Dans cette nouvelle série mêlant culture, technologie et souvent intelligence artificielle, Neotech passe au peigne fin les  anticipations technologiques les plus inspirées et inspirantes du 7ème art. Replongez avec nous dans les films de science-fiction les plus aboutis de ces dernières décennies, pour confronter la vision de leurs auteurs à l’actualité contemporaine de la tech.

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Épisode 2 – La Smart City du futur

Du mythique Metropolis de Fritz Lang (1927) à Minority Report (2002) ou plus récemment la série Altered Carbon, imaginer les villes du futur dans lesquelles évoluent les protagonistes constitue bien souvent le morceau de bravoure des dystopies futuristes les plus marquantes de l’histoire du 7ème art. Chez Neotech, où nous avons aussi nos madeleines de Proust, notre anticipation favorite d’une ville du futur est déjà visible sur la pochette du Cinquième Element, de Luc Besson (1997). Mais loin des voitures volantes, nos « smart cities » de demain pourraient être moins fantaisistes que leur consoeurs fictives. 

Une bande annonce qui n’a pas vieilli… © Gaumont

Un Drive-in au 80ème étage 

Si notre article de la semaine dernière, dédié au “I, Robot” d’Alex Proyas, vous a donné envie de revoir le film, alors vous avez déjà pu apercevoir ce que le cinéma est capable d’imaginer pour nos mégalopoles de demain : Del Spooner, le détective d’I,Robot, au volant de son Audi RSQ, dans le New York de 2035. Des visuels qui rappellent ceux du Washington de 2054 dans lequel Tom Cruise s’adonne à sa passion de la cascade, dans le Minority Reportde Steven Spielberg. Deux visions proches de villes regorgeant de technologies étonnantes, parmi lesquelles voitures autonomes, publicités ultra-personnalisées via reconnaissance rétinienne et robotique à tout va.

Luc Besson pousse évidemment le bouchon plus loin avec le “Cinquième Element” en nous proposant une version de New York au… 23ème siècle ! Une vision enchanteresse et précoce pour son année de sortie dans les salles (1997) : intense verticalité, embouteillages de voitures volantes, gratte-ciels éperdument hauts – on retrouve même un Drive-in McDonald au 80ème étage ! -, passerelles piétonnes reliant les bâtiments … Une ville dépourvue d’horizon dont les bas étages sont plongés dans un brouillard permanent. C’est aussi une ville mobile dont la modernité passe par la gestion des flux de piétons et de voitures volantes, la réinvention de la circulation sur de nouveaux axes. Un bel hommage également aux bandes dessinées Valérian et Laureline, dont l’illustrateur Jean-Claude Mézières proposait déjà cette vision sur papier avant de travailler comme designer non-crédité sur le film.

Dans le Cinquième Element donc, une jeune femme au destin exceptionnel (Milla Jovovich), et sur laquelle repose, disons, le sort de la galaxie, échappe à la captivité en sautant dans le taxi volant de Korben Dallas (Bruce Willis), avant que tous deux ne partent à la quête des artefacts qui permettront de terrasser le Mal absolu. Si l’on retiendra davantage du film le charme de sa protagoniste, ses course-poursuites aériennes et ses créatures loufoques, pour un résultat relevant du pur divertissement, il demeure que l’oeuvre de Besson, comme l’ensemble de celles citées précédemment, développent des problématiques communes concernant la conception des villes de demain : cités intelligentes ultra-connectées et surveillées, surpopulation et contraintes d’aménagement, mobilité et transports adaptés, sécurité, pollution et développement durable… Soit autant de pistes de réflexion déjà entamées par les pouvoirs publics contemporains au moment de mettre en oeuvre les « smart cities » de demain. 

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La technologie vidéo et la gestion des données comme clé de voûte 

Mais d’où vient ce terme de smart city ou ville intelligente ? Les prémisses de sa médiatisation remontent peut-être à l’initiative prise en 2005 par la fondation de Bill Clinton de lancer un challenge aux géants du numérique : s’appuyer sur les nouvelles technologies connectées pour développer des villes intelligentes, adaptatives et efficaces pour améliorer la qualité de vie de citadins de plus en plus nombreux, tout en luttant contre le réchauffement climatique.

Smart city
Ça en fait du “smart” dans la ville du turfu ! © Les Smartgrids

Une initiative qui s’est vite propagée dans le monde entier, répondant à des problématiques bien réelles et présentes. Deux sujets principaux poussent en effet les villes à se pencher sur la question : la pression urbaine et la pression environnementale. Les villes occuperaient déjà 2% de la surface de la Terre, mais surtout consommeraient 75% de l’énergie produite mondialement et seraient à l’origine de 80% des émissions de CO2. L’ONU estime de surcroit qu’à l’horizon 2050, près de 70% de la population mondiale habitera en zone urbaine. Cette migration entraine logiquement une pression sur les plus grandes villes, qui doivent maintenir et améliorer la mobilité des personnes, l’approvisionnement en énergies, la sécurité et la santé de leurs citoyens. 

