Joyeux anniversaire ! C’est par ces bons voeux que notre rencontre avec Pierre Massenet, directeur général du Groupe CIPAC débute au coeur de nos locaux situés dans « son » business center d’OoTECH. Le jeune homme, né en 1986, n’en est évidemment pas à souffler sa cinquantième bougie mais le groupe familial qu’il dirige, bien connu des Calédoniens, a récemment fêté sa (belle) cinquantaine dans le cadre d’une « kermesse 5.0 » – bravo Madame Arbey ! – qui a séduit petits et grands. L’occasion était trop belle d’aller écouter sa vision sur nos sujets de prédilection, la tech, l’innovation, l’agilité ou encore le management. Interview d’un homme qui a fait du challenge une seconde peau.
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Bonjour Pierre et bienvenue sur NeoTech ! Alors, il paraît que le groupe CIPAC vient de souffler sa cinquantième bougie : joyeux anniversaire ! Tu peux nous faire un petit retour historique avec quelques dates clés et marquantes de ces 50 ans ?
Bonjour aux lecteurs de NeoTech ! En 50 ans, vous vous imaginez bien qu’il y a de nombreuses dates clés qui font notre histoire…
Si je devais n’en retenir que quelques-unes, la première serait sans doute l’année 1972 qui a vu naître les premiers contrats de maintenance préventive dans le secteur minier ; à l’époque, la maintenance signifiait : « dès que ça casse, on remplace ». Mon père, grâce à son expérience d’ingénieur aux Etats-Unis, a développé l’approche préventive pour la SLN notamment, autour de l’entretien des gros engins miniers afin prolonger la vie et la performance des machines.
Dès 1977, nous étions partenaires de la première Foire de Bourail qui nous lie, depuis cette époque, au domaine agricole à travers ce bel évènement calédonien ; dans les années 70, nous nous sommes aussi lancés dans le secteur médical avec l’installation des premières couveuses, et en 1980, des premiers échographes et scanners : c’était la première fois qu’on voyait des bébés dans le ventre de leur mère en Nouvelle-Calédonie !
En 1985, nous avons fait venir les premiers ordinateurs Amstrad qui marquaient notre entrée dans le secteur du numérique. J’ai ainsi eu un minitel et un ordinateur à la maison dès mon plus jeune âge : à l’école, personne ne me croyait et mes copains d’alors venaient me rendre visite juste pour voir ces équipements… En 1995, nous avons créé le premier FAI calédonien : CAN’L. Une belle fierté car l’OPT n’y croyait pas à l’époque et les équipes de CIPAC ont lancé l’opération presque en « secret », pour le succès qu’on lui connaît aujourd’hui.
En 2005, nous faisions venir le premier IRM sur le territoire ; un véritable challenge logistique car ces machines se vident de l’hélium qui est nécessaire à leur bon fonctionnement lors de leur transport. Dernière date, 2011, avec le lancement du premier data center calédonien. Pour ma part, j’ai grandi avec CIPAC à travers le travail mon père, j’y ai fait de nombreux jobs d’été aussi… Après un séjour en Australie de quelques années, en 2013 j’ai rejoint le Groupe avant d’en prendre la direction générale en 2017.
Pour marquer ce petit flashback historique, je vous invite à regarder la vidéo du Groupe, réalisée à l’occasion de notre 50e anniversaire, pour mieux comprendre d’où l’on vient, qui on est et où on va.
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Tu es aujourd’hui le Directeur Général de ce groupe familial, qu’est-ce que cela implique au quotidien ?
Beaucoup de responsabilités ! Effectivement, notre société possède une dimension et une taille qui ne sont pas anodines pour la Calédonie : nous devons donc rendre des comptes à nos actionnaires et sommes responsables des 270 familles qui vivent de leur emploi au sein du groupe.
Au quotidien, nous intervenons dans des domaines très variés ; c’est à la fois extrêmement complexe car je dois, a minima, avoir les connaissances basiques de tous ces secteurs pour ne pas avoir l’air « trop bête » quand j’échange avec les collaborateurs ou les clients ! Mais c’est également passionnant car cette diversité me permet de ne jamais m’ennuyer et d’avoir une vision transverse de nos différents métiers. Voilà ce que je fais depuis 2017, avec Alexandre Lafleur, Président du Conseil d’Administration. CIPAC c’est une histoire de transmission familiale et générationnelle qui se renouvèle et se diversifie au fil des années.
