Hier se tenait dans la salle de conférence de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Nouvelle-Calédonie une conférence sur l’« iA ». N’en jetez plus, l’anagramme est lâchée ! Organisée en partenariat avec la société Analytics.nc représentée par Jean-Simon Chaudier, co-présentateur d’un soir en compagnie d’Isabelle Coupey, Secrétaire Générale de la CCI, cet événement rassemblait autour de deux tables rondes thématiques des personnalités emblématiques de l’île. L’occasion de faire le point sur un sujet qui habille « la vieille dame SLN », qui POC chez l’OPT, qui transforme la BCI et qui scintille chez les start-ups de la French Tech NC.
Tables rondes dans une salle carrée
« L’intelligence artificielle consiste à mettre en œuvre un certain nombre de techniques visant à permettre aux machines d’imiter une forme d’intelligence réelle ». La définition proposée par FuturaSciences.com laisse pantois et soulève d’autres questions : qu’est-ce que « l’intelligence réelle » ? Que qualifie-t-on de « machines » ? De quelles techniques parle-t-on exactement ? On aura alors vite fait d’adopter la définition vulgarisée proposée par Jean-Simon Chaudier : « L’intelligence artificielle est basée sur deux piliers principaux : le big data – comprenez une masse colossale de données informatiques -, d’une approche scientifique qui traite et relie ces données – création d’algorithmes divers et variés – visant à optimiser des process pour gagner en productivité ».
Ce mot, voire concept-valise, qui agite les plus grandes « intelligence réelles » de ce monde ne date pourtant pas d’hier ; en effet, c’est vers le mathématicien Alan Turing qu’il faut se tourner pour découvrir les origines du terme évoqué dans son livre « Computing Machinery and Intelligence ». En 1950, il met en place son fameux « test de Turing » prédestinant ainsi les machines à être de futurs êtres « pensants » et auto-apprenants. C’est alors tout un nouvel univers technologique aux applications multiples qui vient de naître et qui représentera, en 2025, un marché de 90 milliards de dollars, soit « quatre fois les montants économiques générés par l’industrie du nickel ». Un « game-changer » dîtes-vous ?
Pour l’instant, la salle frémit à l’annonce des « pionniers du soir » qui s’installent autour d’une table qui n’est pas ronde, face à une salle qui n’est pas tout à fait pleine. Philippe Gervolino, « qu’on ne présente plus », succède à Damien Revillard, chef du département Excellence Opérationnelle et Transformation Numérique à la Société Le Nickel, puis c’est au tour d’Eric Wiard, Directeur Général de la BCI et de Delphine Mallet, fondatrice de la start-up Visioon et représentante de la FrenchTech NC de rejoindre leurs acolytes d’un soir en haut de l’estrade.
De ce premier temps d’expression, on retiendra volontiers l’excellente introduction réalisée par Jean-Simon et ses exemples concrets d’applications de l’iA : Google Arts & Culture pour la caractérisation des œuvres d’art, Amazon pour sa livraison prédictive sans commande, Netlifx et son algorithme de recommandation et encore Google Duplex et ses prises de RDV chez le coiffeur. Les grandes dimensions de l’iA venaient d’être citées. Un peu de social listening, de génération de leads et de marketing automation pour boucler cette introduction puis, parole aux sages !
Des exemples d’usages concrets dans différents secteurs
La première table ronde est introduite par P. Gervolino – DG de l’OPT puisqu’il faut bien le dire à nos lecteurs ! -, qui explique que la démarche « iA » a débuté en 2018 à l’OPT et est inscrite dans la stratégie de l’opérateur des postes et télécommunication. « L’intégration de l’iA à l’OPT part d’un triple constat : l’iA est au cœur de la transformation digitale, l’iA modifie les fonctions supports, l’iA est au service de nos clients comme en témoigne notre chatbot, ou notre outil DeepKi et notre POC prédictif d’analyse de flux dans nos agences. Notre objectif : l’intégrer avec pragmatisme et humilité, étape par étape, dans une vraie démarche d’entreprise structurée en interne comme en externe. »
Damien Revillard prend ensuite la parole pour détailler la stratégie de la SLN : « ne rater aucun virage technologique pour optimiser les processus de notre chaîne de valeur autour de trois piliers stratégiques : productivité, gestion de l’énergie et valorisation de nos productions minières ». Deux mondes sont concernés par l’intégration de l’intelligence artificielle : l’usine et la mine.