L’axe de travail majeur qui se dégage est alors de dépasser les utilisations premières de nos technologies au service de ces environnements, et d’accélérer leur digitalisation pour les rendre plus sûrs et durables. Selon un sondage de l’Observatoire des politiques publiques réalisé par l’Ifop en septembre 2015, le développement numérique est bel et bien un enjeu central pour la ville du futur : près de 8 Français sur 10 le jugent déterminant dans le développement des villes. La réduction de la dépense publique et l’amélioration de la sécurité arrivent en tête des priorités assignées aux « villes intelligentes ». Enfin, toujours selon le même rapport, ce sont 26 % des Français qui estiment que la dimension écologique est un des enjeux principaux de la smart-city, avec la diminution de la consommation énergétique.

Smart City
Public, privé, les acteurs de la Smart City sont nombreux © Institut Léonard de Vinci

Pour le site ZDNet.fr, spécialisé dans l’information numérique, « si l’expression ville intelligente est avant tout un argument marketing qui manque clairement d’une définition stable et claire, elle permet néanmoins de regrouper sous une même appellation toute une série d’applications Big Data ou d’analytiques pensées pour améliorer la gestion de l’urbanisme ». Et les premières graines des villes de 2050 commencent déjà à être implantées dans les nôtres, l’utilisation optimisée de nos caméras et de notre gestion des données étant les leviers qui les feront, à terme, germer. Grâce à ces mêmes leviers, il pourra être possible, dans un futur proche, de gérer en temps réel les flux de circulation et de rendre la ville plus mobile en s’adaptant au trafic réel. L’utilisation de caméras thermiques analysant la qualité de l’air et la pollution pourrait rendre la ville plus pure. La consommation d’énergie (à travers notamment l’éclairage public) pourra être réduite en s’adaptant aux densités de population, rendant la ville plus durable. 

Mais si ces gestions de données sont au coeur du développement des villes intelligentes, il apparait que, plus une ville utilisera de dispositifs connectés, plus nombreuses seront les données collectées, soulevant automatiquement la question des réglementations et procédures assurant leur protection. 

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Des solutions, d’autres problèmes…

C’est d’ailleurs ce que nous apprend ce qui a longtemps été promu comme le symbole d’une cité futuriste et durable, pilotée avec les données de ses habitants : le projet Quayside de « Quartier Google » à Toronto a aujourd’hui fait long feu ! Ce projet a suscité de nombreuses polémiques, les associations citoyennes locales goûtant très peu le manque de transparence de Google et l’installation façon « Big Brother » d’une multitude de caméras et capteurs. Le projet aura néanmoins eu le mérite de mettre au jour les formidables enjeux de gouvernance que soulève la ville connectée : à qui appartiennent les données urbaines et qui doit piloter ses algorithmes ? La ville connectée est-elle compatible avec la protection des droits et des libertés des individus ? Si les promoteurs des transformations urbaines de demain s’appuient sur la donnée massive, alors ils ne pourront faire l’économie d’une réflexion profonde sur leur politique, en définissant plus clairement l’éthique de cette modernité. 

La Smart City de Google à Toronto, un réel échec ? © Printemps Numérique

Cette question de l’acceptabilité de la technologie semble d’ailleurs également brulante en France, comme récemment observé avec le débat sur la 5G. Il demeure pourtant qu’à l’international, le développement de l’analyse des images de vidéo-surveillance est en très forte croissance dans les mégalopoles prétendantes au classement des premières smart-cities mondiales. Autrefois limitée au domaine de la sécurité, la plateforme vidéo commence à y traiter des services comme l’identification des encombrants ou, en temps de crise sanitaire, le bon respect du port du masque… Reste que l’établissement de la confiance du public doit continuer à être une priorité. 

Loin des voitures volantes, la ville du futur n’est peut être pas si fantaisiste que l’on pourrait penser. Intelligence Artificielle, voitures autonomes, couverture 5G mondiale et IoT constituent davantage les contours de la ville du futur, horizon 2050, dont l’utilisation à outrance des technologies vidéo et des data analytics appellent, bien en amont, à une réflexion éthique. En attendant le 23ème siècle et les balades en taxi volant…

Fiche du film : 

  • Année de sortie : 1997
  • Réalisateur : Luc Besson  
  • Scénario : Luc Besson, Robert Mark Kamen 
  • Distribution : Bruce Willis, Milla Jovovich, Chris Tucker, Gary Oldman 
  • Synopsis : Egypte, 1914. Des extraterrestres récupèrent quatre pierres magiques, symboles des quatre éléments, jadis confiées à des prêtres. Avant de partir, les extraterrestres promettent que dans 300 ans, ils rapporteront les précieux cailloux. Au XXIIIe siècle, alors qu’ils font route vers la Terre, ils sont anéantis par la planète du Mal. Les habitants de ce monde maléfique, les Mangalores, s’emparent des pierres et foncent vers la Terre.