Invest in Pacific
© Invest in Pacific

C’est à l’occasion d’un de ses passages éclairs en Nouvelle-Calédonie que nous avons eu la chance de rencontrer Nicolas Laurent, le co-fondateur et directeur des investissements de la plateforme polynésienne Invest in Pacific. Venu au business center Ootech de Nouméa pour présenter un projet d’arène e-sport en réalité virtuelle – qui fera justement l’objet d’une prochaine levée de fonds sur sa plateforme – Nicolas a pris le temps de rencontrer NeoTech pour discuter startup et innovation océaniennes, sans oublier l’ouverture prochaine d’un bureau calédonien pour “IIP” !

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Bonjour Nicolas et bienvenue sur NeoTech ! Un petit mot pour te présenter à nos lecteurs ?

Bonjour aux lecteurs de NeoTech ! Je me définis comme un enfant du Pacifique. J’ai grandi en Nouvelle-Calédonie où j’ai passé toute mon enfance du côté de Poindimié. Le Caillou est donc un territoire que j’aime beaucoup. J’ai ensuite passé mon adolescence et ma vie de jeune adulte en Polynésie. J’ai ainsi tissé un lien fort avec ces deux territoires et cela a vraiment du sens à mes yeux de développer Invest in Pacific à la fois en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie. 

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Peux-tu nous raconter un peu l’histoire d’Invest In Pacific et son offre de services financiers ? 

Invest in Pacific est née d’un constat simple : dans nos économies – que ce soit en Calédonie ou en Polynésie -, il y a beaucoup d’argent détenu par des épargnants locaux. Or, une grande partie de cet argent ne finance pas l’économie locale. Au contraire, il quitte le territoire pour aller financer les grandes économies étrangères. 

Généralement, lorsque l’on veut un produit d’épargne structuré qui rapporte de l’argent, dans les vingt-quatre à quarante-huit heures qui suivent la signature du contrat, cette épargne va quitter le territoire pour aller financer d’autres économies. Parallèlement à cette problématique – et étant un ancien banquier d’entreprise – j’ai eu affaire à des clients qui portaient des projets prometteurs et innovants mais à qui il manquait des fonds propres ou des capitaux pour les financer. Je me suis donc dit qu’il y avait là une opportunité de résoudre cette double problématique. 

Avec mon associé co-fondateur, nous avons alors cherché un agrément auprès de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), pour permettre concrètement à ces deux besoins différents de se rencontrer dans un cadre sécurisé et structuré. C’est comme ça qu’est né Invest in Pacific. 

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© AMF

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Invest In Pacific est donc une solution 100% digitale qui permet aux épargnants d’investir directement dans différents domaines de l’économie. Peux-tu nous expliquer en quoi il s’agit d’une solution particulièrement innovante ? 

Effectivement, Invest in Pacific repose sur un process totalement digitalisé. Nos épargnants ne peuvent pas souscrire à l’un de nos produits financiers par un papier physique. Notre agrément dépend d’ailleurs lui aussi d’une plateforme digitalisée. Dans le code monétaire et financier qui définit notre activité, il est inscrit noir sur blanc que cette activité se fait exclusivement au travers d’une plateforme numérique. Toutes les signatures que nous collectons sont également électroniques.

Bien entendu, en amont de ces investissements, nous apportons un maximum d’accompagnement humain car cette dimension reste très importante sur nos territoires. C’est pour cette raison que nous avons des équipes spécialement dédiées à cela. Mais une fois que les personnes ont pris en main l’outil, on ne les revoit quasiment plus : elles gèrent tout depuis leur ordinateur, leur smartphone ou leur tablette. 

L’innovation repose donc d’une part sur cette digitalisation et, d’autre part, sur notre agrément. Seulement soixante entreprises possèdent cet agrément qui n’a que six ans d’âge : cinquante-neuf en Métropole et une seule active sur la zone Pacifique. C’est nous ! 

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Quelle est votre relation avec IFP Patrimoine et pourquoi cette association ? 

Il ne s’agit pas d’une association mais plutôt d’un partenariat stratégique. Nous, notre métier, c’est de fabriquer des produits d’épargne locaux. Nous identifions d’abord des porteurs de projets locaux dans des secteurs d’activité différents. Dans l’innovation, bien sûr, mais aussi dans l’industrie, dans le BTP ou le maritime, etc. Ensuite, nous transformons ce projet entrepreneurial en produit d’épargne que nous allons distribuer. Nous pouvons toutefois également faire appel à des partenaires afin qu’ils distribuent pour nous ces produits. 

