Alors que le gouvernement a lancé la “French AgriTech”  en grandes pompes le fin août sous l’étendard du « produire plus et mieux avec moins », la métropole et, plus localement, la Nouvelle-Calédonie ont des opportunités à saisir et des savoir-faire à exporter. Le marché de l’AgriTech, qui rassemble les nouvelles technologies appliquées à l’agriculture, est confronté à trois enjeux majeurs : le changement climatique, la transition énergétique et une demande des consommateurs toujours plus forte. Présentation d’un secteur en pleine croissance !

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L’AgriTech, les quatre pôles 

Le marché mondial de l’« AgriTech » devrait atteindre les 22 milliards de dollars d’ici 2025 boosté par un taux de croissance annuel moyen aux alentours de 18% ! Des chiffres qui laissent songeur et qui permettent d’imaginer que le numérique et les nouvelles technologies pourraient rendre notre agriculture plus durable mais également plus rentable. Ce secteur en pleine croissance peut être divisé en quatre pôles principaux : le biocontrôle, le big data agricole, la robotique et la génétique / biologie végétale. Chacun d’entre eux représente un défi pour nos agriculteurs qui sont de plus en plus nombreux à digitaliser leur système de production. 

Commençons par le « biocontrôle », qui est « un ensemble de méthodes de protection des végétaux basé sur l’utilisation de mécanismes naturels » qui a pour objectif, non d’éradiquer les agresseurs mais plutôt d’en gérer les équilibres de population. Les produits de « biocontrôle » sont répartis en plusieurs catégories : les macro-organismes – insectes, acariens, nématodes… -, les micro-organismes – champignons, bactéries ou virus -, les médiateurs chimiques – phéromones d’insectes et kairomones – et les substances naturelles – végétales, animales ou minérales présentes à l’état naturel dans l’environnement. Grâce aux nouvelles technologies, notamment informatiques, l’innovation dans le “biocontrôle” se développe. En Calédonie, cela prend par exemple la forme d’une alliance entre un micro-organisme, le champignon, et une plante : issues du laboratoire de recherche de l’UNC, les mycorhizes sont actuellement utilisés par quelques agriculteurs locaux et ont déjà montré leurs vertus. 

AgriTech
Les micorhyzes, une solution de biocontrôle des cultures © Aurapacifica

Satellites, agroéquipements, capteurs, stations météo, drones, smartphones… sont autant d’outils désormais à disposition des agriculteurs. Des outils qui, au-delà de leur fonction première, génèrent une quantité astronomique de données ; « Le big data agricole, c’est l’ensemble des données qui sont liées au monde agricole et qui sont d’intérêt, qui sont collectées de façon automatique et en masse à l’échelle du monde agricole », définit François Brun de l’Acta. Dans ce domaine, la révolution est lancée : le développement des méthodes de traitement informatique, l’augmentation des capacités informatiques de stockage et la collecte systématique des données permettent d’acquérir de nouvelles connaissances grâce à de nouveaux indicateurs statistiques fiables et ainsi de réformer d’anciens modèles pour les optimiser. Le secteur propose ainsi aux agriculteurs de nombreux outils d’aide à la décision mais aussi des solutions numériques et technologiques adaptées à leurs problématiques. 

Côté robotique, le lien entre l’agriculture et la technologie semble évident ; chaque jour, l’agriculteur devient un peu plus « augmenté » grâce à des machines qui diminuent le nombre de tâches répétitives et pénibles et qui facilitent une agriculture de haute précision, moins polluante et plus rentable. De plus, ces machines « intelligentes » sont également capables de récupérer des données et autres informations issues de l’exploitation en temps réel. Cette révolution technologique dans l’agriculture permet donc de surveiller et collecter de précieuses données, d’accompagner l’agriculteur dans son activité quotidienne en optimisant son temps de travail mais également de produire mieux en intervenant au bon endroit et au bon moment. L’agriculture est d’ailleurs le 2ème marché mondial de la robotique estimé à 16,3 milliards de dollars en 2020*.

Dernier pôle, la génétique / biologie végétale permet pour sa part de rechercher des caractères désirés en agriculture dans un contexte global d’augmentation de la population et du changement climatique. Le déclin de la biodiversité naturelle des surfaces de culture a fragilisé la durabilité des systèmes agricoles. Cette lourde tendance à la monoculture – riz, blé, maïs, orge etc. – est néfaste pour l’environnement et les recherches en génétique végétale sont donc essentielles pour inverser cette tendance et augmenter le nombre d’espèces cultivées mais également le nombre de variétés au sein d’une même espèce. La génétique, grâce à l’analyse des données issues des exploitations, pourrait ainsi permettre de rééquilibrer la biodiversité, tout en favorisant la reproduction des espèces. 

