Vous a-t-on déjà traité de low-tech ? Et surtout avez-vous compris ce que cela signifiait ? Peut-être avez-vous déjà entendu parler de cette nouvelle façon de produire et d’innover selon des principes qui ne misent plus, en premier lieu, sur le progrès technologique ? Pas de quoi laisser rêveurs les aficionados d’applications futuristes auxquelles nous avons été biberonnés depuis des décennies, c’est certain ! 

Et pourtant, la low-tech est aujourd’hui un mouvement qui rassemble et mobilise. Preuve de cet engouement, en 2019, le magazine Socialter bouclait le financement d’un hors-série sur cette thématique grâce à une campagne de crowdfunding. Résultat ? 5 000 pré-ventes de magazines enregistrées, soit 13 fois plus que l’objectif affiché ! Une hype qui n’a jamais cessé depuis lors… Comment ce concept – antonyme évident de son frère high-tech – continue-t-il à gagner en popularité comme solution complémentaire ou alternative à l’approche traditionnelle du progrès ? 

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L’innovation low-tech, un oxymore écolo ?

Que recouvre tout d’abord ce concept de low-tech aux contours encore flous mais qui semble provoquer un certain enthousiasme et rejoindre les aspirations de personnes toujours plus nombreuses ? Littéralement « basses technologies » (ou « technologies appropriées »), les low-tech sont un « ensemble de technologies et de logiques visant la durabilité forte, la résilience collective et la transformation culturelle« . Encore flou ? 

En clair, les low-tech sont des solutions techniques simples, faiblement « technologisées », généralement locales et utilisant le moins de ressources possibles pour un impact environnemental et social durable. De ce fait, les low-tech se placent donc à l’opposé du tout-jetable et de l’obsolescence programmée : elles privilégient la simplicité, la robustesse et la durée sur la sophistication, quitte à perdre un peu en performance ou à supprimer certaines fonctionnalités superflues. Lorsqu’il s’agit de biens matériels, ces technologies cherchent donc à être simples, bien pensées, bien dimensionnées et réparables. Elles sont issues d’une fabrication la plus locale possible, favorisant l’emploi environnant et plus proche de l’artisanat que de la production industrielle.

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Les low-tech, retour vers le futur ! © Goodwill Management

En cela, les low-tech sont utilisées dans une volonté de s’affranchir des fameuses high-tech et de se réapproprier les objets. Mais alors Jamie, après des siècles de progrès technologiques, après l’immense bonheur de pouvoir disposer d’une station météo entière et ultra-sophistiquée sur notre dernier smartphone, il nous faudrait retourner à la bougie ou à l’âge de pierre ? Penser de la sorte serait quelque part passer à côté de l’essence des low-tech qui se veulent bien plus que des solutions techniques ressorties du passé ou bricolées… Les low-tech portent en elles des dimensions organisationnelles, systémiques, culturelles voire politiques et philosophiques. De quoi rejoindre les propos d’Arthur Keller, pour qui la démarche low-tech est « une approche, une méthode, une vision, une philosophie, presqu’une culture, dépassant largement la question technologique stricte ». 

Dans une note de référence sur le sujet, La Fabrique Ecologique nous offre une définition qui, à l’instar de la définition anglo-saxonne mentionnée ci-dessus, prend bien en compte ces aspects philosophique, environnemental et social ; cette compréhension des low-tech est résolument orientée vers l’avenir, l’écologie et destinée à recréer des liens sociaux. L’innovation low-tech serait donc une association contradictoire ? Pas du tout, de nombreuses innovations peuvent être qualifiées de low-tech et se révèlent, de surcroit, particulièrement pertinentes dans un contexte d’épuisement des ressources planétaires… 

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Low-Tech, High Future !  

Dans ce contexte de crise écologique, notre système économique, à travers nos façons de produire et de consommer, se heurte aux limites planétaires : la planète ne pourra pas éternellement absorber les conséquences de nos activités néfastes, ni celle de l’exploitation intensive de ses ressources non-renouvelables (énergies fossiles, métaux précieux, eau potable…). Dans les solutions envisagées pour faire face à ce double défi, le rôle de l’innovation technologique est central. La « GreenTech » ou les « SmartTech » (comprendre les technologies « vertes » et « intelligentes ») adossées à une nouvelle révolution numérique permettraient de régler la plupart de ces problèmes : solutions énergétiques « bas carbone », consommations optimisées dans les futures « smart cities », nouvelles applications agricoles (voir notre article sur l’AgriTech), économie collaborative numérique favorisant la mutualisation et le partage etc… 

Il n’aura pourtant échappé à aucun d’entre vous que notre présent est ponctué de graves problématiques environnementales. À en croire les adeptes de la « Startup Nation », le futur, lui, sera toujours plus radieux ! D’ailleurs, qui d’entre nous ne s’est jamais imaginé un avenir relax à l’ombre des cocotiers d’Ouvéa pendant que les robots et autres intelligences artificielles travaillent pour produire ce que nous consommerons bientôt ? Malheureusement, il serait périlleux, voire utopique, de s’imaginer que l’innovation technologique et la high-tech, même labellisées « green », résoudront tous nos problèmes… Toute technologie nécessite en effet, à plus ou moins grande échelle, l’utilisation de ressources naturelles, notamment métalliques. A ce titre, notre économie industrielle et servicielle n’échappe pas à la règle ; la « révolution. numérique » ne s’appuie-t-elle pas sur des infrastructures physiques bien réelles ? Serveurs, bornes WiFi, câbles terrestres et sous-marins, satellites (…) et des dizaines de métaux (argent, lithium, cobalt, …) dont la construction ou l’extraction sont énergivores et consommateurs de ressources non-renouvelables.

