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Terre d’innovations – Episode #14
Les Calédoniens et, plus globalement les peuples du Pacifique, ont la réputation, justifiée, d’être des « pionniers » ; voyageurs, conquérants, explorateurs mais aussi agriculteurs, pêcheurs, cultivateurs et chercheurs d’eau douce à travers les âges, les populations iliennes ont toujours été des précurseurs, forcés de s’adapter continuellement à un mode de vie complexe et évolutif. Aujourd’hui, « l’océan numérique » a remplacé les explorations en pirogues et les Calédoniens doivent désormais endosser un nouveau rôle de pionniers « d’innovateurs technologiques ».
La série « Nouvelle-Calédonie, terre d’innovations » se penche aujourd’hui vers un exemple d’innovation tout droit issue de la recherche scientifique ! Focus sur une méthode de biosurveillance révolutionnaire qui doit nous aider à mieux comprendre les dynamiques de nos écosystèmes, et donc à mieux les protéger !
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L’ADNe, un “qui est-ce ? » de la biodiversité !
Vous l’aurez compris au nom de cette méthode d’analyse scientifique des écosystèmes, l’ADN environnemental consiste principalement en l’identification d’espèces à partir de l’ADN qu’elles laissent dans leur environnement. Cette méthode s’appuie alors sur des techniques classiques de biologie moléculaire (PCR, séquençage…) mais dont les progrès ces dernières années ont été fulgurants. L’ADN étant le support universel de l’information génétique, en l’isolant et en le séquençant, les scientifiques parviennent désormais facilement à déterminer quelles espèces étaient présentes dans un milieu donné, en quelle abondance et parfois jusqu’à leurs régimes alimentaires !
Pour analyser cet “ADNe”, il faut donc déjà le prélever dans l’environnement. Cela peut se faire à partir de cellules contenues dans des sécrétions, des excrétions, des tissus perdus lors du renouvellement cellulaire ou en provenance des cadavres des individus… Différents types de milieux peuvent ainsi être échantillonnés : des milieux aquatiques, des sédiments ou même directement des milieux biologiques comme l’intestin d’un animal ! Quoiqu’il en soit, les espèces présentes dans un milieu interagissent en permanence entre elles et avec ce dernier, libérant ainsi de l’ADN. Dans certains cas, celui-ci peut être conservé dans l’environnement pendant des centaines de milliers d’années ! C’est de cette façon que des scientifiques ont pu retrouver de l’ADN de mammouth dans des sédiments contemporains, alors que l’espèce a disparu il y a 15 000 ans !
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Pour aller plus loin …
Parmi toutes les cellules et molécules qui ont été prélevées sur le terrain par les scientifiques, il faut désormais isoler et conserver uniquement les molécules d’ADN. Pour cela, les chercheurs délaissent le terrain pour retourner dans leur laboratoire ! Là, ils séparent les molécules d’ADN des autres molécules collectées dans leur filtre , comme par exemple les protéines. Ainsi, tout l’ADN présent dans l’échantillon est isolé et purifié avant de poursuivre le travail d’analyse. Une prochaine étape clé est alors le séquençage de l’ADN récupéré, ce qui permettra de comparer les séquences obtenues avec d’autres séquences déjà connues et répertoriées dans des bases de données. Pour accélérer et faciliter ce travail de comparaison, les scientifiques ont recourt à des méthodes d’analyse informatiques.
En comparant ainsi ces séquences d’ADN, il est donc possible de déterminer à quelles espèces appartenait l’ADN présent dans le milieu et donc la biodiversité de l’écosystème étudié. Pour certains milieux, cette méthode de biosurveillance s’avère de surcroit bien plus efficace et pratique que les méthodes de surveillance classiques. Dans les milieux aquatiques comme le lagon calédonien, par exemple, la biosurveillance impliquait jusqu’à présent de mobiliser des plongeurs pour recenser visuellement les espèces présentes. Or, comme vous le savez, le lagon est riche de poissons de très petite taille ou qui vivent cachés, et donc qu’il est parfois impossible de détecter à l’œil nu ! Avec l’ADNe, les scientifiques ont donc désormais accès au monde de l’invisible !
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Avec l’ADNe, la recherche passe en mode police scientifique !
La biosurveillance par analyse de l’ADN environnemental possède donc de nombreux avantages pour la recherche : elle est plus rapide, moins coûteuse – notamment en ressources humaines- et surtout plus précise pour détecter des individus ou des espèces. Une bonne nouvelle quand on sait que, ces dernières années, l’ONU a souvent mis en avant le manque de taxonomistes – les individus chargés d’identifier et classer les organismes vivants et de les regrouper en entités appelées taxons. En palliant ce problème, l’ADNe possède donc un potentiel énorme dans les stratégies de conservation appliquée !
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