Difficile de parler “cryptos” en Calédonie sans tomber sur Thibaud Leflaive et son organisme de formation “Cryptos.nc” ! NeoTech est allé à la rencontre d’un homme aux vies multiples : de sa bourguignonne enfance aux bancs de l’école de cinéma, du quotidien parisien chez Canal + aux aléas de la vie d’entrepreneur calédonien dans le bâtiment, il est tombé dans le “terrier du lapin” voilà quelques années déjà. Impossible d’en sortir, il continue de creuser et accompagne certains “lapins” qui sont “en retard, en retard, en retard…

Thibaud se présente avec vue sur Nouméa © NeoTech

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Bonjour Thibaud, tu es l’un des experts “cryptos” reconnu et actif sur le territoire calédonien ; pourrais-tu nous parler de ton parcours et de ce qui t’a amené à travailler avec ces monnaies numériques ?  

Bonjour NeoTech ! Et bien quand il s’agit d’aborder mon parcours, voilà un résumé de mes différentes vies… Une première vie métropolitaine avec ma naissance à Grenoble et mes racines familiales bourguignonnes, région dans laquelle nous produisons du vin. Cette première vie “enfance, adolescence, lycée” fut merveilleuse : je suis très privilégié !    

Ma deuxième vie est parisienne ! J’ai suivi des études de cinéma à Paris avant de travailler dans le monde de l’audiovisuel pendant près de cinq années. Pubs, films, téléfilms…, je collaborais à de nombreuses productions et je m’occupais de la régie, de l’organisation des tournages donc. En 1993-94, j’ai terminé chez Canal + où je travaillais pour une célèbre émission de musique. 

Et soudain… Overdose de vie parisienne ! Envie de couper avec mon ancienne vie, je pars en Calédonie pour les vacances où je rejoins l’une de mes tantes pendant trois mois. Retour dans la grisaille parisienne début janvier et choc thermique. Au bout de quinze jours, j’ai tout largué à Paris et suis reparti pour m’installer sur le Caillou avec une valise de fringues et un ordinateur portable. 

1994, début de ma troisième vie dans le bâtiment. En arrivant ici, les métiers de la production étaient encore assez rares et, après une rencontre, j’ai décidé de monter un business de courtage en travaux, notamment autour des rénovations de bâtiments . J’ai créé et géré pendant vingt-cinq ans « BatiPlus » avant de découvrir Bitcoin et les crypto-monnaies en 2017. Révélation ! 

Au début, j’ai cru à une arnaque et, après m’être renseigné, je me suis aperçu qu’on vivait une véritable révolution technologique, politique, sociale, économique ou encore monétaire. J’ai ainsi passé beaucoup de temps à regarder des vidéos sur le sujet afin de me former et de développer mes connaissances de ce marché. Et, plus je creusais, plus je « tombais dans le terrier du lapin » et plus je continuais à creuser, quatre heures par jour, week-ends inclus, passionné par les découvertes que je faisais au cours des mois qui filaient… 

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Peux-tu nous présenter plus en détails ta structure “Cryptos.nc” et nous expliquer les services qu’elle propose aux Calédoniens ?  

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Au départ, j’ai d’abord cherché un moyen d’expérimenter, de me former moi-même ; ainsi, de fin 2017 jusqu’à début 2019, j’ai testé à peu près tout ce qui est testable dans le monde des cryptos. Ouvertures de comptes sur différentes plateformes, tests de différents wallets et des modes de transfert, achat / revente de plusieurs cryptos, un peu de trading, investissements courts, moyens, longs termes, expérimentations sur les ICOs… 

Parallèlement à cette frénésie d’expérimentations, j’ai choisi de me payer une formation « Blockchain France » ; pour ce faire, j’ai suivi un MOOC de niveau universitaire dispensé en ligne pendant une durée de six mois afin d’obtenir une certification ; j’ai obtenu la note A+ avec 94% de réussite aux examens qui me donne aujourd’hui une forme de légitimité pour partager mon expérience et mes connaissances au travers de formations spécialisées sur le territoire. C’est comme ça qu’a été fondé Cryptos.nc en 2019 ! 