Au-delà de ça, c’est une véritable chance de pouvoir contribuer à l’avenir de notre pays ! Lorsque je travaillais en Australie, je me suis vraiment demandé si je devais revenir : ce n’était pas une décision anodine… Ce qui a fait la différence, c’était l’opportunité de pouvoir « agir utilement », de ne plus être cette petite fourmi dans une grosse boîte comme je l’étais en Australie, de ne plus être bloqué par une trop forte hiérarchie qui m’empêchait alors de développer mes idées… Du coup, quand je me suis retrouvé à la tête de CIPAC, disposant de la confiance des actionnaires, j’ai voulu transmettre cette même liberté à mes collaborateurs car j’avais connu leur position et il était primordial pour moi de leur offrir cet espace de liberté pour créer, innover !
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Le Groupe CIPAC, ce sont aussi des valeurs ; quelles sont ces valeurs et comment les incarnez-vous concrètement ?
A l’occasion de notre anniversaire, nous avons annoncé que « CIPAC » devenait… « CIPAC » ! La « Compagnie Industrielle du PACifique », la signification originelle de l’acronyme, se transforme aujourd’hui en « CIPAC » : « Challenge, Innovation, Performance, Agilité et Collaboration« , les cinq valeurs qui sont désormais affichées sur la façade de notre siège de Magenta.
Les trois premières valeurs sont fondamentales et historiques. Ce sont celles qui, à mon sens, marquent les 50 ans d’histoire que l’on vient de traverser…
- Challenge : nous n’avons jamais eu peur de rien et, en me replongeant dans l’historique du groupe, j’ai trouvé que les anciens n’avaient vraiment pas eu froid aux yeux ! Sur certains projets, les équipes auraient pu se tuer ou se blesser gravement et pourtant, elles n’ont pas eu peur d’y aller… Il fallait faire avec les moyens de la Calédonie des années 70 ! Ce goût du challenge a toujours infusé notre culture d’entreprise.
- Innovation : c’est grâce à cette valeur que nous avons pu réaliser autant de « premières » mentionnées en début d’interview. CIPAC a donc su innover en prenant des risques, mesurés, puisque nous existons toujours…
- Performance : un client m’a dit un jour : « vous n’êtes peut-être pas les meilleurs, mais vous êtes les moins mauvais ! ». Évidemment, nous n’arriverons jamais au niveau de sociétés spécialisées sur des grands marchés. On a toujours investi beaucoup d’énergie et de moyens pour apporter le meilleur service possible à nos clients, et la continuité de ce service dans le temps, malgré nos contraintes structurelles de marché.
Les deux dernières valeurs marquent, à mon sens, l’évolution de culture et la modernité. Elles sont essentielles pour adresser les défis auxquels nous ferons face dans les prochaines années :
- Agilité : ce terme représente le besoin impérieux que nous avons de faire évoluer nos cultures et nos pratiques d’organisation ; dans ce monde qui va à 1 000 à l’heure, nous avons besoin de changer de paradigme. L’agilité nous aide à ne pas être dépassés. En Calédonie, il ne faut surtout pas ajouter des surcouches de complexité alors qu’on pourrait utiliser notre « petite taille » de marché pour aller plus vite que les concurrents.
- Collaboration : c’est ma priorité N°1 depuis que je suis à CIPAC ! Pour moi, c’est une évidence dans la Nouvelle-Calédonie actuelle : nous sommes tous dans le même bateau et il faut s’en souvenir lorsqu’on est en difficultés. C’est ce qui conduit mon action depuis 2017 : passer du « je » au « nous » dans notre culture d’entreprise.
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Vous êtes structurés en quatre « business unit » qui correspondent à différents secteurs d’activité. Peux-tu nous décrire rapidement chacune d’entre elles ?
Au cœur de notre changement de culture d’entreprise, nous utilisons un nouveau vocable : les « business unit » sont devenues des « districts ». Ces districts ont été volontairement renommés avec des intitulés anglophones pour marquer notre présence dans la région.
Dans l’ordre de création, le premier est évidemment « Industries » et relève du monde de l’industrie et, notamment, de la machinerie mobile et des services associés. Nous accompagnons les industries sur quatre grands secteurs d’activité : transport, terrassement, manutention et agriculture.
Le deuxième district, c’est « Healthcare » qui propose des solutions aux secteur hospitalier, pharmaceutique et des laboratoires notamment. Ce district a été lancé en 1975, lorsque ma sœur a failli y rester dans une couveuse mal réglée. Mon père s’en est heureusement rendu compte à temps et, après avoir piqué une bonne colère, s’est penché sur cette problématique et a développé l’activité dans ce secteur qui manquait alors de technicité.
