Changement de décor : cette fois-ci, c’est au Théâtre de Poche que la rédac’ de NeoTech s’est rendue afin d’assister à la première d’« Impro I.A », un spectacle innovant et surprenant. Imaginé, interprété et mis en scène par la troupe La Claque !, avec à sa tête Matthieu Fleury en tant que Directeur Artistique, cet événement promettait une expérience théâtrale unique.

La semaine dernière, lors d’une interview, Matthieu vous avait partagé les coulisses de la création et quelques anecdotes de leur première représentation en 2023. Jeudi 14 mars, nous avons eu l’opportunité de découvrir par nous-mêmes la fusion entre l’intelligence artificielle et l’art de l’improvisation. La scène est prête, « 3, 2, 1… impro » !

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Un spectacle d’impro qui ne s’improvise pas

Pour ceux qui n’ont pas encore découvert l’interview de Matthieu Fleury, l’idée a germé dans son esprit lorsqu’il a constaté le peu d’exploitation du potentiel de l’intelligence artificielle dans le domaine de l’improvisation théâtrale, à l’exception notable de l’initiative de Piotr Mirowski et de sa troupe, Improbotics. Après avoir pris contact avec ce dernier et recueilli quelques précieux conseils, Matthieu s’est lancé dans la création d’« Impro I.A », une expérience scénique novatrice mettant en scène la rencontre entre des comédiens improvisateurs et une intelligence artificielle : A.L.Ex, pour Artificial Language Experiment. L’objectif ? Voir ce dont une IA est capable, tout en confrontant les comédiens à un partenaire de jeu totalement imprévisible.

A.L.Ex, notre comédien artificiel, possède un répertoire impressionnant car il a assimilé les dialogues d’environ 100 000 films, soit près d’un milliard de mots, ce qui lui permet d’imaginer une multitude de scénarios. L’IA est prête, 20h30, le rideau se lève et le spectacle débute. Nous avons eu l’honneur d’avoir quelques mots de Louis Mapou, Vaimu’a Muliava ou encore Sonia Backès, grâce à la magie du DeepFake ! Une technologie étonnante, assurément !

Rigolades ravalées, Matthieu, « maître I.A » au clavier de ChatGPT4, a fait son entrée sur scène aux côtés des cinq comédiens en formulant un postulat : la technologie est désormais capable de rivaliser, et même de surpasser, les performances des vrais comédiens. Une déclaration qui n’a pas manqué de susciter l’indignation chez les artistes. C’est alors que Matthieu a appelé A.L.Ex à la rescousse… S’en est suivie une série de séquences improvisées et imprévisibles, mettant en lumière les capacités de scénarisation, de psychanalyse, de création de personnages, d’images et de musiques de cette intelligence artificielle.

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A.L.Ex, un comédien efficace mais perfectible

Imprévisible, A.L.Ex l’a été ! En effet, l’heure et demie de spectacle a été ponctuées de rebondissements inattendus, suscitant bien des rires dans la salle comble. Lors de la première scène, les comédiens ont sollicité le public pour une situation d’improvisation. Une situation bien trop simple au goût de Matthieu qui a alors demandé à l’IA de pimenter la chose. Ce qui aurait pu être une scène « ordinaire » avec un scientifique octogénaire amoureux d’un samouraï, en vacances à Bali, s’est métamorphosé en un affrontement céleste contre une entité monstrueuse d’origine inconnue. Bilan ? Bien que les situations comiques générées par l’IA proviennent souvent de l’incongruité de ses répliques plutôt que d’une intention délibérée de faire rire, le résultat reste indéniablement divertissant.

Une autre scène étonnante ? Un petit jeu lors duquel le public devait trouver quel comédien avait A.L.Ex dans l’oreillette. Définition du mot transparence, création d’un scénario sur la notion de transparence, déclamation d’un poème sur le thème de la transparence… Chaque comédien a démontré une imagination débordante et une interprétation telle que le public n’a pas su trouver qui était guidé par l’IA. Conclusion ? Cette expérience a souligné l’aptitude de l’IA à improviser, mais elle a également mis en lumière l’importance du ton et de l’énergie du comédien pour donner vie aux mots.

Malgré ses performances impressionnantes, A.L.Ex ne peut échapper à des critiques constructives. La principale observation porte sur la difficulté d’engager une conversation authentique avec un robot qui peut, parfois, répondre à côté de la plaque ou bien manquer de subtilité. Dans une autre séquence, l’algorithme générait plusieurs propositions de réponses différentes sur un écran et un comédien devait sélectionner les réponses d’A.L.Ex en direct, avant que celui-ci ne les prononcent. Un exercice difficile pour l’IA qui a montré des limites en matière de sarcasme ou de gestion d’une surcharge d’informations. En effet, lorsque les comédiens introduisaient du second degré ou des éléments complexes, les réponses de l’IA devenaient biscornues et perdaient leur sens. Résultat des courses ? A.L.Ex reste un partenaire d’improvisation imaginatif mais il est évident qu’aucun robot ne peut égaler le sens aigu de l’humour de l’être humain. Pour le moment…

Impro
Quelle réplique choisir ? © NeoTech

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Un spectacle qui intrigue et qui attire

Malgré les divergences d’opinion sur le sujet, l’intelligence artificielle est une technologie, aujourd’hui, inéluctable. Son intégration progressive dans nos sphères personnelles, professionnelles et culturelles témoigne de cette évolution inévitable. La preuve en est, le spectacle a affiché complet pour ses quatre dates nouméenne. IA et improvisation : « 3, 2, 1 : IMPRO » ?

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