Et si les titres-repas et chèques-cadeaux en Nouvelle-Calédonie passaient entièrement au numérique ? C’est le pari qu’a relevé Néocarte, qui, depuis 2019, travaille à la digitalisation de ces solutions de paiement. Pour en savoir plus, nous avons rencontré Hélène Moraud, sa directrice, qui nous partage l’évolution de cette transition et les innovations à venir. Entre transformation numérique, engagement solidaire et nouvelles habitudes de consommation, découvrez comment cette initiative locale redessine l’avenir des paiements sur le territoire. 

__

Bonjour Hélène et bienvenue sur NeoTech. Pour débuter notre échange, pourrais-tu te présenter en revenant sur les dates clés de ton parcours professionnel ?

Bonjour NeoTech ! Je me présente Hélène Moraud, je suis actuellement la directrice de NéoCarte qui regroupe la « Carte Déjeuner » et « Ma liste Cadeau NC ». Cela va faire vingt ans que je suis sur le territoire. J’ai débuté ma carrière dans l’hôtellerie et la restauration où j’ai travaillé pour divers acteurs en Nouvelle-Calédonie. 

Néocarte

En 2016 j’ai créé « Ma liste Cadeau NC », dont j’ai été la gérante pendant presque sept ans. En 2022, je suis arrivée un peu aux limites de ce que je pouvais proposer et développer seule mais dans le même temps, NéoCarte cherchait à développer la partie « bons cadeaux » dans son activité. C’est donc tout naturellement que nos deux entités ont fusionné. 

__

Néocarte est donc née en 2019 de la fusion entre « Tickets Restaurant » et « Chèques Déjeuner Calédoniens ». Peux-tu nous raconter son histoire et les motivations qui ont conduit à sa création ?

Néocarte

Effectivement, au départ, il y avait deux acteurs arrivés quasiment en même temps sur le territoire avec le même objectif. Cependant, ils se sont rendu compte que la Nouvelle-Calédonie est un territoire trop petit pour deux structures proposant ce type de service. Ils ont donc décidé de s’unir pour davantage de cohérence par rapport au fonctionnement du territoire et au nombre de personnes bénéficiaires. C’est comme ça qu’est née cette fusion qui est devenue un GIE (Groupement d’Intérêt Économique) qui s’appelle GIE SSC.

__

Votre solution repose sur la digitalisation des titre repas. Comment cette transition vers une offre entièrement dématérialisée s’est-elle mise en place et quels ont été les principaux défis rencontrés ?

Au départ, les chèques déjeuner étaient en version papier et les tickets restaurants en version digitalisée. Quand la fusion de ces deux moyens de paiement a eu lieu, ils ont opté pour la version numérique davantage dans l’ère du temps. Très clairement, à mon sens, le format papier est voué à devenir complètement obsolète. Ce choix 100% numériqueétait malgré tout un gros pari, car en 2019, ce secteur n’était pas autant développé sur le territoire. Le challenge résidait donc dans le fait de basculer l’ensemble des services pour qu’ils soient tous sur la même carte. Il a fallu communiquer sur cette nouveauté auprès des commerçants et s’accorder avec le prestataire local, la CSB, pour pouvoir mettre notre application sur tous les TPE des commerces concernés.

__

En quoi les applications « NeoCarte Bénéficiaire » et « NeoCarte Affilié » facilitent l’expérience des utilisateurs et des commerçants partenaires ? Est-ce qu’il y a des perspectives d’évolution pour les années à venir ? 

Cette solution digitalisée est vraiment un luxe pour le bénéficiaire. Au lieu d’utiliser ses chèques, qu’il peut oublier ou perdre, il a toujours sa carte sur lui et il peut s’en servir au franc près. Pour le commerçant, ce système est un gain de temps, car il fonctionne via les télécollectes basiques de son TPE. Le soir, il reçoit sa télécollecte de toutes les transactions qu’il y a eu dans la journée puis il est payé par virement bancaire, tout est automatisé. L’ensemble est parfaitement contrôlable et justifiable, ce qui rend cette solution particulièrement avantageuse. 

Aujourd’hui, l’évolution va être axée sur les chèques-cadeaux. Jusqu’à récemment, ces derniers étaient exclusivement au format papier. Désormais, nous amorçons leur numérisation, avec comme nouveauté majeure l’intégration sur une seule et même carte. Ce projet a nécessité plusieurs mois de développement, qui sont désormais achevés. Nous sommes donc prêts pour le lancement et avons déjà entamé la commercialisation ainsi que la communication à ce sujet.

L’objectif est que tout soit centralisé sur une seule carte et accessible via l’application, qui offre une visibilité claire sur les dépenses. Par exemple, l’utilisateur peut consulter son solde de titres-repas, voir les transactions effectuées et accéder à la liste des 380 commerces partenaires sur l’ensemble du territoire grâce à une fonctionnalité dédiée. De plus, bien que les titres-repas et les titres-cadeaux soient regroupés sur la même carte, ils restent totalement distincts. Cette séparation était un défi technique majeur aussi bien pour le développement que sur la mise à jour technique de l’ensemble des TPE. Sur la version papier des bons cadeaux, nous comptons plus de 200 partenaires. Actuellement, sur la version dématérialisée, nous en avons entre 45 et 50. Ce processus prend un certain temps, car il nécessite une modification technique des TPE déjà présents dans les commerces, mais nous travaillons avec la CSB à ce sujet.

__

Néocarte s’engage également dans des actions solidaires, comme le financement des associations et d’actions de prévention santé. Quelle place occupe cet engagement dans votre vision d’entreprise et comment souhaitez-vous le faire évoluer ?

