dans les années à venir, une des tendances majeures, qui commence déjà à émerger, concerne les agents d’intelligence artificielle. Jusqu’à présent, le grand public a découvert l’IA générative principalement sous forme de chatbots. On pose une question, on reçoit une réponse, on génère une image ou une vidéo. Mais nous sommes vraiment en train de passer à l’étape supérieure avec ces agents IA conçus pour raisonner autour d’un objectif, définir le plan d’action pour l’atteindre puis mobiliser les outils nécessaires à son exécution. Les manager de demain seront amenés à gérer non plus des équipes humaines, mais ces nouveaux agents IA. Si nous prenons l’exemple du marketing, un agent IA rédigera les emails, un autre gérera les réseaux sociaux, un troisième s’occupera du site web… Le rôle du responsable marketing consistera alors à paramétrer, coordonner et ajuster ces agents en fonction des objectifs, des données et des évolutions des modèles de langage. Ce modèle de « manager d’agents IA » est, pour moi, la tendance de fond. Avec cette évolution, les métiers de bureau vont devoir s’adapter à cette réalité, qui se concrétise petit à petit dans le monde. 

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Pour finir, un petit conseil à donner aux entreprises qui veulent entamer ou accélérer leur transformation digitale ?

Se former, c’est essentiel, mais dans le contexte de l’intelligence artificielle, cela ne suffit pas. Tout évolue tellement vite qu’il ne faut pas attendre d’avoir terminé une formation pour commencer à utiliser les outils. Si on passe six ou huit mois à se former sans pratiquer, on risque d’appliquer des connaissances déjà obsolètes. L’approche la plus efficace serait plutôt de se former aux fondamentaux tout en adoptant l’IA dans son quotidien. Le meilleur point de départ, selon moi, est de prendre les tâches qui nous ennuient au quotidien, celles qui nous font perdre du temps, et de voir comment l’IA peut nous aider à les simplifier ou les automatiser. C’est en collaborant avec l’IA sur des cas concrets que l’on va gagner du temps, s’entraîner à bien interagir avec elle, identifier ce qui fonctionne ou non et progresser naturellement.

Ce qui est intéressant avec l’IA, c’est qu’il est possible d’apprendre en faisant. Il ne faut donc pas attendre de tout maîtriser pour se lancer. Il y a longtemps on m’a donné un conseil qui disait « fait est mieux que parfait », et je l’applique encore aujourd’hui le plus souvent possible. On fera des erreurs, certaines choses ne marcheront pas du premier coup. Mais on gagnera du temps quoi qu’il arrive. Le plus important, c’est d’agir, d’expérimenter, de tester ce que l’on apprend, et d’avancer.

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