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La tech au chevet d’une agriculture durable

Les petits objets connectés de l’IoT peuvent être utiles dans bon nombre de domaines ; l’agriculture n’y échappe pas et les capteurs connectés et autres vannes automatisées sont devenues légion dans nos exploitations. Dans le monde agricole, les solutions IoT prennent la forme de capteurs reliés à Internet pour collecter des mesures environnementales et mécaniques. Leur déploiement permet aux agriculteurs de prendre des décisions éclairées et améliore presque tous les aspects de leur travail, de l’élevage à l’agriculture. Côté cas d’usage local, on pensera par exemple à la Ouenghi Culture d’Antoine désormais équipée d’une station météo connectée et d’un arrosage automatisé grâce à l’IoT. On pourra également parler de « geofencing » qui permet, grâce à ces capteurs, de localiser son bétail en mouvement sur de vastes distances… Les avantages de l’IoT appliquée à l’agriculture sont nombreux : outre la collecte des données, l’agriculteur bénéficiera d’une meilleure gestion de ses rendements, de ses coûts, de ses dépenses énergétiques mais également il gagnera en efficacité et tout en améliorant la qualité et le volume des produits cultivés.  

Autre pratique intéressante de l’« AgriTech », l’utilisation des drones dans l’agriculture intelligente est sans doute l’une des avancées les plus prometteuses. Désormais, les drones sont aussi bien équipés que les avions et les satellites pour collecter des données agricoles. Outre les capacités de surveillance, les drones peuvent également effectuer un grand nombre de tâches qui nécessitaient auparavant une intervention humaine : plantation de cultures, lutte contre les ravageurs et les infections, pulvérisation agricole, surveillance des cultures… Selon certains rapports, le marché des drones agricoles devrait passer d’une industrie de 1,2 milliard de dollars en 2019 à 4,8 milliards de dollars en 2024. Du dépistage à la sécurité, l’utilisation des drones deviendra plus omniprésente dans les fermes à grande et petite échelle dans quelques années. Les informations recueillies par les drones dans les exploitations agricoles sont souvent utilisées pour mieux éclairer les décisions agronomiques et font partie d’un système généralement appelé « agriculture de précision ». A l’instar des oiseaux, mécanisme naturel précieux dans l’agriculture, ces robots volants sont en passe de révolutionner le secteur. 

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Des drones à usages multiples © WebLex

Qui dit « drone », « IoT » ou même « robot », dit forcément « intelligence artificielle ». Le marché de l’IA appliquée à l’agriculture pesait déjà près de 518,7 millions de dollars en 2017 et devrait croître de plus de 22,5% par an en moyenne pour atteindre 2,5 milliards de dollars d’ici 2025. L’IA, dans sa globalité, aide à l’optimisation de la gestion des cultures ; en effet, elle permet de créer des modèles prédictifs grâce à l’analyse de milliers de paramètres, équipe également les tracteurs et autres engins de culture qui sont programmés et autonomes ou, grâce a du traitement d’images, elle peut localiser et reconnaître de manière précise les nuisibles afin de pulvériser la juste quantité de désherbants, par exemple. On ajoutera que l’IA peut optimiser également l’irrigation des sols afin de gérer l’apport en eau et d’économiser cette ressource. L’intelligence artificielle représente donc une solution d’avenir face aux enjeux cruciaux de l’agriculture. 

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AgriTech : bienvenue en Nouvelle-Calédonie !

A travers ses quatre principaux pôles et l’apport des nouvelles technologies embarquant de l’intelligence artificielle, le secteur de l’« AgriTech » est donc en plein développement, en métropole comme en Calédonie. Accessibles à tout un chacun, ces technologies sont désormais au service de nos assiettes et représentent une belle opportunité pour notre territoire. De plus en plus de startup tirent d’ailleurs leur épingle du jeu du « produire plus et mieux avec moins ».

En Calédonie, alors que les premières initiatives « AgriTech » se développent, il y a fort à parier que le futur de l’agriculture passera par ces technologies. En pleine tempête « Ruby », et alors que souffrent les cultures de tarots, ignames et autres fruits locaux, la technologie semble être une réponse aux prochains et nouveaux défis des agriculteurs. A nous de tirer notre épingle du jeu… 

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Un petit coup de tech…? © SudMag

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*Source : rapport Agricultureinnovation 2025 /ministère de l’Agriculture & ministère de la Recherche, oct. 2015.