Alors que la Nouvelle-Calédonie subit de plein fouet une crise sociale, culturelle et politique sur fond de perturbation économique, la désinformation bat son plein ; au cœur de cette situation, le numérique et ses plateformes jouent un rôle controversé et tanguent dangereusement entre ombres et lumières. Propagateurs de « fakenews », les réseaux sociaux et certains journalistes peu scrupuleux déstabilisent le pays et orchestrent la désinformation des Calédoniens. Explication d’une tendance numérique amorale et dangereuse pour notre démocratie. 

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De la rumeur aux fake news, 2 000 ans de mito 

« T’as vu, Roch Wamytan s’est fait évasaner de Saint-Louis direction l’Australie par les forces militaires de l’État ? ». 

La radio-coco sur le web…

Vrai ou faux ? Bien malin à celui qui saura dire, aujourd’hui, si cette information politique de premier plan, aperçue sur les réseaux sociaux, est bien réelle ou le résultat d’une campagne de désinformation en Nouvelle-Calédonie. Depuis le début de la crise, de nombreuses voix se sont élevées pour rappeler à la population « de ne pas croire à tout ce qui est publié sur les réseaux sociaux ». Au cœur du sujet, les « fakenews » – « infox » en français – sont des « informations mensongères, délibérément biaisées ou tronquées, diffusées par un média ou un réseau social afin d’influencer l’opinion publique », comme les définit notre bon vieux dictionnaire Larousse

Largement démocratisé par l’apparition de l’Internet, puis des réseaux sociaux en guise de caisse de résonnance, ce phénomène numérique du « faux » est devenu, aujourd’hui, un puissant outil de désinformation politique, contrôlé ou non, dont la portée est devenue internationale. Cette épidémie de rumeurs numériques, dont les conspirationnistes de tous horizons se régalent, concernent les sujets du quotidien, aussi bien que des sujets politiques. Ces infox ont généralement deux objectifs : politiques ou mercantiles – sans oublier celles issues de la seule bêtise humaine. Les précédentes élections américaines et françaises ont ainsi connu leurs lots de désinformations, grotesques ou non, sous couvert d’influences politiques internes ou étrangères néfastes, plus ou moins déguisées. Et avec l’arrivée de l’intelligence artificielle et du « deepfake », même les images peuvent mentir… Donal Trump likes this… 

Petite leçon d’esprit critique ! © France 24

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Récital de fake news Calédoniennes

Et comme avec Donald, on n’est pas à un Mickey près, la Nouvelle-Calédonie n’échappe pas à la règle. Depuis le début des émeutes, les rumeurs et autres infos dégoulinent des réseaux sociaux et de certains médias aux vérifications hâtives. On a par exemple entendu que le blocage de TikTok par les autorités avait pour objectif de contrer l’expansionnisme chinois, une information stratégique beaucoup plus délicate à vérifier que celle qui consiste à expliquer que le réseau social permettait aux émeutiers de s’organiser. D’autres « fake news » pullulaient sur des lieux brûlés qui ne l’étaient pas (encore ?). Certaines copiaient des communiqués de presse fallacieux d’organisations politiques ou des (fausses) listes d’assassinats « miliciens ». D’autres encore, anxiogènes, parlaient de pénurie alimentaire générale et de ravitaillements impossibles par la mer… Bref, de tout, ou presque, de ce que la créativité humaine déviante est capable de produire. 

Mais il faut bien comprendre qu’à ce petit jeu de « radio cocotier » – sans référence au média éponyme -, ce sont tous les Calédoniens qui sortent perdants ; qu’elles aient une visée conspirationniste ou politique, ces fake news locales créent de la confusion, du cynisme, un renforcement des antagonismes et une perte de confiance envers les institutions médiatiques, politiques ou sociales, ce qui représente, évidemment, une menace directe pour la démocratie. Et la Nouvelle-Calédonie n’échappe pas à la règle de cette confusion générale, « mal-aidée » par des « groupes Facebook » malveillants ou des journalistes internationaux, coupables de « raconter l’histoire » actuelle en fonction de leurs orientations politiques, plutôt que de leur éthique journalistique. 

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Puisqu’on vous dit que c’est fermé ! © Géant et Casino NC

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Fake et anti-fake, à vous de choisir… 

Concernant les « fakers », ceux qui sont à l’origine de ces infox, une récente émission de Radio France intitulée « Le désir de chaos derrière la propagation des fakes news » revient sur l’étude de trois universitaires qui ont établi un profil-type de concepteur de fake news : « Ces personnes sont des déclassés, marginalisés ou bien qui se sentent empêchées d’accéder au statut social auquel elles aspirent » et ont pour volonté de détruire « l’ordre établi qui les tient à l’écart ». L’autre profil identifié, bien plus connu, est évidemment issu des (sous-)classes politiques ou du lobbying malintentionné ; pour sa part, il a pour objectif de déstabiliser un adversaire, politiquement ou économiquement, en salissant son nom, son bilan, son produit, sa famille etc… Mais, quel que soit le profil, il demeure évident que ces deux intentions sont néfastes et occasionnent des troubles importants à l’ordre public… et numérique. 

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Non, la dame ne va pas vous accorder un prêt d’1M XPF pour son pur plaisir… © Observatoire BVA 2019

Pourtant, aussi dangereux soient-ils, ces mauvais informateurs, ne sont qu’à l’origine du problème ; en effet, les âmes mal renseignées (ou formées) qui relaient ces infox représentent une caisse de résonance bienvenue et l’un des nœuds du problème. Les autorités publiques se doivent désormais d’apprendre à la population calédonienne à appréhender et évaluer la qualité et la pertinence d’une information sur le web

En guise de préambule, on repart sur les bancs de l’école et on fait appel au bon sens avec ces questions à se poser avant de partager une information, sur Facebook ou auprès de sa tantine Germaine : 

  • Qui est l’auteur de l’information ? Tonton Jacky ou M. le Scientifique ? 
  • Quel est son objectif ? Relater des faits ou exprimer son opinion ?
  • Sur quel site je navigue ? Calédosphère ou NC La 1ère ? 
  • Quels sont les objectifs du site ? Lancer des alertes ou informer de manière objective ? 
  • Comment se présente le site ? Le blog de ton petit frère ou un site référence ?
  • D’où vient l’information ? D’une source mentionnée ou de l’apéro de ton mec ?
  • L’information est-elle « recoupée » ? Tu l’as lue sur plusieurs sites différents ?
  • De quand date l’information ? De Mathusalem ou d’une date qui coïncide ?
  • L’information est-elle cohérente ? Ou est-ce le résultat des élucubrations avinées de ton copain ? 
  • Qu’en disent les commentaires ? « Gros mito » ou « tout à fait juste M. le journaliste » ? 
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Si ton voisin te raconte de la m…e, fais un tour sur SOS NC de la © Province Sud

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Fermons (parfois) nos gueules

A l’époque de l’ultra-mondialisation, des réseaux sociaux « libérés » et de la libre circulation des informations internationales, les fake news rebattent les cartes du journalisme et du lobbying politique : elles représentent tout simplement de véritables armes anti-démocratiques

Le Caillou, plongé en pleine crise socio-politique et économique, doit désormais s’armer contre ces pratiques malveillantes qui manipulent la perception des Calédoniens « de l’intérieur » mais également l’image du pays offerte au monde extérieur. Aussi, ne soyons pas dupes et rappelons-nous des (doux) mots du journaliste Bruno Masure : « Quand on ne sait pas, on… ferme sa gueule ! ». CQFD. 

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