Deux pépites pour un nom : Kokofoo. Fleur Alet et Soane Carré ont fait des jeux sérieux leur credo ! Tous deux issus du Programme Pépite porté par l’UNC, les deux étudiants sont entrés dans le monde de l’entrepreneuriat grâce à un concept, le « serious game« , dont ils se sont faits maîtres et qu’ils proposent désormais aux organisations calédoniennes. Rencontre avec deux jeunes entrepreneurs au parcours atypique et rafraichissant : Game ON !
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Bonjour à tous les deux et bienvenus sur NeoTech. Impossible de commencer cette interview sans vous demander de partager vos parcours avec nos lecteurs ?
Soane : Après l’obtention de mon bac je suis rentré en DUT MMI (Métiers du Multimédia et de l’Internet) en 2017 où j’ai pris goût à l’infographie et au community management. A la suite de cela, en 2019, j’ai rejoint Pépite NC et créé Kokofoo avec Fleur. Ne voulant pas arrêter les études tout de suite, j’ai poursuivi sur une troisième année de licence de « Communication et Arts Numériques » en 2020 à l’Université de la Nouvelle-Calédonie. Aujourd’hui et depuis mars, on a la chance de pouvoir être à plein temps sur Kokofoo.
Fleur : Après mon bac, j’ai fait une licence de « Biologie – Chimie ». Je n’arrivais pas à me projeter après cette licence, donc j’ai pris deux ans pour réfléchir à une réorientation, j’ai voyagé et enchaîné plusieurs petits boulots pour essayer de trouver ce qui me plaisait. J’ai fini par intégrer le même DUT que Soane en 2018, c’est là qu’on s’est rencontrés. Pendant ma deuxième année, le programme PEPITE a ouvert et on a eu la chance d’être sélectionnés pour y participer. On a officiellement créé Kokofoo en novembre 2019, et j’ai terminé mes études l’année suivante avec une troisième année de licence de développement web en alternance.
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Vous êtes issus du programme « Pépite » de l’UNC. Qu’est-ce que ce programme et en quoi vous a-t-il aidé à développer votre projet innovant ?
Le programme Pépite est le « Pôle Etudiant pour l’Innovation, le Transfert et l’Entrepreneuriat » ; c’est un programme national qui accompagne les étudiants dans la concrétisation d’un projet entrepreneurial. Nous ne savions pas par où commencer pour débuter ce projet que nous avions, Pépite nous a tendu la main et nous a guidé dans la construction de celui-ci.
Nous avons reçu des formations dans différents domaines utiles à la gestion d’entreprise, nous avons eu un accompagnement personnalisé avec des experts en droit, comptabilité… Pépite nous a fait bénéficier de son réseau, de sa visibilité et nous a même permis d’être encadrés par l’Incubateur de l’ADECAL. L’an dernier, nous avons eu la chance de remporter le Prix Pépite, une subvention d’1,5 millions de CFP apportée par BPIFrance et la BNC, ce qui nous permet d’être à plein temps aujourd’hui sur Kokofoo.
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Parlez-nous un peu de cette jeune start-up justement. Quels sont les services que propose Kokofoo aux entreprises ?
Kokofoo est une entreprise de gamification, nous proposons aux professionnels de les accompagner dans la mise en place de solutions ludiques. Concrètement, nous créons des “jeux sérieux” qui ont pour objectif l’amélioration des processus de management, de communication et de marketing.
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Les serious games sont désormais utilisés dans les plus grandes entreprises mondiales. En quoi la gamification a-t-elle transformé le management ?
Le management, c’est toujours se demander comment utiliser au mieux ses ressources humaines sur ses différents projets, mais pas forcément essayer d’en tirer le meilleur. C’est ce que font les serious games : ils poussent les participants à donner le meilleur d’eux-mêmes car l’accomplissement d’une tâche professionnelle devient un accomplissement personnel.
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Quelles sont les applications concrètes des serious games en termes de marketing et communication ?
Le but d’un serious game est d’impliquer son public cible. Repenser le parcours client d’un magasin de manière gamifiée rendra l’expérience de shopping fun et agira sur plusieurs points : attirer du monde, augmenter le panier moyen et fidéliser les clients. Communiquer est de plus en plus difficile car on est envahi par les informations à notre époque ; utiliser un jeu permet de capter l’attention, de faire réfléchir et donc de mieux transmettre le message.
