Après avoir rencontré deux pépites issues du programme éponyme portée par l’Université de Nouvelle-Calédonie, NeoTech est parti à la rencontre de Naomi Daculsi, chargée de mission au Pôle Étudiant Pour l’Innovation, le Transfert et l’Entrepreneuriat (PÉPITE) et de trois étudiants, Damien, Ludovic et Lucas, qui ont monté ensemble le projet « Wordlet« . L’occasion d’en savoir plus sur cette mine de talents 100% calédoniens !

__

Bonjour à tous ! Pourriez-vous me parler du programme PEPITE NC, de son historique et de ses réalisations jusqu’à aujourd’hui et de ce qu’il apporte concrètement aux étudiants ? 

Naomi Daculsi : En France, le programme Pépite existe depuis 2014 et fait partie d’un réseau national comptant 33 programmes similaires. Nous avons la chance d’avoir un « Pépite Nouvelle-Calédonie » depuis 2019 : c’est donc la troisième promotion cette année ! L’objectif est d’accompagner les étudiants et jeunes diplômés dans leur envie de porter et de développer un projet entrepreneurial. En Calédonie, ce programme répond à un réel besoin car il n’existe pas de formations dédiées à l’entrepreneuriat. 

Pour intégrer le programme « Pépite », il faut à minima avoir son bac et, même si le dispositif cible en priorité les moins de 28 ans, nous restons tout de même ouverts à tous : notre plus jeune participante à 19 ans et notre doyen 37 ans ! Les profils sont très hétérogènes ; par exemple, certains professionnels se rattachent à l’UNC par le biais du « Diplôme d’Étudiant Entrepreneur » (D2E) ce qui leur permet d’intégrer le programme alors qu’ils ont terminé leurs études. 

Wordlet : De notre côté, « Pépite » nous permet tout d’abord de prendre contact et de côtoyer des professionnels ; pour notre part, nous avons collaboré récemment avec l’agence « One Shot » rencontrée lors d’un événement organisé par l’UNC, le « Café sans Filtre ». Le programme nous permet également d’échanger et de collaborer avec des entrepreneurs locaux qui ont des compétences et parcours différents et de participer à des ateliers pratiques qui permettent de combler les lacunes de notre formation spécialisée en informatique : finances, business model / plan, comptabilité… 

Programme Pépite NC
Vous reprendrez bien un petit café sans filtre…? © Pépite NC

__

En quoi consiste votre projet « Wordlet » et pourquoi avoir sélectionné ce projet ? 

Wordlet : Nous avons intégré le programme « Pépite » à travers le projet « Wordlet » qui consiste à créer un environnement numérique dans lequel les utilisateurs peuvent acquérir des mots, les échanger entre eux mais également jouer à des jeux. Pour « certifier » ces mots, nous utilisons la technologie blockchain, la même que celle utilisée par les cryptomonnaies. L’idée, c’est ensuite de combiner les mots pour former des haïkus ou des poèmes qui sont ensuite certifiés par la blockchain et ainsi authentifiés et uniques. C’est une combinaison entre l’art et la technologie

N.D. : Pour ma part, j’aide les participants à  déposer leur candidature et à préparer leur oral. Ils passent ensuite devant un Comité d’Engagement composé de quinze partenaires ce qui peut leur paraître impressionnant mais qui est un excellent entraînement ! Ils ont ensuite cinq minutes pour pitcher leur projet et donner envie au jury de les accompagner. 

Pour prendre une décision, nous nous intéressons, entre autres, au dynamisme du ou des porteurs de projet, au potentiel du projet en lui-même et aux possibles évolutions de ce dernier. Nous sommes en partenariat avec l’Incubateur de l’ADECAL Technopole qui peut ainsi être une passerelle pour certains projets innovants. Nous avons donc également le rôle de « débusqueurs de talents calédoniens ».

__

Pourquoi avoir choisi un projet autour des crypto-monnaies et que pensez-vous de la récente crise financière de ces crypto-monnaies ? 

Wordlet Notre objectif est d’intégrer le système actuel des cryptomonnaies pour bénéficier des flux monétaires mais ce n’est pas la partie principale du projet. La cryptomonnaie permettra simplement d’acquérir des mots ou des phrases par l’achat d’un token personnalisé. Le projet est basé sur la blockchain « Flow » qui permet à la fois de programmer et d’utiliser la cryptomonnaie éponyme pour les transferts. Le secteur des cryptomonnaies est un domaine numérique en pleine évolution qui s’inscrit dans la continuité de notre formation. 

