Si l’illustre philosophe Pascal avait une machine à voyager dans le temps, il serait sûrement intéressé à l’idée de nous rendre visite au XXIème siècle. En effet, les innovations technologiques menées au cours de ces dernières années sont en passe de réaliser l’un des grands fantasmes de l’auteur des Pensées : les scientifiques disposent aujourd’hui d’outils capables d’observer et de manipuler l’infiniment petit. Une révolution qui porte le nom de nanoscience ou de nanotechnologies et – même si l’apparition de ces dernières est encore récente – ce monde infinitésimal trouve déjà des applications extraordinaires dans tous les domaines de notre quotidien : électronique, textiles, cosmétiques, armements, matériel sportif…
La santé et la médecine n’échappent pas à cette « nano » dynamique : nanomédicaments, imagerie via des nanoparticules, nanobiomatériaux et nanorobots à base d’ADN… On vous explique comment les nanotechnologies vont transformer le monde de la santé !
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Révolution nano et médecine : quelques éléments de contexte
Un nanomètre (10-9 m) correspond environ à la distance entre deux atomes. On parle alors d’un millionième de millimètre ! A titre de comparaison, une molécule d’eau mesure 0,1 nm, le diamètre de l’ADN est de 2 nm et celui d’un virus varie entre 30 et 200 nm. Les nanotechnologies, ce sont donc l’ensemble des techniques et des outils qui permettent d’interagir avec les phénomènes un peu spéciaux qui existent au niveau « nanoscopique ». En effet, à cette échelle, les particules choisissent d’opter pour le bon vieil adage « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué » en échappant aux lois de la physique classique (telles que la gravité ou la vitesse de déplacement proportionnelle à l’énergie déployée) pour répondre à celles de la physique quantique, encore méconnues…
Dès lors, on comprend que l’intérêt principal des nanotechnologies n’est pas tellement d’être composées d’éléments ou de matériaux cinquante mille fois plus petits que le diamètre d’un seul de nos cheveux, mais bien de revêtir des caractéristiques (sur le plan mécanique, thermique, chimique, électrique etc.) différentes de celles qui régissent notre univers. Appliqué au domaine de la biologie humaine qui est régie par des phénomènes moléculaires, on arrive à tout un tas d’applications idéales pour les nanotechnologies. Grâce à ces dernières, on peut miniaturiser des dispositifs pour développer une nouvelle génération d’outils de diagnostic, rendre les soins plus performants, reconstruire des tissus ou des organes ou encore parvenir à de nouvelles innovations médicamenteuses. Petit tour d’horizon choisi de ces applications !
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Du diagnostic aux traitements : des applications déjà nombreuses
Commençons par le domaine de l’imagerie médicale. De nombreuses techniques d’imagerie reposent sur l’observation de l’évolution de produits dits de « contraste » injectés dans l’organisme. On utilise alors le plus souvent différents agents – comme des isotopes radioactifs – pour permettre cette observation. Or, les nanoparticules représentent justement une alternative intéressante en permettant d’améliorer la résolution et la spécificité des images obtenues, tout en étant mieux tolérées par l’organisme. Des propriétés déjà exploitées par ce que l’on appelle l’imagerie par résonance magnétique, plus connue sous son petit nom d’IRM. D’autres applications sont toutefois en développement pour mieux comprendre différents processus à l’échelle de nos cellules grâce à… des nanorobots à base d’ADN ! Le projet semble digne d’un scénario de science-fiction, mais c’est pourtant le projet très sérieux des chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de l’Université de Montpelier.