Troisième district : le « Digital » ! Le groupe s’est rapidement intéressé à l’informatique dans les années 1980, créant pour ses 25 ans la première fête de l’internet, puis au digital pour des raisons d’optimisation des process internes. Nous sommes principalement un acteur de l’infrastructure et de solutions servicielles globales pour répondre au besoin d’accompagnement de nos clients dans la transformation digitale de leurs activités.
Dernier district, « Business », dont la création remonte à 2005 ; à l’origine, même constat, son développement était lié à des besoins internes tels que la formation par exemple. Nous avons également créé le business center OoTECH dans lequel nous faisons d’ailleurs cette interview et où vous avez vos bureaux !
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Peux-tu nous présenter plus en détails CIPAC Digital ainsi que les structures qui la composent et leur offre de service ?
Notre district « Digital » est composé de plusieurs enseignes spécialisées. « DSP » pour sécuriser vos données près de chez vous, « Can’l » pour vous connecter à l’internet mondial (Can’l propose aussi des bouquets de chaînes TV au grand public via son enseigne « GoTV »), « SatNet » pour vous équiper en matériel technologique, « Le Cube » pour vous accompagner dans votre transformation digitale, « IoT.nc » pour connecter votre maison/entreprise afin de vous faciliter la vie, faire des économies et réduire votre impact environnemental et enfin « INSIGHT » pour utiliser le pouvoir de l’imagerie spatiale afin d’éclairer vos décisions.
Deux autres enseignes du district « Business » interviennent de façon transverse dans notre district « Digital » : « CIPAC Formation » pour vous former aux nouvelles technologies et « OoTECH » pour travailler en toute sérénité, en utilisant ces technologies dans des locaux adaptés aux nouvelles méthodes de travail.
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La transformation digitale d’un groupe tel que CIPAC nécessite une stratégie sur le long terme : quelle est votre stratégie actuelle et sur quels leviers s’appuie-t-elle ?
Si cette stratégie devait tenir en un mot, ce serait « simplification » !
Simplifier notre fonctionnement, c’est simplifier notre relation clients. Aujourd’hui, plus que jamais, on ne vend plus un produit mais un service lié à un produit. Notre transformation digitale interne se doit d’aider à cette simplification pour maximiser la valeur ajoutée attendue par nos clients.
La digitalisation, ce n’est pas juste numériser un process existant, c’est utiliser les outils numériques pour automatiser des tâches répétitives afin que nos collaborateurs puissent se concentrer sur des tâches à forte valeur ajoutée, dont la relation clients.
Au cœur de cette stratégie trône la « data » ; les données générées par nos activités sont des mines d’or enfouies et peu valorisées : nous utilisons ces données avec une approche « BI » classique afin d’éclairer de façon plus précise nos prises de décision.
Pour mettre toute cette transformation digitale en place, CIPAC a créé une cellule « Opérations » pour développer l’excellence opérationnelle. Son objectif : accompagner nos collaborateurs dans la transformation de leurs métiers en vue de diminuer la charge de travail et augmenter la performance. Sans cet accompagnement humain, la transformation serait très difficile, voire impossible !
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En s’en tenant aux trois principaux leviers de la transformation numérique que sont « process, outils et humains » et en gardant en mémoire que l’humain est souvent réfractaire au changement, quelle est ta vision managériale ?
Embarquer l’humain, c’est communiquer beaucoup, dire ce qu’on fait et faire ce qu’on dit mais aussi, et surtout, « impliquer ». Nous avons choisi d’impliquer nos collaborateurs dans cette aventure grâce à la gamification afin de rendre l’entreprise plus accessible et plus ludique.
L’une de nos dernières initiatives, le « CIPAC Challenge« , traduit bien ce concept de gamification : pour remettre en mouvement les gens, nous leur avons proposé de télécharger une application intuitive et facile à utiliser et nous y avons associé un challenge. Le mix du ludique et du digital a fait la différence !
En interne, ce concept de gamification a été mis en œuvre à travers la métaphore de l’aventure vers « L’île aux trésors ». Le but est de co-construire tous nos objectifs, de la stratégie long terme à l’opérationnel quotidien, et de définir ensemble les actions concrètes à mener par les collaborateurs. L’idée, c’était d’embarquer nos équipes pour qu’ils deviennent acteurs et non simples passagers du développement du groupe.
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Ce concept de gamification est en effet très engageant ; quelle forme prend cet outil et comment l’avez-vous développé ?