Par ailleurs, je ne crois pas qu’il faille parler de « crise » concernant les cryptomonnaies ; effectivement, dernièrement, il y a eu beaucoup de fluctuations du marché, hausses et baisses confondues, et on assiste désormais à une simple correction de marché, comme c’est souvent le cas pour les métaux rares et les matières premières par exemple. De récentes levées de fonds réussies par des startup du marché prouvent d’ailleurs que les investisseurs leurs accordent toujours leur confiance.  

__

Quelles sont les critères à respecter pour intégrer le programme « PEPITE NC » et comment avez-vous constitué votre dossier ?

N.D. : Avoir le bac, vouloir porter un projet, même évolutif au cours de l’année, mais surtout être motivé car c’est avant tout l’envie d’entreprendre qui va séduire le jury ! Le dossier d’intégration du programme est composé d’une description des porteurs du projet et de leurs rôles, de la présentation du projet et de son état de développement et des attentes du ou des porteurs de projet. Ils doivent ensuite ordonner leurs réponses à travers le pitch de 5 minutes devant un jury composé par une quinzaine de représentants de nos partenaires : associations patronales, l’ »Incubateur », la « CCI », l’ »EGC », l’ »UNC », le « Vice-Rectorat », des associations comme « Initiative NC », l’ »ADIE », la « CMA » ou le « CFA », les banques « BNC » et « BPI ». La décision finale est ensuite prise par le jury qui choisit ou non d’intégrer le projet au programme Pépite. 

Wordlet : On nous a proposé le programme par le biais d’un projet « tutoré » dans notre licence informatique. En creusant ce dernier, on s’est dit qu’il pourrait évoluer favorablement et concrètement si nous rejoignions le programme Pépite. Nous nous sommes ainsi tournés vers Naomi qui a bien voulu nous aider. Il faut comprendre que nous faisons ça totalement en parallèle de nos cours : nous sommes tous les trois en sixième semestre de licence informatique. 

__

Quelle est la place de l’innovation chez les jeunes Calédoniens et que reste-t-il encore à mettre en place pour l’encourager et la développer ?

Wordlet : Très peu de projets calédoniens peuvent être considérés comme « innovants » à l’échelle mondiale et ce, pour plusieurs raisons ; la première est sans doute la peur de se faire « voler » son projet en en parlant autour de soi ! C’est pourtant tout l’inverse qu’il faut faire car si l’on n’en parle pas, on n’a pas de feedbacks, ni de conseils et il se meurt avant d’avoir débuté. Néanmoins, la Calédonie est propice au développement de projets novateurs car nous sommes « un bac à sable », un laboratoire d’innovation au regard de la taille du marché et du territoire. 

N.D. : Nous travaillons en étroite collaboration avec l’ »Incubateur » qui recrute des projets innovants quel que soit leur stade de développement ; notre rôle est d’insuffler cette volonté d’entreprendre, que ce soit aux étudiants bien sûr, mais aussi à tous les acteurs du territoire. Pour ce faire, nous sommes à l’origine de plusieurs initiatives telles que la « Semaine de l’entrepreneuriat » qui a eu lieu récemment et devrait se reproduire juste avant la prochaine rentrée scolaire, le « Café sans filtre » ou encore « Entreprendre au féminin ». 

Semaine de l'entrepreneuriat Programme Pépite UNC
Elle s’est déroulée fin août en Calédonie © Pépite NC

Nous organisons en parallèle des ateliers d’idéation pour stimuler la créativité ou des « serious games » qui permettent aux étudiants d’être confrontés concrètement à l’innovation. Je crois que de nombreux acteurs « poussent » l’innovation sur le territoire, que de nombreux projets peuvent émerger de la Calédonie et que d’autres projets novateurs internationaux peuvent être adaptés aux spécificités de notre territoire. 

__

Qu’est-ce que le SNEE et le DEE et en quoi ce statut et ce diplôme vous seront-ils utiles pour la suite de votre carrière ? 

N.D. : Le SNEE, pour « Statut National Étudiant-Entrepreneur », et le D2E est le « Diplôme Étudiant Entrepreneur » sont deux choses différentes ; les étudiants encore inscrits à l’UNC ont le SNEE alors que ceux qui ont quitté l’université sont rattachés au D2E. Ces derniers passent un diplôme à la fin de leur cursus dans le programme « Pépite ». En revanche, tous peuvent bénéficier du diplôme s’ils souhaitent s’y inscrire : l’engagement est simplement plus conséquent avec un plus grand nombre de rendez-vous de suivi et des cours complémentaires qu’ils choisissent parmi toutes les formations de l’UNC et auxquels ils se greffent ensuite. Enfin, ils doivent passer une soutenance pour valider leur diplôme. Il existe une autre différence : le D2E se passe sur un an alors que le programme « Pépite », via le SNEE, peut se faire en une ou deux années. 

