Mégane Savary, co-fondatrice d’Atoflow, a concrétisé son souhait de fusionner art et tourisme, une initiative qui porte un nom en parfaite adéquation avec sa vision. En effet, « ato » signifie « art » en japonais, tandis que « flow » évoque le mouvement en anglais. Il s’agit d’une plateforme en ligne dédiée à l’art et à la découverte des villes par le prisme de leurs expressions artistiques.
À travers cette interview, nous avons exploré le lien entre l’art et le numérique ainsi que l’impact d’Atoflow sur la promotion de la culture et du patrimoine en Nouvelle-Calédonie. Mégane nous a partagé son parcours, les motivations qui l’ont poussée à mêler art et technologie mais aussi les bénéfices apportés par la digitalisation de l’art. Préparez-vous à plonger dans l’univers passionnant de l’art numérique et de la découverte culturelle avec une guide toute indiquée !
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Bonjour Mégane et bienvenue sur NeoTech ! By Megz, Belle Vue Coworking, La Guilbaudière, en banque et en assurance : tu en as de nombreuses casquettes ! Peux-tu te présenter à nos lecteurs et nous parler de ton parcours ?
J’ai effectivement plusieurs casquettes ! Pour vous situer un peu, ma famille est dans l’hôtellerie et la restauration depuis deux générations. Autant vous dire que l’accueil, l’événementiel et la communication, c’est dans mes gènes. En ce qui concerne la banque et l’assurance, c’est un peu la casquette rassurante qui « rentre dans les cases » mais ce n’est pas ma préférence. J’ai toujours travaillé avec passion et saisi les opportunités qui se présentaient à moi, d’où mon parcours assez varié que certains pourraient même qualifier de chaotique. Le fait est qu’il y a un fil conducteur qui traverse toutes mes expériences : suivre mon instinct et faire ce qui me plaît.
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Le 10 mai dernier, tu as lancé avec ton associé une plateforme en ligne dédiée à l’art, Atoflow. Félicitations ! Qu’est-ce qui vous a amené à vouloir mêler art et numérique ?
Merci pour les félicitations ! Le lancement d’Atoflow – notre plateforme en ligne dédiée à l’art – a été une étape importante pour nous, bien qu’elle ne soit que la première partie du projet. Plusieurs expériences professionnelles ont contribué à l’élaboration de ce projet.
Il y a quelques années, mon mari et moi étions propriétaires d’une maison d’hôtes appelée la Guilbaudière, près de Nantes. Toutefois, cette maison était bien plus qu’un simple hébergement. Nous avions un magnifique domaine avec une maison de caractère où nous organisions de nombreux événements auxquels nous invitions régulièrement des artistes. Nous avons également organisé des expositions, du live-painting, des ventes aux enchères ainsi que des soirées thématiques où nous collaborions avec des restaurateurs locaux pour créer une expérience complète.
C’est à ce moment-là que nous avons réalisé à quel point la communication pouvait être complexe pour les artistes, en particulier lorsqu’ils sortent de leur cadre habituel. En effet, les artistes dépendent souvent de la communication des lieux qui les accueillent et qui peut varier énormément d’un endroit à l’autre. C’est ainsi qu’est née l’idée d’Atoflow. Cette plateforme permet aux artistes de présenter leurs œuvres afin de toucher leur public cible dans n’importe quel pays ou ville.
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Quel est son concept et que peut-on y trouver ?
Atoflow est une plateforme qui propose une expérience de découverte artistique des villes. Nous avons créé des parcours thématiques où nous intégrons des œuvres d’art in situ, des ateliers d’artistes, des musées, des galeries ainsi que des acteurs économiques tels que des hôtels et des restaurants ayant une politique artistique.
Chaque ville possède généralement un quartier qui se démarque par sa scène artistique. Par exemple, à Nouméa, il y a le Quartier Latin ou le Faubourg Blanchot où se trouvent plusieurs lieux emblématiques comme la Villa Cachée, le Gondwana qui propose une véritable démarche artistique ou encore le Boops’ Café qui offre une autre vision de la pop culture. Il existe également un nouvel espace de coworking, In Situ, qui propose des ateliers d’art et des expositions. Grâce au site Atoflow, cet univers artistique pourra être mis en avant dans le quartier.
Nous avons déjà lancé des parcours à Nantes, Paris et Marrakech, et notre objectif est d’atteindre une trentaine de villes au cours de la première année. Nous souhaitons avant tout nous développer dans le Pacifique. Nous sommes actuellement en contact avec Sydney, Auckland, le Vanuatu, les Fidji et la Polynésie française. Notre ambition est de nous étendre progressivement à d’autres régions, à la métropole puis à l’Europe.
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Quand on pense à l’art, on s’imagine aller dans un musée. Pourtant, vous proposez une version virtuelle des musées. Quels sont les bénéfices apportés par le numérique ?
Effectivement, lorsque l’on pense à l’art, on imagine souvent se rendre dans un musée ou une galerie. Cependant, de nombreuses personnes ressentent de l’appréhension à franchir les portes de ces lieux, à la réputation élitiste, de peur qu’ils ne possèdent pas le bon vocabulaire ou qu’ils se sentent mal à l’aise. L’objectif d’Atoflow est de rendre l’art accessible à tous, afin que tous les publics osent enfin pousser ces portes.