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De nombreuses technologies high-tech font appel aux métaux rares… S’en plaindra-t-on en NC ? © 20 Minutes

De leur côté, les énergies renouvelables nécessitent elles-mêmes une certaine dose de métaux – dans les batteries par exemple – pour être stockées et consommées. Ces high-tech vertes ou smart contribuent ainsi parfois à accélérer le paradigme « extractiviste » de notre société. Il est donc présomptueux de penser que ce seront ces mêmes high-tech qui nous permettront d’encourager le développement d’une économie circulaire… Le concept low-tech pourrait donc être un « accélérateur » de la nécessaire transition énergétique et écologique planétaire tout en favorisant, à plus court terme, le bien-être quotidien des hommes : création d’emplois, économie plus locale rapprochant producteurs et consommateurs, rythmes de vie plus soutenables… 

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La Low-Tech prête à l’emploi…  

Les low-tech, ainsi définies, peuvent – et doivent – nous pousser à une réflexion élargie à l’ensemble de nos activités humaines, à commencer par les activités économiques mais aussi les services de l’Etat (administrations, éducation…) en rebondissant sur des concepts antérieurs dont elles sont proches comme le « Do it yourself » ou le « Small is Beautiful », déjà popularisé dans les années 70 par l’économiste britannique Ernst Friedrich Schumacher. Concrètement, de nombreuses initiatives ont fleuri dans nos société occidentales, aussi bien que dans les pays en voie de développement, parmi lesquelles : le « zéro déchet » (ventes en vrac, compostage, consignes, renvoi des emballages en point de vente…), les « smart cities » peu énergivores (vélos « manuels » chargeurs de batterie dans les gares, fours solaires, douche à recyclage d’eau, chauffe-eaux solaires…), les ateliers collaboratifs de réparation d’objets ou encore des produits éco-responsables tels que le Fairphone.

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La « low-tech », même Papy la connait ! © Low Tech Lac

A en croire Pierre-Alain Lévêque, co-fondateur du projet Low-tech Lab (une sorte de Wikipédia des low tech), nous avons « dépassé le stade où ce sont juste des hippies qui font des low-tech dans leur coin. Des promoteurs immobiliers nous contactent pour intégrer des solutions low-tech, tout comme de grandes entreprises qui nous sollicitent ponctuellement pour des missions de conseil ». Cet ingénieur de 29 ans a notamment entrepris, entre 2017 et 2018, un tour de France des solutions low-tech, avant de voir plus grand avec un tour du monde du sujet à travers son expédition « Le Nomade des Mers ». A bord d’un catamaran, il est parti en quête, avec son équipage, des initiatives low-tech exemplaires à travers le globe. A leur retour, l’ensemble de ces innovations low-tech ont été compilées sous forme de tutoriels. Chauffage solaire version ardoise, four solaire, phytoépuration des eaux usées, biodigesteur domestique, élevage de mouches soldats noires pour le compost des toilettes sèches, lampes solaires à batteries de lithium récupérées ou encore biodiesel… Une mine d’or de savoir-faire low-tech prêt à l’emploi ! 

Or, malgré cette mise à disposition des connaissances, de nombreux bénéfices et un fort potentiel de développement, la dynamique des « basses technologies » demeure aujourd’hui encore insuffisante. Alors que le think thank The Shift Project, dans son rapport « Pour une sobriété numérique », a identifié le numérique comme responsable de 3 à 4% de la dépense énergétique mondiale (un chiffre qui progresse de 9% par an), le scepticisme grandit face aux promesses de tout résoudre grâce aux technologies high-tech. Comme le souligne alors Philippe Bihouix, ingénieur centralien, auteur de « L’âge des low tech » (Seuil, 2014), « Les low-tech nous présentent des innovations sous un autre angle ou, sans forcément revenir à l’âge du néolithique, elles promeuvent la résilience et la sobriété ». Une sobriété heureuse (et vitale pour notre avenir !).

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 Be Responsible, Be Low Tech !

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Une maison 100% low-tech © LeVif.be

Dans un contexte de compétition internationale féroce et d’injonction permanente à l’accélération et à la « disruption », la low-tech peut paradoxalement constituer une innovation courageuse ; en allant à contresens de l’accélération technologique, la low-tech porte les espoirs d’une « durabilité » de notre planète et d’un système social plus sobre et résilient. Ce précieux concept représente finalement un pari sur notre responsabilité et notre lucidité, sorte de contre-pied à l’inertie du système. 

Et puisque, chez NeoTech, nous connaissons bien les nombreuses dystopies offertes par la science-fiction, nous pouvons vous assurer qu’il est sera toujours préférable de produire son propre liquide vaisselle de manière artisanale et éco-responsable. D’une manière générale, la low-tech n’est déjà plus une option mais, si nous tardons à le comprendre, elle deviendra de facto, une obligation !  

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