Néocarte

Cette initiative s’inscrit dans une logique de continuité. Lorsqu’on travaille dans le domaine des titres-repas, la dimension solidaire, notamment à travers les aides sociales destinées à l’alimentation, est une extension naturelle de notre engagement. Par ailleurs, la carte déjeuner est soumise à un cadre réglementaire strict. Nous sommes aujourd’hui le seul acteur du territoire à disposer de cet agrément, ce qui implique certaines obligations. Les titres-repas fonctionnent selon un principe de cofinancement entre l’employeur et le salarié. Si un bénéficiaire quitte son entreprise sans avoir utilisé la totalité des fonds disponibles sur sa carte, ces montants, qui n’appartiennent ni à l’entreprise ni à nous, sont mis de côté. Une fois par an, ces sommes résiduelles sont redistribuées sous forme de cartes alimentaires à des associations partenaires, permettant ainsi d’aider des personnes en situation de précarité. Les cartes fournies peuvent être utilisées directement par les bénéficiaires pour leurs achats ou par les associations elles-mêmes afin d’acquérir des produits de première nécessité.

Nous souhaitons aller encore plus loin dans cette démarche solidaire. Aujourd’hui, la meilleure solution mise en place consiste à recharger des cartes dédiées aux aides sociales, mais nous restons ouverts à d’autres projets. En tant que groupement d’intérêts économiques, notre objectif est de générer des bénéfices pour l’ensemble des acteurs impliqués : commerces, entreprises, bénéficiaires et personnes en situation de besoin. L’un des enjeux majeurs est de garantir que ces fonds restent sur le territoire et soient utilisés chez des partenaires définis. C’est pourquoi nous travaillons actuellement à l’élargissement de nos solutions aux aides sociales plus globales. En complément des cartes destinées aux entreprises et aux institutions, nous développons des dispositifs permettant d’étendre ces aides au-delà de l’alimentation. Grâce aux sollicitations du CCAS, nous explorons des pistes telles que l’aide à la mobilité (carburant, transports), le soutien au paiement des factures d’énergie, et d’autres formes d’assistance. L’objectif est d’informatiser et de suivre précisément l’utilisation des fonds afin de garantir qu’ils soient affectés aux besoins prévus. Cela permet un contrôle rigoureux et assure que l’argent public est utilisé conformément à sa destination initiale.

__

Quel regard portes-tu sur les solutions de paiement dématérialisés en Nouvelle-Calédonie ?

Nous nous inscrivons pleinement dans une dynamique moderne, et j’ai même parfois l’impression qu’il nous arrive même d’avoir une longueur d’avance. L’avantage d’un territoire à taille humaine est de pouvoir impulser des changements plus rapidement. La numérisation est une tendance incontournable, que l’on observe dans de nombreux secteurs d’activité, et il est essentiel de poursuivre dans cette direction.

A mon sens, il ne faut pas craindre une éventuelle difficulté d’adoption, car lorsqu’il s’agit de répondre à un besoin fondamental comme l’alimentation, l’usage d’une carte ne constitue pas un obstacle. Aujourd’hui, les solutions techniques sont abouties, et l’objectif est d’élargir encore davantage le champ des possibles pour offrir des solutions adaptées à un maximum de bénéficiaires.

__

Selon toi, comment la transformation numérique influencera-t-elle les modes de consommation et les solutions de paiement dans les prochaines années ?

Dans les années à venir, la transformation numérique influencera profondément les modes de consommation, ouvrant la voie à des solutions entièrement dématérialisées. Cela concernera aussi bien les titres-repas et les chèques-cadeaux pour les consommateurs. Si on tire le fil, cela pourra même être utilisé sur le suivi des attributions de subventions aux associations.

La dématérialisation offre de nombreux avantages, notamment en termes de praticité et de gain de temps. Une carte rechargeable sur trois ans, par exemple, permet d’éviter les contraintes logistiques liées aux bons papiers, qui nécessitent une remise physique aux bénéficiaires à chaque renouvellement.

Par ailleurs, l’usage du smartphone pour les paiements se généralise à l’échelle mondiale, et la prochaine évolution pourrait être la suppression totale des cartes physiques au profit d’une solution 100 % intégrée à une application mobile. Pour l’instant, cette évolution demande encore un accompagnement et une adaptation progressive, mais elle représente sans aucun doute l’avenir des transactions dématérialisées.

__

Pour terminer, un dernier mot à adresser à nos lecteurs ?

Il est important de maximiser l’utilisation de ce type de cartes. Je pense particulièrement aux institutions qui pourraient grandement bénéficier de cette dynamique, car cela leur permettrait de gagner un temps considérable tout en élargissant l’accès aux aides. En effet, sur le plan technique, tout est possible : il suffit de discuter des besoins et de développer des solutions adaptées.

Aussi, dans le contexte actuel, les entreprises sont souvent sous pression et ont du mal à envisager une augmentation salariale. Offrir des titres de paiement pourrait être une alternative pour améliorer le pouvoir d’achat des salariés, tout en étant moins coûteuse pour l’entreprise. L’avantage de ces titres est qu’ils ne sont pas soumis aux charges sociales, dans certaines limites, ce qui représente un véritable avantage pour l’entreprise. Pour le salarié, c’est une solution nette, qui vient s’ajouter à son revenu à la fin du mois. C’est donc un arrangement gagnant-gagnant pour les deux parties, et cela permet également de soutenir des associations.

D’une manière générale, je trouve ce domaine très intéressant car il offre d’innombrables possibilités. Plus on explore, plus on se rend compte des nombreuses opportunités qui se présentent.

__