Samedi 24 mai, l’entrée de l’Université de la Nouvelle-Calédonie bruisse d’excitation. Direction l’amphi Guy Agniel, où un public curieux et enthousiaste afflue. Et pour cause, c’est l’heure de la remise des prix de la première édition calédonienne du festival AI4GOOD. Depuis un mois, des jeunes de 12 à 25 ans planchent avec l’intelligence artificielle pour créer des jeux vidéo et courts métrages. Après plusieurs semaines de travail, il est maintenant l’heure de la restitution ET de la remise des prix.

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De l’île Maurice à la Calédonie
Il y a quelques mois maintenant, l’équipe de NeoTech était allée à la rencontre de Guénolé Bouvet,organisateur local de l’édition calédonienne afin d’en savoir un peu plus sur ce festival 2.0. Né à l’île Maurice en 2023 sous l’impulsion de Charlotte Govin, le AI4GOOD Festival est un événement international qui combine création artistique, IA et engagement sociétal. L’idée ? Donner la main à la jeunesse pour qu’elle explore les possibilités de l’IA, tout en développant un regard critique sur ses limites, ses biais et son impact environnemental.
En 2024, la Nouvelle-Calédonie rejoint l’aventure aux côtés de Madagascar, du Sénégal, de Djibouti, du Burkina Faso, des Comores, des Seychelles et bien sûr de l’île Maurice. Avec près de 150 inscrits, 40 productions soumises et 10 lauréats, cette première édition « made in Calédo » a su susciter l’intérêt des jeunes (et des moins jeunes) autour de ce sujet ô combien présent dans notre société.
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Tous ensemble, tous ensemble…
Une fois tout le monde installé en Amphi, Guénolé, en tant que chef d’orchestre de cette édition calédonienne a lancé la cérémonie. Avant de dévoiler les lauréats, il a tenu à saluer les partenaires sans qui cet événement n’aurait tout simplement pas vu le jour. Mention spéciale à l’École du Design, qui offrira aux gagnants des ateliers de formation au design numérique, et à NC la 1ère, qui diffusera les créations primées sur le petit écran. Côté soutien logistique, matériel ou financier, les professionnels se sont mobilisés et méritent un tonnerre d’applaudissements : SF2i, Shop Moi Ça, Betico, Acrofish, l’UNC, CinéCity, OPEN NC, Geocal, Skazy, la Ville de Nouméa, Stratégie Zen IT, Tealforge, Go To Be, Virgule NC et NeoTech (oui, c’est nous).


Puis, place au cœur du sujet. Car l’intelligence artificielle, qu’on l’adore ou qu’elle nous inquiète, façonne déjà nos vies. Révolution ou menace ? Les deux, sans doute. Entre promesses et paradoxes, elle soulève des questions profondes sur l’éthique, l’environnement, le libre arbitre. Et si, justement, on en faisait un outil d’émancipation pour les jeunes générations ? C’est tout l’esprit du AI4GOOD Festival, comme l’a rappelé Guénolé en guise d’introduction. Pour cette édition 2025, les participants avaient le choix entre deux thèmes : « Good Tech, Bad Tech » et « Superhero Everyday ». Mais trêve de teasing… Il est temps de lever le voile sur les créations qui ont conquis le jury !
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IA & créativité un combo gagnant ?
La compétition battait son plein du côté des créations. Premier round, les jeux vidéo. Pour concourir, il fallait créer une nouvelle visuelle, coder en python, penser un univers immersif, et surtout… tout générer à l’aide d’outils d’intelligence artificielle : musiques, images, design inclus. Une seule participation cette année, mais pas des moindres : Magali Chen, étudiante en BUT MMI, a proposé « Coral Networks », un jeu vidéo poétique et engagé, centré sur une IA inspirée des coraux. Une plongée sensorielle au croisement de la nature et du numérique.
« En pensant à la Nouvelle-Calédonie, je me suis demandée comment je pouvais intégrer un élément important pour le territoire, et j’ai pensé aux coraux. J’ai demandé à ChatGPT de me faire une comparaison entre ces deux thématiques et avec ces éléments j’ai créé mon univers en associant corail et IA » Magali, entre deux eaux

