La démultiplication de conflits mondiaux, couplée à leur large couverture médiatique, transforme TikTok en une source précieuse de renseignements. Sur cette plateforme, tout utilisateur peut agir comme un « correspondant de guerre », diffusant des vidéos directement depuis les zones de conflit. Toutefois, cette même application devient également un foyer amplifié de désinformation et de propagande selon son utilisation. En cette période de crise néo-calédonienne, présentation d’un outil qui a fait parler de lui…

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La métamorphose de l’accès à l’information

Dans un contexte où le journal papier commence à tirer sa révérence, les médias sociaux transforment complètement la diffusion de l’information. Les jeunes, en particulier, délaissent les journaux pour les plateformes numériques et consomment l’information via des applications comme Instagram, TikTok, et YouTube qui offrent des contenus synthétiques et interactifs. TikTok, notamment, s’installe comme une source d’information incontournable avec plus de 10 % des adultes aux États-Unis qui consultent les actualités en premier sur TikTok.

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Facebook n’est pas en reste… © PEW RESEARCH CENTER

Pour les fans de Facebook qui ne jurent que par Meta, voici ce qu’est TikTok. Il s’agit d’une application qui a été lancée en 2016 par la société chinoise ByteDance. La plateforme permet aux utilisateurs de créer et de partager des courtes vidéos, souvent accompagnées de musique ou de dialogues en playback. Grâce à son algorithme optimisé et à son concept, TikTok a rapidement gagné en popularité mondiale. Elle est devenue l’une des applications les plus téléchargées et influence grandement la culture numérique, en particulier chez les jeunes. En 2023, avec près de deux milliards d’utilisateurs, le réseau social est devenue un vecteur incontournable de diffusion et de partage de contenus vers des publics hétérogènes mais surtout très (trop ?) jeunes.

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Une mine d’or…

TikTok est donc devenu une source d’information précieuse grâce à son audience mondiale et au temps passé sur la plateforme par ses utilisateurs – en moyenne plus d’une heure et demie par jour. Le réseau social a connu une croissance significative durant la pandémie de Covid-19, atteignant plus de 3,5 milliards de téléchargements en 2022. Le conflit russo-ukrainien a démontré la pertinence de TikTok comme source de documentation en temps réel, avec des vidéos de civils et soldats dévoilant des aspects du quotidien en zone de guerre, géolocalisant les mouvements des troupes et fournissant des preuves de violations du droit international. 

Les capacités techniques de la plateforme, comme les vidéos en direct, facilitent la diffusion d’informations depuis les lignes de front, ce qui fait de TikTok un outil crucial pour l’investigation et le renseignement en open source. Par ailleurs, la plateforme permet d’analyser les interactions entre utilisateurs et de cartographier les réseaux d’influence. Ces possibilités offrent des perspectives sur les dynamiques communautaires et les réactions potentielles à des événements mondiaux.

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Des plateformes, il y en a à la pelle !

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… parfois maudite

Malgré ces avantages, TikTok se trouve sous le feu des critiques pour son rôle dans la propagation de la désinformation et de la propagande – sans mentionner son origine chinoise qui amplifie les doutes et accusations. Les accusations abondent et ciblent principalement un public jeune et crédule. Toujours en prenant l’exemple du conflit russo-ukrainien, des vidéos virales montrent des événements fictifs, largement partagées, comme celle du « fantôme de Kiev ». La plateforme favorise une consommation passive des contenus, ce qui facilite la diffusion d’informations trompeuses. Même l’outil de recherche intégré à TikTok est sujet à des biais cognitifs, avec environ 20% des résultats qui donnent des informations fallacieuses. D’ailleurs, la guerre en Ukraine est désormais qualifiée de « Première guerre TikTok de l’Histoire« .

Pour compléter cet exemple, nous avons désormais – et malheureusement – le cas de la Nouvelle-Calédonie où la plateforme a même été bannie, une décision « sans précédent sur le territoire », selon le juriste Nicolas Hervieu. La raison ? De nombreux groupes et opposants au projet de loi constitutionnelle ont initié des campagnes de mobilisation. Jusque-là, rien d’illégal. Cependant, l’interdiction s’inscrit dans un contexte de préoccupation croissante quant aux ingérences étrangères et à la propagation de désinformation provenant de pays étrangers qui semblent chercher à exacerber les tensions. En Nouvelle-Calédonie, le réseau social, majoritairement utilisé par la jeunesse calédonienne, a également été suspecté d’être un outil d’organisation des émeutes et de regroupement coordonné des émeutiers à certains points stratégiques.

« Tiktok a été interdit mercredi par le Premier Ministre et le gouvernement en raison des ingérences et de la manipulation dont fait l’objet la plateforme dont la maison mère est chinoise. L’application est utilisée en tant que support de diffusion de désinformation sur les réseaux sociaux, alimenté par des pays étrangers, et relayé par les émeutiers »

Cabinet du Premier ministre français

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Des vidéos positives et d’autres moins © Numérama

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Que faire de TikTok ? 

La question de savoir si TikTok est un biais d’information ou de désinformation demeure ouverte. À mesure que la technologie évolue et que les plateformes sociales continuent de façonner notre paysage médiatique, il devient impératif de développer des compétences critiques pour naviguer dans un océan d’informations souvent contradictoires, particulièrement chez les plus jeunes afin qu’ils construisent une compréhension plus nuancée et éclairée du monde qui nous entoure.

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