L’auto-suffisance alimentaire est l’un des principaux défis auquel fait face l’agriculture calédonienne. Pour l’atteindre, Océane Robert, fondatrice de « L’Écloserie Océane Innovation » (EOI), s’est penchée sur une nouvelle forme d’aquaculture : une écloserie de mollusques où la « star » sera l’huître de roche.
En point de mire, elle vise le développement de toute la filière ostréicole calédonienne et se donne les moyens de ses ambitions à travers la création et le développement de sa startup. Lauréate du « Prix Amorçage » de l’appel à projet « Tech4Good » lancé récemment par le gouvernement, elle se confie sur cette aventure entrepreneuriale et se projette dans l’avenir… qu’on lui souhaite radieux !
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Bonjour Océane et bienvenue sur NeoTech ! Pour débuter notre échange, pourrais-tu te présenter à nos lecteurs en quelques mots ?
Bonjour NeoTech, je suis aquacultrice depuis plus de 10 ans en Nouvelle-Calédonie. Je suis licenciée d’aquaculture et spécialiste en naissance des animaux d’élevage marins. Dans mon entreprise « Écloserie Océane Innovation » (EOI), je suis accompagnée par mon associé, Thomas GUARESE, un expert en communication, qui possède un grand réseau local et une bonne expérience en développement d’entreprise.
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Deux associés pour une startup d’avenir ! Peux-tu nous expliquer en quoi consiste ton projet ?
En aquaculture, l’écloserie est une installation où l’on reproduit les mollusques (ou les poissons et crustacés) et où l’on fait éclore les œufs avant d’élever les larves. Un parc en mer est prévu pour la suite du grossissement des espèces sélectionnées.
L’objectif principal est donc la création d’une écloserie de mollusques au sens large, avec comme produit phare « l’huître de roche » qui fait partie de la famille des Ostraidae.
Grâce à ce projet, les ostréiculteurs seront approvisionnés en naissains de qualité, sélectionnés et calibrés. Ces avantages permettent de développer une véritable filière ostréicole en Nouvelle-Calédonie. Le développement de nouvelles fermes aquacoles est alors possible.
Cette production permet la diversification de l’aquaculture sur le territoire, les crevettes étant le deuxième produit exporté par le pays après le nickel car elles sont considérées de haute qualité et atteignent les marchés de luxe locaux et internationaux. Nous visons ces mêmes marchés de niche en produisant une huître 100% calédonienne.
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Quel est le principal critère innovant de cette écloserie ?
« EOI » se veut être la première écloserie de Nouvelle-Calédonie à produire du naissain/des juvéniles d’espèces marines locales de façon durable, résiliente et inclusive pour tout le Pacifique. De plus, je souhaite développer une activité de « consultance » en techniques aquacoles océaniennes, pour accompagner les porteurs de projets similaires dans tout le Pacifique et soutenir les structures aquacoles déjà en place qui souhaite se diversifier.
Nous travaillons dans le secteur de l’agriculture et, plus précisément, dans le secteur aquacole donc. Mais la production d’espèce marine participe aussi à l’autonomie alimentaire et au développement durable !
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EOI a récemment remporté le prix « Amorçage » de l’appel à projet Tech4Good lancé par le gouvernement ; en quoi consiste ce prix et comme s’est déroulée votre candidature ?
Nous avons effectivement remporté le prix « Tech4Good » dans la catégorie amorçage. Le dossier de candidature est très complet, il ne faut pas se décourager mais c’est très constructif et, même si nous n’avions pas gagné ce prix, j’ai énormément progressé grâce à l’élaboration de ce dossier.
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Concrètement, à quoi va vous servir le financement garanti aux lauréats ?
Puisque je suis en phase de lancement du projet, ce financement me permettra de couvrir les frais de création de ma SARL et de faire les premiers achats de matériels : un microscope, une binoculaire, les appareils de mesures des paramètres (salinité, température, oxygène et pH), une table inox et quelques équipements de laboratoires (verreries, lame de microscope, compteur, tuyaux, bec bunzen).
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Un financement utile donc… Qu’as-tu pensé de cette initiative gouvernementale soutenue par l’écosystème économique numérique ?
Je suis très heureuse d’avoir pu progresser dans la construction de mon entreprise et d’avoir pu bénéficier de l’aide de l’état, que ce soit au niveau financier, mais aussi au niveau de la visibilité de mon projet, du soutien politique et de la découverte d’autres innovations très intéressantes.
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Quel regard portes-tu sur l’innovation en Calédonie ? Et sur l’entrepreneuriat en particulier ?
La Calédonie est une belle terre d’innovation, avec beaucoup d’idées, beaucoup de personnes motivées pour développer notre île durablement. Il y a toujours beaucoup d’innovations dans le monde du numérique mais, en Calédonie, on en retrouve aussi beaucoup qui sont tournées vers l’environnement, sa préservation, sa connaissance et son utilité. Une spécificité locale de notre territoire du fait de sa particularité géographique.
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On constate qu’environ 80% des startups s’éteignent après deux ans d’activité… Pour votre part, où vous voyez-vous d’ici deux ans ?
Puisque je suis dans l’élevage, dans 2 ans je commencerai à peine à récolter mes premiers coquillages à taille commercialisable. Je prévois un business model sur minimum 5 ans.
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En quoi la technologie et l’innovation sont, ou seront-elles, des solutions pour préserver l’environnement et lutter contre le changement climatique ?
Ma technique est innovante mais je n’ai fait que reproduire le modèle de la nature et je n’ai rien inventé, si ce n’est les solutions pour les adapter à nos modes de production. Je pense que se sont ces modèles simples et proches de la nature qui permettent de préserver cette dernière. Ces modes de production durables sont viables sur le long terme et applicables dans tout les milieux, même les plus isolés ou ceux qui disposent de peu de moyens, sans épuiser nos ressources.
C’est le choix des espèces élevées qui conditionne les besoins d’élevage. Les coquillages, et particulièrement les huîtres, contribuent à l’amélioration de la qualité d’eau par leur grande capacité de filtration de l’eau. En mer, elles forment des gisements qui forment des récifs naturels et protègent les côtes de l’érosion.
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Si vous deviez citer une startup inspirante, laquelle choisiriez-vous ?
Je n’ai pas de startup à citer en particulier, mais je suis pour les projets qui prônent l’autonomie alimentaire et le développement durable de façon combinée, tels que Neofly ou Agrilogic, pour ne citer qu’eux… (sourire)
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Un dernier mot pour la fin ?
Créer une entreprise innovante en Calédonie n’a rien de facile ! L’accession à la propriété, et particulièrement en bord de mer pour mon entreprise, n’est vraiment pas chose aisée. J’ai souvent l’impression de manquer de soutien de la part de l’administration et, notamment des Provinces…
Je remercie donc les deux membres du gouvernement à l’origine de cet appel à projet « Tech4Good » pour leur soutien et cette démarche très utile ! Et j’en profite également pour vous remercier du temps que vous nous accordez, de l’intérêt porté à nos projets et de la visibilité qui en découlera.
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Pour en savoir plus et/ou contacter EOI, RDV sur leur page Facebook