On a commencé avec des fichiers excel et, peu à peu, on a affiné la méthode, puis développé une application sur mesure, entièrement personnalisée et adaptée à notre fonctionnement interne. Aujourd’hui nous en sommes à sa troisième version et ce n’est pas fini !
Ce n’est d’ailleurs pas qu’un outil digital car, en parallèle, nous avons aussi créé un jeu de plateau qui fait partie de notre politique d’« on-boarding ». L’objectif, c’est que chaque nouveau collaborateur, une fois le jeu terminé, ait compris comment fonctionne le groupe CIPAC.
Certains collaborateurs étaient assez réfractaires à ce nouveau fonctionnement mais, après quelques mois et des résultats plus qu’encourageants, tout le monde s’est laissé prendre au jeu. La gamification permet véritablement de rendre quelque chose de très sérieux et complexe beaucoup plus simple, à tel point qu’on en arrive à oublier ladite complexité… Les résultats financiers et humains ne se sont pas fait attendre…
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Le COCA est un soda (qu’on aime déguster avec du rhum…) mais également l’acronyme d’une certaine vision ; alors, qu’est-ce que signifie « COCA » dans le groupe CIPAC ?
Au sein du groupe, le profit n’est plus un critère de performance car l’aventure vers « L’île aux trésors », c’est surtout l’atteinte, à moyen terme, de quatre ambitions, nos piliers de performance.
La premier, c’est de faire en sorte que les Collaborateurs aient envie d’aller au travail le matin ; Le deuxième, c’est de rendre notre Organisation plus simple et plus efficace ; le troisième, c’est de cultiver une relation de confiance avec nos Clients sur le long terme. Le dernier c’est d’être une entreprise responsable au travers de notre Activité.
On retrouve ainsi l’acronyme COCA : Collaborateurs, Organisation, Clients et Activité. Voilà l’explication de ce concept.
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Pour votre anniversaire, quels messages souhaiterais-tu faire passer à tes collaborateurs ? A tes clients ?
Pour commencer, je voudrais faire passer un message à l’écosystème calédonien : notre modèle fonctionne ! Depuis cinq ans, nous avons réinvesti en intégralité notre profit, notre « butin », car nous souhaitons avancer aussi vite que le monde actuel évolue. Après cinq ans de « navigation », 88% des collaborateurs éprouvent régulièrement du plaisir à faire leur travail, selon la dernière enquête QVT qui date d’il y a deux mois.
Par ailleurs, nous avons fait progresser notre chiffre d’affaires de 20% au cours des cinq dernières années et ce, sur un marché atone, voir décroissant. Ça signifie que nous gagnons des parts de marché. Nous avons assaini nos comptes et divisé notre endettement par trois ! Nous avons amélioré notre empreinte environnementale avec, pour illustration, un data center alimenté à l’énergie solaire, notre relais de proximité à Bourail autonome en énergie et nous gérons nos déchets au-delà de la réglementation. Côté « impact social », nous avons pris part à de nombreuses initiatives sociales et solidaires… Alors, si certaines personnes pensent encore que tout ça n’est fait que « pour amuser la galerie », je leur oppose ces preuves du retour sur investissement !
Merci à nos clients qui continuent à nous faire confiance ! Il y a dix ans, on était dans une situation délicate et nos clients auraient pu partir, aller voir ailleurs et, pourtant, ils nous ont fait confiance… nous en sommes honorés !
Merci également aux anciens de CIPAC qui nous ont permis d’arriver là et, surtout, merci à la dream team d’aujourd’hui : cinq années à bosser d’arrache pieds… Je suis très fier d’eux car, en étant exigeant, j’ai mis la barre haute et ils ont réussi à atteindre les objectifs fixés malgré un contexte calédonien compliqué !
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Un message que tu te répètes à toi-même régulièrement ?
Ça fait 10 ans que je me dis « c’est bon, l’année prochaine, ça va se calmer » !
Donc j’espère vraiment que ce sera le cas cette fois… Le groupe commence à disposer d’une belle stabilité avec les bonnes compétences aux bons postes donc je crois que je n’avais jamais été aussi près du « calme de l’année prochaine » !
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Un dernier mot ou une dernière actualité pour finir cette interview ?
Plus sérieusement, ce qui me fait me lever le matin, c’est de voir le sourire des collaborateurs, des clients, des partenaires et de constater les résultats de tous nos efforts collectifs. Je suis persuadé que l’aventure « CIPAC » a encore de beaux jours devant elle. Le contexte est compliqué, mais au lieu de le « subir », osons relever les challenges qui nous attendent pour « Inventer demain… ENSEMBLE » !
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