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Terre d’innovations – Episode #15
Les Calédoniens et, plus globalement les peuples du Pacifique, ont la réputation, justifiée, d’être des « pionniers » ; voyageurs, conquérants, explorateurs mais aussi agriculteurs, pêcheurs, cultivateurs et chercheurs d’eau douce à travers les âges, les populations iliennes ont toujours été des précurseurs, forcés de s’adapter continuellement à un mode de vie complexe et évolutif. Aujourd’hui, « l’océan numérique » a remplacé les explorations en pirogues et les Calédoniens doivent désormais endosser un nouveau rôle de pionniers « d’innovateurs technologiques ».
La série « Nouvelle-Calédonie, terre d’innovations » se penche aujourd’hui vers une problématique que le Caillou commence tout juste à approcher : la pollution lumineuse générée par nos activités humaines et l’urbanisation croissante du territoire. Grâce à des méthodes de télédétection complémentaires, un projet baptisé Pollux NC va permettre de définir une carte de cette pollution et de mieux comprendre son impact sur nos écosystèmes !
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Pollux NC, un projet collectif pour sensibiliser
Lauréat du programme européen BEST 2.0+, le projet Pollux NC a été lancé le 7 juillet 2021 pour une durée de 16 mois. Son objectif : fournir les premières informations quantifiées sur la pollution lumineuse à l’échelle de la Nouvelle-Calédonie et émettre des recommandations scientifiques pour sa prise en compte dans les politiques publiques. Grâce aux données satellitaires gratuites de la NASA, une première cartographie de cette pollution sur le territoire pourra être produite, avec un niveau de précision relativement moyen.
Ce premier niveau sera complété par une méthode de télédétection complémentaire, grâce à des sondes installées au sol. Le CNES (Centre National d’Etudes Spatiales) et la société Dark Sky Lab ont proposé à l’Observatoire de l’Environnement en Nouvelle-Calédonie (OEIL NC) un partenariat afin de déployer à divers endroits du territoire des sondes NINOX, une technologie capable de mesurer le niveau d’obscurité du ciel nocturne tout au long de la nuit. Le projet Pollux NC pourra ainsi bénéficier de ces données complémentaires, tout en contribuant à faire avancer la recherche. D’autres acteurs comme la Société Calédonienne d’Ornithologie (SCO) ont souhaité rejoindre le projet afin d’ajouter la zone Kaala Gomen/Koumac à la zone d’étude de très haute définition.
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Pour aller plus loin…
La pollution lumineuse figure parmi les multiples pressions que subissent nos milieux naturels. En effet, les nombreuses lumières artificielles qui accompagnent l’activité humaine perturbent l’équilibre des écosystèmes en modifiant les rythmes biologiques des plantes et des animaux, dont plus de la moitié sont nocturnes. La prise en considération de ce phénomène de pollution n’a commencé que dans les années 1950, sous l’impulsion des astronomes professionnels qui se sont trouvés gênés dans leurs travaux par l’augmentation croissante des lumières artificielles avec la démocratisation de l’électricité.
A partir des années 2000, c’est au tour de la recherche scientifique de s’intéresser aux effets de cette pollution sur l’environnement. René Kobler, un ingénieur en environnement, avait alors défini la pollution lumineuse comme étant : « le rayonnement lumineux infrarouge, UV et visible émis à l’extérieur ou vers l’extérieur et qui, par sa direction, intensité ou qualité, peut avoir un effet nuisible ou incommodant sur l’homme, sur le paysage ou les écosystèmes ».
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L’obscurité naturelle, en voie de disparition
Depuis qu’elle est un objet d’étude pour les scientifiques, la pollution lumineuse a pu être illustrée au niveau mondial dans des atlas de la luminosité nocturne. On estime alors qu’en 2016, 83 % de la population mondiale et plus de 99 % de la population des Etats-Unis et de l’Europe vivaient sous un ciel pollué par les éclairages artificiels. Un tiers de l’humanité ne voit plus la voie lactée dont 60 % d’Européens et près de 80 % des Nord-Américains.
A l’heure où l’extinction massive des espèces animales et des insectes inquiète, la pollution lumineuse devient également un enjeu majeur de préservation des milieux naturels. Pour de nombreux scientifiques, – dont les équipes de l’Observatoire de l’Environnement qui portent le projet Pollux – il s’agit désormais de considérer l’obscurité naturelle comme une condition environnementale essentielle au maintien des écosystèmes.
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De multiples enjeux pour la Calédonie
En 2018, la France a créé un arrêté sur « la prévention, la réduction et la limitation des nuisances lumineuses ». Il n’existe pour autant pas d’équivalent dans le droit calédonien à ce jour. Pourtant, malgré les apparences, le Caillou est bel et bien concerné par cette problématique, notamment du fait de l’urbanisation croissante du pays et de ses sites industriels et miniers dotés de dispositifs d’éclairage 24h/24. Le projet Pollux NC devra donc permettre de mettre en place de mesures de gestion adaptées aux besoins des populations ainsi qu’aux enjeux de conservation des écosystèmes calédoniens. A noter également que l’optimisation de nos émissions lumineuses revêt un intérêt économique certain, par la réduction de la facture énergétique, et un autre intérêt, écologique, par la rationalisation de la consommation d’énergie.
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