De la recherche biomédicale à Bordeaux aux projets familiaux de Plum, en passant par la création d’une école de musique et l’innovation publique, Laurent Bui a construit un parcours qui ne ressemble à aucun autre. Aujourd’hui directeur du réseau Initiative NC, il met cette expérience au service de ceux qui créent, reprennent ou transforment une entreprise.
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Une trajectoire guidée par l’envie d’aider
Dès qu’il parle de son parcours, quelque chose saute aux yeux : rien n’a été linéaire, mais tout a du sens. Très tôt, il pense que sa voie est dans les sciences. Il part à Bordeaux pour suivre des études de médecine, avant de comprendre que ce n’est pas là qu’il s’épanouira. Il se réoriente vers la biologie et la biochimie, un terrain où il retrouve le plaisir de comprendre, manipuler et observer.
Cette dynamique l’amène naturellement vers la recherche. Toujours à Bordeaux, il enchaîne avec une thèse en chimie au sein d’un laboratoire du CNRS. Il s’y investit pleinement, soutient sa thèse en 2010 et présente ses travaux à l’international. Les perspectives sont prometteuses : post-doc, industrie pharmaceutique, départ à l’étranger.
Mais plus il avance, moins il s’y projette.
« Plus ça allait, moins j’avais envie d’y aller. Finalement, je me suis dit : je vais faire une petite pause, je vais rentrer. Toute ma famille est ici. »
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Remettre en mouvement des projets en difficulté
De retour sur le Caillou en 2010, il plonge rapidement dans l’aventure familiale. Ses parents souhaitent vendre leur épicerie de Plum, mais la structure, fragilisée par l’arrivée de la TGC et les changements réglementaires, n’est pas en état d’être transmise. Il remet l’ensemble en ordre, restructure l’activité et stabilise les comptes. Une fois redressée, l’épicerie trouve preneur, permettant à ses parents de partir enfin à la retraite.
En parallèle, il aide son frère à relancer un restaurant en difficulté. Il reprend la gestion, ajuste l’offre, modernise le concept et met en place des outils simples pour dynamiser les ventes. L’activité remonte et le restaurant peut être revendu dans de meilleures conditions.
« On avait deux options : mettre la clé sous la porte ou se retrousser les manches. On a choisi d’y aller à fond, parce qu’on ne voulait pas laisser ces projets mourir. »
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Musique Addict : apprendre autrement

En 2014, il ressent l’envie de créer un projet qui lui ressemble davantage. Il cofonde Musique Addict Records à Nouméa, une école de musique associée à un studio d’enregistrement. L’idée est simple : apprendre la musique en la pratiquant, avant de la lire. Avec son associé, il développe une pédagogie vivante, accessible, loin des modèles traditionnels.
Il lance un éveil musical pour les enfants de 0 à 3 ans, centré sur les émotions et la découverte sensorielle, puis un programme destiné aux enfants sourds et malentendants, élaboré avec l’Association pour la Surdité. Pendant sept ans et demi, le projet grandit, se structure, prend sa place. En 2021, convaincu d’avoir amené la structure là où il pouvait, il cède ses parts.

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Plonger dans l’innovation publique
Après cette expérience, son parcours bascule vers un autre terrain : l’innovation territoriale. Il rejoint d’abord le pôle Innovation de l’ADECAL, où il découvre de l’intérieur comment les projets émergent, se structurent et se heurtent parfois aux limites du territoire. Cette immersion élargit sa compréhension de l’écosystème et de ses enjeux.
Il intègre ensuite la Direction du Numérique et de la Modernisation du gouvernement (la DINUM) pour mener une mission de fond : mettre à jour la Stratégie territoriale de l’innovation, un document rédigé en 2015 mais jamais réellement activé. Pendant plusieurs mois, il coordonne un travail collectif associant les collectivités, les acteurs économiques, les institutions et les experts du réseau national RETIS. Le document finalisé est présenté en 2023 et se trouve aujourd’hui en cours d’adoption au Congrès.
« Il y avait beaucoup d’outils, beaucoup d’aides, mais les choses n’étaient pas vraiment bien coordonnées. Le travail, c’était de remettre tout le monde autour de la table et d’arriver à une stratégie qui parle à chacun. »
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Sa vision à l’épreuve
Cette immersion dans la stratégie territoriale agit comme un déclic : un territoire avance lorsque l’innovation est portée collectivement, pensée avec ceux qui la font vivre. Une idée qu’il devra mettre en pratique plus vite que prévu.

En 2024, Initiative NC traverse une crise sévère. Les financements publics chutent, les partenaires privés se retirent et l’association, qui gère près de 450 millions de francs de prêts d’honneur, se retrouve en zone critique. Il connaît l’outil, son impact, ses bénévoles. Il participe à sécuriser une subvention exceptionnelle de la DGOM, un soutien qui rétablit la confiance. Les financeurs privés reviennent, l’activité repart et l’association retrouve un socle stable, au moins jusqu’en 2027.
Nommé directeur en août 2025, il s’attelle désormais à consolider cette relance : renouer un dialogue durable avec les collectivités, renforcer les partenariats et remettre l’accompagnement au centre du dispositif.
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Accompagner des projets à impact
Pour lui, le prêt d’honneur n’est qu’un levier. Ce qui compte, c’est l’humain : la posture, la cohérence entre une personne et son projet, l’impact social, économique ou environnemental. L’accompagnement, pour lui, prolonge son fil conducteur : comprendre, soutenir, encourager.
C’est ce qui relie toutes les étapes de son parcours, qu’il soit en blouse, derrière un instrument de musique, au cœur d’un projet territorial ou aux côtés d’un entrepreneur qui se lance. Aujourd’hui, il aide les entrepreneurs à révéler leur potentiel, tout en gardant la science en filigrane. Mais il ne s’interdit pas, un jour, de revenir à un projet qui la remettra au cœur de son chemin.
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