Côté courts métrages, la barre était haute. Avant même de toucher aux outils IA, les participants ont dû réaliser un storyboard, penser leurs plans, structurer leur récit. Ce n’est qu’ensuite qu’ils ont pu utiliser des IA génératives comme Runway pour les séquences animées, CapCut pour le montage, le tout sans dialogues. Résultat ? Des propositions aussi variées qu’inspirantes, réparties par tranche d’âge.
Catégorie 12–15 ans
- 3ème place : Taaroaari Aukara avec « WIFU : Connexion Active », un court où traditions et technologies se croisent dans une nature augmentée.
- 2ème place : Gabrielle Konyi avec « Le quotidien d’un héros », un hommage touchant à la figure parentale, entre justesse émotionnelle et simplicité narrative.
- 1ère place : Térence Peyrolle avec « Ramasse ! », un véritable spot anti-pollution avec un ourson ultra-déterminé qui protège nos plages comme un super-héros du tri. Pas besoin de mots : l’image et le montage parlent d’eux-mêmes.
« Ce festival, c’était l’occasion pour apprendre à utiliser les outils d’intelligence artificielle et me préparer à les exploiter plus tard. J’ai adoré découvrir comment animer une image statique… et ça m’a donné envie de recommencer ! » Térence, un jeune créatif qui mise sur l’avenir



Catégorie 16–19 ans
- 3ème place : Elise Qeeneöj, qui nous montre les gestes simples pour sauver une tortue avec « Le sauvetage en mer »
- 2ème place : Esther Kartasan avec « L’héroïne de la tribu » qui nous plonge dans l’histoire d’une femme sauvant son village menacé par un incendie.
- 1ère place : « Je ramasse, il renait » d’Ethan Crosia qui a mis en scène un plongeur qui ramasse les déchets des fonds marins pour redonner vie à l’écosystème. Simple. Beau. Puissant.



Catégorie 20–25 ans
- 3ème place : Cheyenne Regnier avec « Le minibus de l’espoir » un court-métrage tout en couleurs et en lumière, inspiré des élans de solidarité post-événement de mai 2024.
- 2ème place : Marie Rendina qui nous offre un regard sur la thématique du cyberharcèlement avec « Derrière l’écran »
- 1ère place : Louis Cazaban avec « Un geste pour demain », une proposition engagée et poétique sur la préservation des plages qui a été également récompensé par la catégorie « Coup de cœur Nouvelle-Calédonie La 1 ère ». Les tortues lui disent merci !
« J’avais déjà testé l’IA pour générer des images, mais c’était la première fois que je l’utilisais pour créer un court métrage. Je me suis inspiré de la pollution sur les plages, et j’ai choisi la tortue, un animal emblématique de la Nouvelle-Calédonie, pour porter mon message. » Louis, un jeune réalisateur guidé par son environnement.



Après avoir visionné l’ensemble des créations, une chose saute aux yeux (et au cœur). En Nouvelle-Calédonie, la jeunesse a les pieds dans le sable, mais la tête déjà tournée vers demain. Entre biodiversité, protection des océans, lutte contre la pollution ou célébration de la solidarité, les thématiques abordées cette année démontrent un engagement sincère et une créativité bouillonnante. La jeunesse calédonienne a du talent, des idées, et une vision du monde à faire entendre. Alors oui, le futur est entre de bonnes mains, n’en déplaise aux nostalgiques du « c’était mieux avant ».

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La suite au prochain épisode
Pour clôturer cette première édition en beauté, c’est l’artiste et créateur visuel Loïs Saoulo qui est monté sur scène. Spécialisé dans la production vidéo assistée par intelligence artificielle, il a partagé avec le public et les participants sa réalisation au format court métrage inspiré du mythe « Tea Kanaké ». Deux mois de création, pour un récit riche, poétique, et entièrement façonné grâce à l’IA. Loïs en a également profité pour dispenser quelques conseils pour celles et ceux qui rêvent déjà de la prochaine édition.
« Si vous voulez aller plus loin, pensez comme un cinéaste. Quand on fait une vidéo, c’est pour raconter une histoire. Il faut réfléchir à la manière de construire vos images, vos plans, vos séquences. » Loïs, créateur d’histoires
Une première édition haute en couleurs, en créativité et en promesses, qui donne déjà envie d’appuyer sur avance rapide jusqu’à la prochaine ! Et pour clore ce bel épisode, on laisse le mot de la fin à Guénolé… À vous les studios !
« Malgré un timing un peu serré, cette première édition s’est très bien déroulée. J’en retire deux grands enseignements : d’abord, il y a un véritable intérêt des jeunes pour l’intelligence artificielle générative, et ensuite, qu’on pourra faire encore mieux l’an prochain avec encore plus de liens avec les établissements scolaires et une organisation étalée dans le temps pour embarquer les jeunes du début à la fin. Cette première édition a été une très belle aventure riche en surprises et en apprentissages. » Guénolé, prêt à passer à la vitesse supérieure.

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