Côté usine, Damien mentionne trois applications concrètes :
- Une application qui permet de faire des prédictions sur la métallurgie et donne les compositions physico-chimiques des coulées métalliques et scories,
- Une optimisation de la consommation énergétique à travers un ajustement des productions thermiques et l’intégration des énergies renouvelables,
- Une maintenance prédictive pour anticiper sur les problématiques matérielles de l’usine.
« L’iA permet à la SLN de passer d’un mode réactif à un mode prédictif pour pouvoir maîtriser nos procédés » conclut Damien.
Et le secteur bancaire dans tout ça ? Le métier de la banque, au cœur de l’économie et éminemment règlementé, est un formidable réceptacle de datas. « Tous nos métiers sont impactés par l’utilisation de l’iA et le traitement de la donnée ! » confirme Eric Wiard, avant d’ajouter que « l’iA permet de prédire les évolutions du marché afin d’adapter nos moyens, nos produits et nos services pour offrir un meilleur service à nos clients ». L’intelligence artificielle n’est pas une option mais une obligation pour de nombreuses entreprises mais il ne faut pas oublier qu’elle doit demeurer au service du client et permettre une personnalisation de l’offre en libérant du temps aux conseillers et, plus globalement, pour les relations humaines. « Pour le client, il y a de nombreuses applications : optimisation de notre relation client, dématérialisation de nos services bancaires, ou encore personnalisation des recommandations et des conseils ». Conclusion : intelligence artificielle et humain, main dans la main pour vous servir !
FrenchTech, les start-up ont le power !
Seule représentante de la gent féminine autour de la table, Delphine Mallet, portait une double casquette : celle de la « #womenintech et celle de la représentante des porteurs de projet innovants. Après un bref rappel de ce qu’était la FrenchTech NC, elle se lance dans une description « camemberesque » des utilisations de l’iA par certaines des 39 jeunes pousses innovantes. On cause alors de géomatique avec Insight et Bluecham, de santé connectée avec MAM Safe Connect ou encore de système d’analyse vidéo avec Visioon sans oublier les capteurs marins de L2K Innovation. Delphine retrouve ses notes, rappelle que le secteur de l’innovation doit être soutenu et redonne la parole au présentateur d’Analytics.nc.
La seconde table ronde abordera ensuite les concrétisations des applications de l’iA et l’intervention de Marc Bourotte, Data Dcientist à la BCI résonnera comme une piste de réflexion pour l’univers de la formation calédonienne : il manque cruellement de ces « moutons à cinq pattes » pour passer de la parole à l’acte, que ce soit à l’échelle des petites entreprises comme à celle des grands groupes. Dans toute cette grande messe de l’intelligence artificielle, on regrettera peut-être de ne pas avoir entendu parler d’autres acteurs qui utilisent ces technologies à (aussi) bon escient : IRD, IFREMER, CPS, Cluster Maritime… La recherche scientifique, l’une des spécificités du territoire, n’est pourtant pas en reste concernant des cas d’usage passionnants souvent orientés vers la préservation de l’environnement et/ou le développement durable sous toutes ses formes.
Vulgariser la tech, l’objectif est atteint !
De cette conférence-table ronde, on retiendra principalement qu’elle a eu le mérite d’exister et d’apporter des éléments de preuve à travers des cas d’usage. En effet, même si la thématique de l’intelligence artificielle est bien plus largement documentée sur d’autres territoires et ce, depuis bien plus de temps, il n’en reste pas moins vrai que cette technologie et celles qui lui sont associées représentent sans doute le maillon central de notre future économie globalisée.
Il faut ainsi remercier la CCI ainsi qu’Analytics.nc et les différents intervenants présents hier soir d’avoir réalisé cet exercice ô combien périlleux de vulgarisation autour d’un sujet pouvant paraître insaisissable pour la plupart de nous autres, êtres humains « low tech ».
En effet, l’iA n’est pas un phénomène de mode mais l’outil d’une réelle et profonde transformation des métiers et des usages. Ce n’est certainement pas le génial Alan Turing qui dirait le contraire. Quant à ceux qui chercheraient à appréhender le sujet de manière plus ludique, allez jeter un œil au film d’Andrew Hodges, « The Imitation Game ». Vous ne comprendrez pas pour autant ce qu’est le « big data » mais vous passerez un bon moment devant l’origine de l’histoire de l’iA. Kombucha et pop-corns bio acceptés !