Wordlet : Actuellement, nous sommes en SNEE : cela nous permettra d’attester que nous avons suivi un parcours entrepreneurial en plus de notre formation « classique ». Ce sera un plus sur le CV lorsque nous souhaiterons intégrer une entreprise ou en développer une par nos propres moyens.

__ 

Quels partenaires soutiennent ce programme et en quoi ces partenaires sont-ils utiles pour le développement de votre projet ? 

N.D. : Ce sont les mêmes qui composent le Comité d’Engagement : les membres fondateurs – la « CCI », l’ »Incubateur », l’ »EGC », le « Vice-Rectorat » et l’ »UNC » -, et les partenaires externes tels qu’ »Initiative NC » qui finance notamment des ateliers sur la posture entrepreneuriale ou convie des intervenants professionnels pour les événements « Café sans filtre ». Nos partenaires fournissent également des tuteurs professionnels car les étudiants disposent d’un double accompagnement, par un tuteur académique et par un tuteur professionnel, pendant leur parcours « Pépite ». Les banques – « BPI » et « BNC » – financent quant à elles des prix comme le prix Pépite qui permet d’obtenir des financements pour développer le projet vainqueur. Nous disposons d’un beau réseau de partenaires que nous continuons à élargir afin de bénéficier de plus nombreux apports humains, matériels ou financiers. 

Programme Pépite UNC
Tous des Pépites… © Pépite

Wordlet : De plus, ces partenaires nous apportent un réel soutien ! Ils peuvent nous accompagner sur des tâches administratives auxquelles nous n’avons jamais été confrontés. Chez nous, notre tuteur, c’est Thibaud Leflaive de « cryptos.nc » qui nous aide sur ces considérations administratives car il jouit d’une longue expérience dans l’entrepreneuriat. De plus, les différents partenaires permettent également de construire un réseau ce qui est fondamental pour notre projet. Quant à « One Shot », comme ils développement également des projets sur la blockchain, ils nous apportent des conseils sur la propriété intellectuelle et les dépôts de marque par exemple… 

__

Nous avions déjà parlé de l’application « Neo » d’Erwan Kerbrat dans un précédent article ; quels sont les autres projets portés par le programme en 2021 et quel sont les projets, passés ou présents, qui vous ont le plus inspiré ?

N.D. : Il y a des projets innovants dans les applications et services web, mais aussi des projets dans le tertiaire ou le service à la personne tels que les ateliers du boulanger, laboratoire de cuisine partagée, auberge de jeunesse à l’Île-des-Pins… D’autres concernant l’environnement, les micro-organismes, des éponges végétales… Tous les projets sont différents, bien que parfois complémentaires. C’est une promotion riche et motivée pour entreprendre ! 

Wordlet : Nous avons deux camarades qui ont lancé le projet « Remplamed » au début du programme et on a pas mal discuté avec eux, que ce soit à propos de leur expérience et de leur projet, comme du nôtre. Ça nous a permis de découvrir l’opportunité « Pépite ». En parallèle, la rencontre avec Erwan a été inspirante car il est très motivé, pédagogue et souhaite aider les gens à entreprendre. Ça créée des cercles vertueux et des synergies entre chaque projet. 

Programme Pépite UNC
Erwan a développé Neo, une app’ pour faciliter l’apprentissage des maths © Outre Mer la 1ère

Nous sommes assez intéressés par toutes les applications numériques car on peut y faire intervenir la blockchain sur les parties « authentification » et « décentralisation » notamment ; un autre projet offre la possibilité de faire du transfert « achat / vente » de biens immobiliers en évitant le passage par les agences : le fait de ne pas passer par ce tiers de confiance est une forme de décentralisation. D’une certaine manière, l’objectif est le même que le nôtre : se débarrasser du tiers de confiance en qui on ne peut pas toujours avoir confiance ! 

__

Dans un monde idéal, où en sera le programme PEPITE NC d’ici 10 ans et où vous voyez-vous dans 10 ans ? 

N.D. : J’espère que nous aurons une capacité d’accueil encore plus large ; cette année, nous avons accueilli 17 projets, l’année dernière 12… Chaque année, nous essayons d’intégrer plus de porteurs de projet et de bénéficier de moyens supplémentaires pour ce faire. Ce serait également bien d’ouvrir une antenne dans le Nord car, à l’heure actuelle, nous n’avons pas d’étudiants en provenance de cette région ! Nous avons également un objectif de labellisation d’ici deux ans qui dépend de certaines normes qualitatives que nous sommes en train de mettre en place. 

Wordlet : 10 ans, c’est loin ! Déjà, dans un an… A la base, « Wordlet » est un projet qui nous permet de faire un premier pas dans l’univers des cryptomonnaies. Dans un monde utopique, « Wordlet » connaîtrait un succès d’estime international et nous permettrait de nous plonger vers d’autres aventures… 

__