L’idée de départ des formations « Cryptos.nc », c’est de faire des formations destinées aux débutants pour qu’ils évitent les gros pièges ou autres arnaques et qu’ils gagnent du temps au lancement. Je tiens à préciser qu’il ne faut pas avoir de connaissances particulières, ni en finances, ni en informatique pour se lancer dans les cryptos mais il faut maîtriser quelques outils basiques. Je précise également que mes formations sont pédagogiques, vulgarisées, ce sont des formations d’acculturation et non du conseil financier ! 

Trois offres de formation sont disponibles sur mon site internet ; la première est une formation classique d’une demi-journée adressée aux groupes de débutants. La deuxième est une formation Premium de huit heures, en groupe également, pendant laquelle on va rentrer plus dans le détail et découvrir les outils pour se lancer. La dernière formation est une formation « Module VIP » individualisée et s’adresse aux personnes qui souhaitent bénéficier des conseils d’un coach personnalisé. Aujourd’hui, plus personne ne veut faire la formation classique : tout le monde veut commencer par une formation plus complète, Premium ! En sortant de ces formations, les apprenants sont totalement autonomes et c’est ce qui fonctionne le mieux. 

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En quoi la formation est-elle capitale dans l’appréhension et la compréhension des “cryptos” ? 

Cet univers est nouveau, particulier ; il repose sur des codes précis mais n’est ni régulé, ni réglementé. A partir du moment où un nouveau domaine tel que celui-ci apparaît, tous les « méchants » de la terre s’y rejoignent et s’engouffrent dans la brèche pour tenter d’arnaquer les internautes. Premier bénéfice direct donc, la formation permet d’éviter ce genre d’arnaques et de pièges. 

“Et donc au fond du terrier du lapin, j’ai trouvé…” Thibaud en pleine formation © Cryptos.nc

Par ailleurs, en investissant sans comprendre, on augmente le pourcentage de risque de se planter. Warren Buffet disait lui-même : « je n’achète des actions en bourse que de sociétés dont je comprends le business ». C’est une des règles d’or de la crypto-monnaie ! L’écosystème des cryptos est extrêmement riche : on peut avoir la compréhension d’un morceau du secteur mais pas de l’ensemble. Néanmoins, sans cette compréhension globale de l’écosystème, difficile d’établir une vraie stratégie d’investissement… Il faut donc se former aux différentes possibilités d’investissements pour comprendre les rouages du marché et augmenter ses chances de réussite. 

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Quels sont les “principes fondamentaux” qui gouvernent l’environnement des cryptomonnaies  

La première des règles dans les cryptos, c’est qu’il y a un patron : le “Roi Bitcoin“, comme on l’appelle. En fonction des périodes, il représente à peu près la moitié du marché global des cryptos et c’est ainsi lui qui va donner le « la » : quand Bitcoin se porte bien, le marché va bien et suit son évolution. Dans le cas contraire, les autres crypto-monnaies vont décliner et encore accentuer la chute. Bitcoin est la plus grosse capitalisation de ce marché, devant Ethereum, une autre crypto créée par un génie de l’informatique, Vitalik Buterin, ancien développeur Bitcoin. 

Le mystère Satoshi : enquête sur l’inventeur du bitcoin © ARTE

Derrière ces deux-là existent aussi tout une ribambelle de projets et donc de cryptos. En me connectant ce matin sur « Coinmarketcap », j’ai constaté qu’on était monté à 18 000 crypto-monnaies, dont 17 500 sont bidons pour différentes raisons. Arnaques mais aussi projets inaboutis ou abandonnés comme c’est parfois le cas dans l’univers des startup. Il reste donc environ 500 monnaies intéressantes sur lesquelles travailler. 

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En quoi considères-tu que le “protocole Bitcoin” est une innovation majeure dans l’écosystème numérique et technologique ?  

Ce qui est intéressant avec Bitcoin, c’est qu’il se trouve à la croisée de nombreux chemins : technologie numérique, politique, révolution sociale, économique et monétaire. Pour expliquer Bitcoin, il faut vraiment faire l’effort de creuser un peu. En revanche, on peut résumer Bitcoin en une phrase :

« Bitcoin, c’est un réseau qui permet de s’envoyer des bitcoins ». 