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Les bureaux d’IFP Patrimoine à Nouméa ! © IFP Patrimoine

C’est dans cette optique que nous avons eu la chance de nouer un partenariat avec IFP Patrimoine : pour distribuer nos produits en Nouvelle-Calédonie ! Ce partenariat est stratégique et amené à perdurer. L’implantation d’Invest in Pacific en Nouvelle-Calédonie, avec une équipe calédonienne et une structure juridique dédiée, est néanmoins très importante à nos yeux et s’inscrit dans notre volonté de distribuer nous-mêmes une partie de ces produits localement. 

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Justement, concernant l’ouverture début Octobre de ce bureau permanent à Nouméa : Invest In Pacific a donc annoncé souhaiter recruter 5 à 6 personnes dans l’optique de rapatrier jusqu’à 2 milliards de francs CFP par an dans l’économie calédonienne au travers de sa plateforme. Peux-tu nous en dire plus quant à cette décision de s’installer durablement sur le Caillou et les opportunités que cela représente ? 

Absolument ! C’est donc Philippe Richard, présent avec moi aujourd’hui, qui prendra la tête de ce bureau calédonien. Philippe – présent sur le Caillou depuis 22 ans – est fort de plus de vingt ans d’expérience dans les milieux financiers calédoniens. A l’occasion de ma visite sur le territoire, nous avons mené ensemble plusieurs heures d’entretien pour constituer notre future équipe. 

Nous avons par ailleurs déjà identifié des bureaux et nous sommes actuellement en négociations avec notre bailleur. Nous commencerons ensuite dans un premier temps notre activité avec trois collaborateurs, en comptant Philippe. A partir de là, nous espérons rapidement monter en puissance sur ce très beau marché calédonien, historiquement très dynamique ! 

On trouve notamment ici un tissu entrepreneurial très riche, ce qui explique cet objectif de rapatrier 1,5 à 2 milliards de francs par an dans l’économie. Comme tu l’as dit, nous visons à terme une équipe de cinq à six collaborateurs. Ce bureau sera ainsi composé d’un ou deux seniors, de deux juniors et d’un assistant. L’antenne calédonienne d’Invest in Pacific disposera d’ailleurs d’une large autonomie par rapport au siège polynésien. Ce dernier jouera le rôle de « fournisseur » en apportant tout le back office – par exemple le back-up juridique et financier – du bureau calédonien. Le reste sera géré localement. 

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Philippe Richard (à gauche) et les porteurs du projet d’arène e-sport EVA en NC ! © NeoTech

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Quel est ton regard sur l’économie des startup océaniennes et, plus spécifiquement, des startup calédoniennes ? 

Je ne peux m’exprimer de façon certaine que sur la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie, mais je commencerai par relever l’incroyable diversité de ces deux territoires : diversité de cultures, de paysages mais aussi de problématiques, notamment au niveau de l’environnement. En ce sens, nous sommes presque des laboratoires du monde de demain ! 

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© ADECAL

Les startup de ces territoires balaient les champs de la biotech à la fintech en passant par la tech « pure » avec les exemples de Testeum ou d’Optimal RH. Il y a donc ici une panoplie d’acteurs qui est vraiment très intéressante. On peut apprécier le travail de fond mené par le Gouvernement mais aussi par l’INCubateur de l’ADECAL Technopole. Je salue à cette occasion le magnifique travail réalisé depuis huit ans par Christophe Carbou !

A ce niveau, le Caillou a plusieurs longueurs d’avance sur la Polynésie où PRISM – l’incubateur local de la CCI – n’a que quatre ans d’existence. Or, pour faire éclore un écosystème de startup capables d’accoucher de levées de fonds aussi importantes que celle de Testeum, il faut en moyenne une dizaine d’années ! La Nouvelle-Calédonie possède donc un terreau très favorable à l’implantation d’une structure comme la nôtre, notamment sur ce secteur de l’innovation

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Nous avions suivi les levées de fonds de certaines startup locales telles qu’Ibisa et Testeum, rejointes il y a peu par Optimal RH. Où en sont aujourd’hui ces levées de fonds et quel est ton retour d’expérience sur ce sujet ? 

