Un spectacle vivant peut prendre bien des formes : l’ondulation d’un tricot rayé dans l’eau claire du lagon, l’élégante course d’un pur-sang lancé au galop dans une plaine, ou un défilé « fashion » exhibant vêtements et accessoires de mode. Fort à parier que Rachel Roux, la gérante de l’application « Le Trico », ne saurait renoncer à l’une de ses trois passions : la Calédonie, chère aux yeux de cette « ilienne à 100% », l’équitation qu’elle a pratiqué pendant de nombreuses années ou encore la mode qu’elle choisit désormais de valoriser à travers la seconde main. Portrait d’une jeune calédonienne qui a choisi « Vinted » comme compte bancaire. 

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Une métro-révélation ! 

« Je lance un appel à tous les Calédoniens : allez voir ce qui se passe ailleurs ! ». Le cri du cœur est lâché, le conseil avisé. Cet « ailleurs », pour elle, ça a tout d’abord été la métropole ; après une jeunesse à explorer la Grande Terre et une licence de « Mathématiques / Physique » obtenue à Nouméa, elle décide de s’envoler résoudre des équations plus complexes au cœur d’un Paris où le COVID n’existe pas encore… Mais son quotidien algorithmé dans une université parisienne, loin de la famille, des amis, de la BD et des canassons lui fait bientôt remplacer les courbes euclidiennes par les théories de Schumpeter dispensées à la nantaise « Audencia Business School ».

Le Trico

Après une année d’incertitudes arithmétiques, elle choisit donc, non sans mal, d’intégrer cette école supérieure de commerce ; elle y passera quatre années qui la mèneront de l’hôtellerie de luxe au Printemps Haussmann, des soirées étudiantes arrosées aux quatre coins de cette vaste France qu’elle traverse, des bancs de la Business School à Jesús Maria , quartier sud de Lima, en échange universitaire. La jeune femme murit au fil des rencontres, s’ouvre à un monde qu’elle n’avait vu qu’à travers Nouméa la Douce et se confronte à une réalité dont on entend peu parler dans notre confin de monde paradisiaque… A son retour, son constat est sans appel : « Ici, on est très centrés sur nous-mêmes et on a du mal à prendre du recul sur certaines choses alors qu’en métropole, j’ai tout de suite été confrontée à la réalité du monde. La métropole a été une bouffée d’oxygène qui m’a permis de grandir ». 

Diplômée en juillet 2020, c’est d’abord la crise sanitaire qui la pousse à regagner la Nouvelle-Calédonie quelques mois plus tard. Retourner auprès des siens plutôt que de partir en tour du monde… Commencer à travailler en entreprise avant d’aller rencontrer les mille et unes cultures qui illuminent notre planète… Certains choix sont dictés par le cœur mais la raison n’oublie pas pour autant les rêves différés. Elle quitte Paris sans son compte « Vinted ». Elle rentre en Calédonie nourrir son propre tricot. 

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Rachel, l’équilibriste ! 

Embauchée au sein du Groupe Office Plus, Rachel découvre la vie professionnelle et ses contraintes ; elle n’en oublie pas moins sa chère application « Vinted » qui lui servait de portefeuille numérique. Avant de quitter Paris, elle se demande « Et si on pouvait créer un Vinted calédonien ? ». Joignant bientôt la question à l’acte, elle met alors en application son récent apprentissage et travaille sur un business plan dédié au projet. Mais il reste encore les questions techniques et financières à résoudre… presque neuf mois après, le 3 février 2021, elle reçoit une publicité pour « Le Trico », une application calédonienne où les particuliers peuvent vendre et acheter accessoires de mode et vêtements neufs et d’occasion. Yann Lévy , son créateur, ne le sait sans doute pas encore mais son prospectus numérique vient de frapper à la bonne porte… 

Face à une si belle occasion, Rachel n’hésite pas – « C’est ça le Vinted calédonien, un mec l’a déjà créé, c’est trop cool ! » – et contacte ledit « mec » pour organiser une rencontre. Peu porté sur le business de la mode mais justement fana de développement, Yann propose de revendre sa plateforme. Rachel s’associe avec les Krafft et, ensemble, belle-famille aidant, ils rachètent l’application et en prennent le total contrôle. Objectif ? Devenir la plateforme N°1 de vente et d’achat d’accessoires de mode et vêtements en Calédonie. Raison d’être ? Proposer un mode de consommation alternatif et responsable dans l’univers de la mode. Réalisations à date ? + 17 000 articles disponibles à la vente, 90 articles postés chaque jour en moyenne, plus de 4400 comptes utilisateurs déjà créés et près de 2 000 utilisateurs actifs par mois. Désormais startupeuse, Rachel s’entoure, se remet en question, cherche, apprend, analyse et décide. 

Il faudra encore développer le « business model » de la société à travers des commissions sur le (tout récent) paiement en ligne Tripartie, les achats intégrés ou encore la régie publicitaire car « pour l’instant, on dépense beaucoup mais on ne gagne rien » ! Une période d’amorçage qui devrait bientôt se transformer en développement : projections financières et de trafic, fonctionnement en « test & learn » et agilité, intégration d’un nouveau mode de livraison, bref, le mode « startup » est activé et Rachel jongle désormais entre ses deux activités : apprenti équilibriste, entrepreneuse en apprentissage. 

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La Trico, une forme de consommation responsable

 « Il ne faut pas croire qu’on est dix dans son propre corps ! Il faut simplement se concentrer sur ses propres besoins et adapter sa consommation en fonction de ce paramètre », répond-elle lorsqu’on lui demande son avis sur le monde dans lequel on vit. 

Rachel fait partie de cette génération « consciente » de la finitude du monde qui nous entoure, de ses faiblesses et de nos abus ; puisque « la Calédonie, c’est sa maison », elle n’a que trop constaté que les erreurs des autres avaient des conséquences sur son foyer et les espaces qui l’entourent. Croire que l’isolation est une protection relève de la folie ! Mais, en attendant que l’Humanité se rappelle que la Nature lui est vitale, Rachel soumet une proposition : « T’as envie d’aller acheter un truc ? Avant d’aller faire les magasins, viens faire un tour sur Le Trico ». 

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