Si internet a démocratisé la diffusion d’informations à l’échelle mondiale, Bitcoin a révolutionné la valeur ! On a trouvé un système informatique dans lequel on peut s’échanger de la valeur sans intermédiaire, de manière ultra-rapide, ultra-sécurisée, ultra-performante, ultra-économique, de façon incensurable et parfaitement libre. C’est là que se trouve la révolution : Bitcoin nous donne la liberté de pouvoir s’échanger de la valeur en direct sans passer par un intermédiaire. Pas de banque, moins de coûts, plus de rapidité, plus de sécurité et sans aucune censure du banquier… 

5 minutes pour comprendre Bitcoin © Cryptoast

Une des raisons pour lesquelles Bitcoin est une révolution majeure, c’est que pour la première fois dans l’histoire de l’informatique, on a réussi à inventer un réseau, un système d’information, un registre d’enregistrement d’informations qui fonctionne avec un consensus de validation – « proof of work » – vertueux qui fait que tous les gens qui participent à la validation des transactions ont toutes intérêt à être honnêtes. Ça fait treize ans que Bitcoin existe et sa blockchain « open source » n’a encore jamais été piratée ! Ce réseau est donc infalsifiable et, plus fort encore, en sécurisant le réseau, les utilisateurs sont récompensés et gagnent de l’argent. 

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Sans blockchain, pas de cryptos… Quelle est ta définition de la blockchain et en quoi cette technologie a-t-elle révolutionné l’univers des transactions ?  

Il y a souvent une méprise : on ne devrait pas prononcer « la » blockchain mais « les protocoles à blockchain” car il en existe des milliers ! Une blockchain est une base de donnée, un registre distribué dans lequel toutes les transactions vont être notées, ce qui permet concrètement de connaître l’état de chaque portefeuille de cryptos à l’instant « T ». L’idée derrière ce concept technologique, c’est de créer un réseau auquel tout le monde fait confiance. On va retrouver ce registre dans des millions d’ordinateurs dans le monde ce qui évite les piratages et sécurise l’ensemble des transactions numériques. 

Il existe plusieurs sortes de blockchain : celles avec des consensus de validation de type « Proof of work » – ex. Bitcoin –, tout comme la future blockchain d’Ethereum qui reposera sur un consensus de validation « Proof of stake » – preuve d’enjeux -, un peu comme le compte séquestre d’un notaire. On mentionnera aussi le « DPOS » pour « Delegated Proof Of Stake » où l’on délègue le consensus de validation à des « validateurs » ou encore le consensus « Proof of History » – « preuve d’archivage ».

Blockchain, kezako !? © Cryptoast

Il existe ainsi plein de possibilités de créer des blockchains et des consensus de validation associés. Chaque crypto-monnaie va correspondre à un certain type de blockchain, ce qui ne veut pas dire qu’elles soient toutes un système de paiement car nombre d’entre elles sont des jetons numériques qui permettent d’accéder à un service et non des monnaies au sens commun où on l’entend. 

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Dans une interview accordée à NeoTech, Frédéric Reynaud, le Directeur Général de la BCI affirmait : “Pour moi, ce système va se structurer et, à l’instar des néo-banques, il va devoir suivre une forme de réglementation et de régulation. De plus, les monnaies sont encore fortes : avant de remplacer le dollars ou l’euro, il va falloir du temps…”. Partages-tu son opinion sur la régulation et comment envisages-tu l’avenir de ce système ?    

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Thibaud, prêt à vous former ! © Thibaud Leflaive

Si j’étais un bitcoiner maximaliste, je vous dirais sans doute que je suis anti-régulation, anti-législation mais je ne suis qu’un simple « crypto-enthousiaste » convaincu que la notion de réglementation est nécessaire pour éviter les dérives. Par qui ? Je ne sais pas… 

Je distingue encore une fois Bitcoin et les autres crypto-monnaies ; le premier ne peut pas être règlementé ou régulé car Bitcoin est un logiciel open source libre d’accès, libre de droit, qui appartient à tout le monde, un bien commun universel. Les États pourront bien faire ce qu’ils veulent, pour censurer Bitcoin il faudrait couper internet. Et encore, on pourrait s’envoyer des bitcoins par satellite ou via des ondes radio. Ce système est tellement « anti-fragile » qu’une réglementation contraignante, une interdiction par exemple, ne peut pas fonctionner.