Testeum a levé 55 millions de francs auprès de 89 Calédoniens mais aussi de quelques Polynésiens ! Cette somme va permettre d’entamer la phase « seed » de cette levée et par la suite d’aller pénétrer le marché australien, avec l’ouverture d’un bureau sur ce territoire. En fait, les équipes calédoniennes développent le produit, élaborent le « back office » et vont ensuite ouvrir des bureaux commerciaux dans d’autres territoires pour aller faire de la conquête clients. Testeum a aussi récemment ouvert un bureau en Polynésie, toujours selon la même logique. Il s’agit donc d’un très beau succès qui a même impressionné nos confrères métropolitains ! 

En ce qui concerne Ibisa, il s’agit d’un projet mis en ligne avant d’être rapidement retiré, d’une volonté commune entre le porteur du projet et Invest in Pacific. L’idée était justement de concentrer les efforts et les investisseurs sur Testeum. 


Pour Optimal RH, le projet est encore en cours de levée de fonds. L’objectif minimum est fixé à 40 millions de francs et nous approchons actuellement des 30 millions. Nous allons repousser un petit peu cette levée pour tendre vers les 50 millions d’ici fin septembre. Nous sommes donc avec ces deux produits sur de beaux succès qui ont un impact fort sur l’économie calédonienne. Par exemple, un projet comme Testeum  va déboucher sur vingt-quatre recrutements ! En termes de retombées au niveau de la CAFAT, de la TGC et de l’impôt sur les sociétés, cela représente plusieurs centaines de millions de francs en retour sur investissement pour le pays. On peut vraiment parler de leviers de croissance très significatifs pour la Calédonie. 

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Christopher Gygès, Hatem Bellagi et Benjamin Rouveyrol au lancement de la levée de fonds d’OPTIMAL RH à la Station N © NeoTech

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Parmi vos prochaines actualités, vous organisez prochainement une levée de fonds basée sur l’E-Sport et la création d’une arène EVA, une exclusivité en NC. En quoi va consister cette levée de fonds ? 

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© EVA

Nous avons pour objectif de lever entre 30 et 50 millions de francs pour financer ce projet, avec un delta pris en charge par une banque. Le but est de créer la première arène e-sport de réalité virtuelle en Nouvelle-Calédonie. Nous cherchons donc à apporter les capitaux aux porteurs de projets qui travaillent depuis un an et demi à l’élaboration de ce lieu de convivialité où pourront s’affronter jusqu’à douze joueurs en simultané ! A terme, il sera même possible de défier les autres équipes du Pacifique et même du monde entier ! Je pense sincèrement qu’il s’agit d’une super opportunité pour le pays dans le domaine du e-sport

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Tests en ligne, logiciel SIRH, e-sport… autant de domaines différents pour des levées de fonds diverses : comment « choisissez-vous » les startups avec lesquelles vous travaillez ? 

En moyenne, on étudie treize dossiers pour finalement n’en retenir qu’un ! Nous avons donc un niveau de tri assez conséquent. D’ailleurs, nous ne prenons pas unilatéralement la décision de mettre un projet en ligne puisqu’on dispose d’un comité stratégique d’investissement. Ce dernier est constitué de cinq membres : deux d’entre eux font partie d’Invest in Pacific et trois sont extérieurs à notre plateforme. 

Parmi ces personnes extérieures, vous pouvez avoir un commissaire aux comptes, des avocats ou un expert en incubation de startup comme Christophe Carbou – qui revêt d’ailleurs régulièrement cette casquette auprès de nous. Nous leur présentons le dossier afin de connaitre leur avis d’expert et nous les invitons à voter – de façon anonyme et digitalisée – quant à la pertinence de mettre en ligne le projet concerné. Cette dernière opération ne peut donc être validée qu’en cas de majorité au sein de ce comité stratégique, avec l’obtention de trois votes positifs. 

Quant à notre choix des startup à accompagner, il se porte sur trois aspects essentiels de leur projet : qui sont les hommes et les femmes qui le portent ? Existe-t-il un marché non adressé par leur projet ? Et enfin, ce projet est-il suffisamment structuré ? Nous intervenons d’ailleurs sur ce dernier point en apportant notre accompagnement pour consolider le projet. 

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As-tu d’autres actualités à nous partager ou un dernier mot pour nos lecteurs ? 

J’en reviens à l’ouverture de nos bureaux de Nouméa au mois d’Octobre ! Nous espérons sincèrement devenir un acteur à part entière de l’économie et de l’innovation calédoniennes, sans pour autant prendre la place de qui que ce soit. Notre offre de service n’est proposée par aucune autre structure à ce jour et nous aurons à cœur de vous apporter le plus possible de projets prometteurs dans le futur ! 

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