Au-delà des outils et process de diagnostic, ce sont également les traitements qui sont concernés par notre révolution « nano ». Au début du XXème siècle, le scientifique allemand Paul Ehrlich nous livrait sa théorie d’une « balle magique », inventée un jour pour être spécifiquement dirigée et active contre les agents infectieux au sein de l’organisme. Comme Pascal, son fantasme peut désormais être considéré comme une réalité, grâce à la vectorisation hyper précise des médicaments permise par les nanotechnologies. On parle alors de nanomédicaments. Ces derniers, mis sur le devant de la scène en 2020 avec les vaccins à ARN messager contre la Covid, consistent en une molécule thérapeutique contenue dans une particule qui protège le principe actif du médicament contre sa dégradation. Contrairement à un médicament classique, les nanomédicaments ont l’avantage de produire une action plus ciblée avec, a priori, moins d’effets secondaires. Historiquement utilisés contre les cancers, les scientifiques cherchent aujourd’hui à améliorer leur efficacité et à diversifier leur champ d’action.
Enfin, la nanomédecine régénérative offre aussi le moyen de restaurer des fonctions ou des tissus : par exemple, des implants sous-rétiniens ont été développés à partir de nanofils de dioxyde de titane revêtus de nanoparticules d’or afin de mimer les fonctions des photorécepteurs naturels de l’œil. Ils sont implantés chirurgicalement à la place de ces derniers, situés à l’arrière de la rétine. Des tests concluants ont ainsi été réalisés sur des souris aveugles. Affaire à suivre…
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Nanotechnologies et santé : l’épineuse question éthique
Bien évidemment – et à mesure que les applications des nanotechnologies se multiplient – la société civile se doit de poser la question des risques induits sur la sécurité des êtres vivants et de l’environnement. L’Agence Européenne du Médicament (EMA) a ainsi récemment émis quelques réserves à l’égard de cette révolution médicale : « Le rythme de l’innovation dans le domaine de la nanomédecine s’est accéléré de façon spectaculaire ces dernières années et […] il s’avère nécessaire de développer et normaliser de nouvelles méthodes d’essai permettant l’évaluation de la qualité et de la sécurité des nanomédicaments. ». En raison de leur complexité structurelle, l’évaluation des nanomédicaments pose des défis analytiques substantiels par rapport aux médicaments moléculaires ou biologiques.
Les nanotechnologies appliquées à notre santé et incorporées à notre organisme pose également la question plus vaste des bouleversements sociaux à venir : cette révolution médicale va-t-elle nous précipiter dans l’ère de l’Homme augmenté ? Les interfaces entre des nanorobots et nos cellules dépasseront-elles prochainement le cadre de la réparation d’une fonction altérée, bouleversant ainsi même la notion d’humanité ? Vous avez quatre heures… Même en admettant que les nanotechnologies peuvent contribuer au bien-être humain, en particulier dans les pays en développement, les effets des nanomatériaux sur l’environnement devront eux aussi faire l’objet d’une surveillance accrue. Différentes expériences ont ainsi montré qu’il était possible que des nanoparticules s’accumulent dans divers organismes, s’incorporent à des tissus vivants et remontent dans la chaîne alimentaire selon le processus bien connu de bioaccumulation. De nouveaux cadres réglementaires et juridiques, si possibles internationaux, devront donc être très prochainement à l’étude.
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Pollinisation, pollution océanique : les nanorobots à la rescousse
Vous l’aurez compris, grâce aux nouvelles techniques de diagnostic, de thérapie et de suivi des patients à l’échelle nanométrique, la médecine peut se permettre les rêves les plus fous. Maintenant que plusieurs produits sont sur le marché et qu’un certain niveau de maturité a été atteint dans le domaine médical, des gages supplémentaires de sécurité et de qualité devront être apportés. D’autant que les nanotechnologies ne se cantonnent pas au domaine médical : nous vous parlions récemment de «FAIRY», la formidable innovation d’une équipe de chercheurs finlandais. Ce nanorobot constitué de polymères mous est ainsi capable de se déplacer grâce au vent et à la lumière pour polliniser nos plantes à la place des insectes dont les populations déclinent drastiquement. Dans un registre similaire, les équipes de Yuyan Wang – chercheur à l’Institut de recherche sur les polymères de l’Université du Sichuan – ont également développé un nanorobot en forme de poisson et capable d’extraire les microplastiques des océans, luttant ainsi contre la pollution de ces milieux. Décidemment, pour le meilleur ou le pire, on n’est pas près d’arrêter la révolution nano…
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