Pour tout le reste, en revanche, la régulation est nécessaire ; néanmoins, je fais partie de ceux qui pensent qu’elle ne doit pas être trop contraignante sous peine de tuer l’innovation dans l’œuf et de voir fuir nos talents dans d’autres pays : Suisse, USA, Portugal, Estonie…

En revanche, je ne suis pas d’accord avec lui pour dire que les monnaies sont encore fortes ; elles ne sont plus adossées à l’or depuis 1971, les États se sont mis à imprimer de la monnaie de façon illimitée – 40% des dollars actuellement en circulation ont été émis depuis le début de la crise COVID ! En réalité, l’inflation et la défiance du public, qui a bien compris qu’elles perdent de la valeur, fragilisent les monnaies traditionnelles alors que le système Bitcoin est « capé » à 21 millions ce qui crée de la rareté et donc un critère supplémentaire démontrant sa solidité.  Mon hypothèse, c’est qu’à terme, Bitcoin remplacera l’étalon or. 

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On a récemment entendu que le USDT et le Bitcoin étaient devenus des “valeurs refuges” dans les milieux financiers internationaux ; quelle est ton analyse de l’influence actuelle des cryptos sur les milieux politiques et économiques ?  

Le gouvernement ukrainien a reçu 72 millions de dollars en cryptos directement sur son wallet pour soutenir leurs infrastructures contre l’agression russe ! C’est là que les crypto-monnaies prennent tout leur sens : malgré les pannes « SWIFT » et la chute du réseau bancaire, on a réussi à contourner ces moyens traditionnels pour soutenir l’Ukraine. Bien ? Pas bien ? Je n’en sais rien, c’est un fait. 

Mon hypothèse, c’est que la plupart des États et des banques centrales ont déjà accumulé du bitcoin depuis quelques années. Pour ma part, j’ai vu des choses étranges dès 2018 et ça me fait penser que les États – l’exemple du Salvador est représentatif ! -, à l’instar de l’Estonie, de la Hongrie ou de la Lituanie, détiennent des portefeuilles avec du bitcoin et même de l’Ethereum. Nos amis banquiers sont quand même mal partis et perdent des clients chaque jour… A l’avenir, il leur faudra proposer des services cryptos !

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Quels seraient tes principaux conseils pour nos lecteurs qui souhaiteraient se lancer dans le « game » ? 

Premier conseil : formez-vous ! Deuxième conseil : prenez le temps ! Ne faites pas « FOMO », ne vous précipitez pas en investissant tout votre capital dans les cryptos. Continuez à vous informer régulièrement et n’oubliez jamais de définir votre propre profil d’investisseur. Dernière chose : le Roi, c’est Bitcoin donc il doit tenir une place importante dans votre portefeuille car si tout s’écroule, lui remontera mais peut-être pas les autres ! 

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Un dernier mot pour nos lecteurs ? 

L’avenir est radieux ! Je vois l’avenir comme quelque chose de magnifique : des possibilités vont se démocratiser dans la DEFI, à travers les NFTs, le metavers etc… Un jour ou l’autre, l’accès au metavers se démocratisera et la création de valeur va s’accélérer : en l’espace de deux ans, le monde des crypto-monnaies a déjà tellement évolué ! C’est un laboratoire dans lequel des milliers de personnes testent, expérimentent, lancent des projets… et, de ces expérimentations, des projets passionnants vont voir le jour, y compris dans des domaines vertueux comme la protection de l’environnement par exemple… Restez connectés ! 

DEFI, un nouveau terrain de jeu numérique pour les investisseurs particuliers © Grand Angle Crypto

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Pour rejoindre le serveur Discord et les cryptos-enthousiastes de Calédonie, n’hésitez pas à envoyer une demande par mail : contact@cryptos.nc ou via le site web. Le Discord “cryptos.nc” est ouvert à tous les Calédoniens.