Vous le savez certainement, de nombreuses tortues marines viennent pondre chaque année sur les îlots du Grand Lagon Sud de la Nouvelle-Calédonie. Sur ces plages où elles sont nées des décennies auparavant, les tortues déposent des centaines d’œufs – dont seule une infime fraction deviendra des tortues adultes – avant de reprendre la mer pour se nourrir.

Or, vous connaissez l’adage : mieux connaître une espèce, c’est déjà mieux la protéger. Depuis plusieurs années, l’antenne calédonienne de la WWF procède ainsi à des poses de balises afin de suivre les migrations des tortues à travers le Pacifique Sud et mieux comprendre leur zone de vie, de nourrissage, de ponte ou d’habitat. Un nouvel exemple de la façon dont technologie et écologie travaillent en bonne intelligence sur un sujet central pour le Caillou !

Je m’en vais vous conter la balade des tortues vertes… © WWF

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80 balises posées   

Installée depuis 2001 sur le territoire calédonien, la WWF s’attache à étudier de près les tortues du Pacifique. En effet, le Caillou abrite deux sites de ponte majeurs pour les tortues marines dans la région : les atolls d’Entrecasteaux et Chesterfield pour les tortues vertes et, plus connue du grand public, la plage de la Roche Percée pour les tortues couannes, plus communément appelées tortues grosses têtes. Une fois la ponte achevée, ces animaux reprennent la mer pour se nourrir au gré de migrations parfois très longues à travers le Pacifique Sud. C’est justement pour mieux connaître l’ensemble des habitats fréquentés par ces espèces menacées que la WWF et ses partenaires ont décidé de cartographier les déplacements complexes qui rythment leur cycle de vie. 

Les équipes de l’association de défense de l’environnement ont ainsi équipé près de 80 tortues de balises satellites Argos sur les principaux sites de ponte du territoire. Pour rappel, ces balises sont des émetteurs qui transmettent des signaux à des satellites, permettant ainsi de déterminer avec plus ou moins de précision leur position géographique. Ces informations sont ensuite renvoyées depuis les satellites vers des stations de réception au sol pour être enfin partagées avec les propriétaires des balises en question. Absolument indolore à la pose pour la tortue, la balise se détachera ensuite toute seule, généralement quelques mois après avoir été placée. Baptisé SAT-NC (pour Suivi Argos des Tortues de Nouvelle-Calédonie), ce projet permet donc de suivre précisément et en temps réel le déplacement des tortues pendant plusieurs mois. 

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Une interface visuelle et interactive 

Le projet SAT-NC a donc pour mission de cartographier les principaux couloirs de migration des tortues. Son tableau de bord prend ainsi la forme d’une interface visuelle qui centralise et renseigne les données et résultats issus de ce projet. Une rubrique « animation temporelle » offre alors une cartographie animée des trajets réalisés par les tortues balisées. Et pour compléter cette vue d’ensemble, un onglet « Indicateurs » propose également d’explorer les principales caractéristiques des déplacements de tortues de manière interactive avec, notamment, la possibilité de sélectionner les données affichées par espèce ou par site de ponte.

Disponibles sur le site arcgis de Georep.nc, ces données nous permettent d’apprendre qu’une tortue est suivie en moyenne pendant 134 jours et que la migration la plus lointaine effectuée par un de ces spécimens est – tout de même ! – de 3 935 kilomètres… Si les scientifiques et la WWF se donnent tout ce mal pour comprendre où et quand les tortues se déplacent, c’est avant tout pour mieux déterminer quelles sont les zones prioritaires à protéger dans l’optique de leur sauvegarde. Les résultats du projet doivent également permettre d’identifier de nouvelles mesures de gestion adaptées aux habitats de ces espèces menacées et aux pressions qu’elles subissent, comme les captures accidentelles, la chasse et le braconnage, la dégradation des habitats, le changement climatique ou encore la pollution plastique… 

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La data, au service de l’environnement ?

C’est en tout cas une excellente nouvelle pour les tortues marines du Pacifique Sud, maillons phares de la biodiversité et véritables « totems » pour les populations locales. Avec ce projet en association avec la Direction du Numérique et de la Modernisation (DINUM) du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, la WWF espère parvenir à porter des recommandations concrètes et éclairées à nos dirigeants. Parfois décriée pour les dérives que son utilisation génère et la consommation électrique qu’elle implique, la data – l’or numérique de notre siècle – peut également déboucher sur bon nombre d’applications vertueuses… Et aider sauver les habitants de notre lagon préféré ?

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