Atoflow utilise donc le numérique pour faciliter la rencontre physique avec l’art. C’est l’un de nos éléments essentiels. C’est pourquoi nous commençons toujours par un parcours street art car il ne nécessite aucun intermédiaire. Nous proposons ensuite des parcours de plus en plus diversifiés. Grâce à Atoflow, vous pouvez découvrir l’artiste, son parcours et ainsi vous immerger progressivement dans l’art. Notre objectif est d’amener les novices à se sentir assez à l’aise pour entrer dans n’importe quelle galerie et pouvoir profiter pleinement de l’expérience artistique.
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Comment différencie-t-on l’art numérique de la digitalisation de l’art ?
L’art numérique et la digitalisation de l’art sont deux concepts distincts. L’art numérique est un genre artistique à part entière, tout comme la peinture ou la sculpture. Heureusement pour vous, nous ne sommes pas artistes, nous sommes plutôt impliqués dans la numérisation et la digitalisation de l’art. Notre rôle consiste à utiliser les outils numériques pour rendre service à l’art.
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L’art est affilié à la culture. Comment l’art digitalisé peut-il contribuer à la préservation et à la promotion de la culture et du patrimoine de la Nouvelle-Calédonie ?
La digitalisation de l’art offre une première approche aux personnes qui ont du mal à franchir le pas vers l’art physique. Cela permet également de diffuser l’art et la culture au-delà des frontières. Un artiste calédonien peut ainsi avoir ses œuvres présentes sur le territoire tout en faisant partie de parcours artistiques dans d’autres villes.
Il y a des artistes locaux qui ont des expositions en Australie ou au Japon et ils seront intégrés à des parcours artistiques dans ces pays, contribuant ainsi à faire rayonner leur culture et leur savoir-faire. C’est de cette manière que la culture calédonienne peut s’épanouir. Par exemple, nous avons des artistes locaux qui feront partie de parcours artistiques transnationaux, où leurs créations seront mises en valeur et diffusées dans différents pays.
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Quelle est la réception de cette forme d’art en Nouvelle-Calédonie et quel est l’intérêt du public pour ce genre artistique ?
Les artistes en Nouvelle-Calédonie sont assez enthousiastes à l’égard du projet. Par exemple, Caroline Desgroiselles qui ouvre son atelier au public : Caroline avait du mal à promouvoir son espace mais en intégrant un parcours sur Atoflow, les curieux peuvent désormais visiter son atelier sur rendez-vous et échanger directement avec elle. La possibilité de présenter leurs œuvres en Nouvelle-Calédonie et au-delà offre une visibilité différente aux artistes.
Ce qui est également intéressant, c’est que de nombreux artistes calédoniens ont du mal à maintenir une présence en ligne, avec souvent une simple page Facebook qu’ils ont du mal à alimenter régulièrement. Avec Atoflow, ils disposent d’une page propre qui agit comme un « annuaire« . Ils peuvent y présenter leur biographie, leur démarche artistique et leurs actualités de manière simple, sans avoir à rédiger de texte spécifique pour les réseaux sociaux. Ça leur permet de valoriser l’ensemble de leur contenu sans avoir à effectuer beaucoup de maintenance, tout en bénéficiant d’un outil qui évoluera sans les coûts associés à la création d’un site web.
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Quel avenir visualises-tu pour Atoflow ? Une application peut-être ?
Absolument ! Notre objectif final est de développer une application pour le grand public afin de pouvoir offrir une expérience complète. Ça permettra de mettre l’art calédonien en valeur auprès des touristes visitant le territoire. Grâce à une application hors-ligne, ils pourront découvrir le territoire d’une manière différente, en dehors des plages et des îlots.
Nous avons déjà créé des parcours en centre-ville et mettant en avant les monuments, les statues et le musée de la ville. À travers ces parcours, nous souhaitons présenter la culture et l’histoire de la Nouvelle-Calédonie. L’application pourra guider les touristes vers des quartiers tels que le Quartier Latin où ils pourront, par exemple, découvrir la galerie Arte Bello, qui expose de nombreux artistes locaux ainsi que des artistes internationaux. De plus, les habitants locaux auront l’opportunité de découvrir une facette de la Nouvelle-Calédonie qu’ils ne connaissaient peut-être pas auparavant.
L’application sera dotée de nombreuses fonctionnalités que nous vous révélerons lorsque sa sortie sera imminente…
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Des volontés d’utiliser la réalité virtuelle ou augmentée pour offrir de nouvelles expériences artistiques ?
Nous avons effectivement envisagé l’utilisation de la réalité virtuelle ou augmentée, en particulier pour les galeries et les musées. Ce concept s’est beaucoup développé pendant les périodes de confinement mais il est moins répandu dans le Pacifique. La plupart des initiatives proviennent d’Amérique ou d’Europe. Malheureusement, la région du Pacifique est souvent oubliée lorsqu’il s’agit de ce type d’initiatives…
Cependant, nous restons attachés à notre philosophie selon laquelle le numérique doit servir à favoriser la rencontre physique. Ainsi, si nous envisageons d’utiliser ces outils technologiques, nous le ferons avec précaution, en veillant à ce que cela n’entrave pas le contact direct avec l’art et les artistes.
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Un dernier mot ? Une citation ?
« Dans tous les arts, le plaisir croit avec la connaissance que l’on a d’eux »
Ernest Hemingway
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