Pour donner un exemple, nous avons le « Crazy Run » de Media Markt. Après un tirage au sort entre de nombreux participants, le gagnant a 100 secondes dans un magasin pour ramasser le plus de produits qu’il peut et remporter ce qu’il a pu récolter. Cette course dans le magasin est filmée sous pleins d’angles différents et énormément médiatisée sur les réseaux sociaux, ce qui attire encore plus de joueurs.
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En quoi ces nouvelles techniques d’implication des collaborateurs ont-elles des répercussions sur la productivité d’une entreprise ?
Le principe de la gamification et de créer de la motivation intrinsèque pour chaque collaborateur. La finalité ne change pas mais les moyens pour y parvenir oui. Les joueurs ne comptent pas les heures qu’ils passent sur un jeu, mais les employés comptent leurs heures et font rarement plus ou sont rarement à 200% car cela ne leur apporte aucune satisfaction personnelle. En changeant ces règles, en leur donnant une motivation personnelle dans leur travail, alors nous pouvons être sûrs qu’ils se donneront plus et plus longtemps. Le tout est de cibler le besoin de chacun.
Le jeu permet également de prendre confiance en ses capacités, de développer ses compétences et d’exprimer sa créativité : avec le jeu adapté, chacun peut s’épanouir au travail et devenir une meilleure version de lui-même.
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Quels sont, à ce jour, les partenaires qui vous ont fait confiance et qu’avez-vous développé pour eux ?
Notre premier gros projet a été de créer un jeu permanent de type “escape game” pour le Musée de la Mine de Thio. Il permet aux visiteurs de découvrir le musée d’une nouvelle manière et de dynamiser le parcours client pour attirer un public différent.
Nous avons créé une animation pour les fêtes de fin d’année au Musée Maritime l’an dernier, et nous travaillons encore avec eux cette année à la mise en place d’un jeu permanent.
Nous travaillons beaucoup avec l’Université de la Nouvelle-Calédonie, nous avons animé plusieurs ateliers et événements avec eux. En mai cette année, nous avons créé des dispositifs ludiques pour accompagner une exposition de l’Université sur les inégalités homme-femme. Le but était d’interpeller les étudiants, de leur permettre de s’approprier les informations en devenant acteurs de l’exposition. Si je vous dis, en Nouvelle-Calédonie, les femmes gagnent jusqu’à 15% moins que les hommes, ça peut être difficile à visualiser. Si vous tournez deux sabliers de durées différentes, qui montrent en combien de temps un homme et une femme gagnent 1000 francs en Nouvelle-Calédonie, c’est tout de suite plus parlant !
Nous travaillons également régulièrement avec la Mairie de Nouméa sur leur communication et leurs méthodes de sensibilisation.
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Sur votre site, vous avez installé un chatbot par l’intermédiaire d’un plugin « Wix ». En quoi ce chatbot est-il un outil pertinent d’accompagnement des internautes ?
En effet, sur le site de Kokofoo, un chatbot accueille les visiteurs. Nous avons instauré cet outil pour faciliter les échanges avec les visiteurs qui souhaitent simplement un renseignement de facon anonyme ou sans avoir à envoyer un mail ou à appeler. Une fois la discussion lancée, c’est nous qui reprenons la main ; cela nous permet d’être très réactifs et d’avoir un échange plus spontané.
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Question décalée : si vous deviez créer un serious game pour accompagner NeoTech dans son développement et sa communication, sur quel format partiriez-vous ?
Houla, pour ça, il nous faudrait plusieurs jours de réflexion ! En fait, tout dépend de l’objectif ; par exemple, si le but est d’acquérir plus de lecteurs, il faudrait attiser leur curiosité dans un jeu grandeur nature qui leur ferait découvrir ce nouveau média.
Si on veut engager la communauté déjà présente, nous pourrions partir sur un jeu en ligne participatif qui permettrait aux lecteurs de s’exprimer sur les articles postés.
Si on veut au contraire créer plus d’articles, on pourrait créer un jeu de rôle qui développerait l’imagination et rendrait plus fun la phase de rédaction.
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Dernière question : vaut-il mieux jouer sérieusement ou considérer le travail comme un jeu ?
Soane : Pour moi, il n’y a pas de choix à faire, cela vient naturellement. Par exemple, les jeux vidéos sont d’excellents jeux pour s’amuser, mais certaines personnes en ont fait leur métier. Ils participent à des tournois régionaux voir mondiaux, ils coachent d’autres joueurs, sont influenceurs sur des plateformes de streaming. Ces personnes prennent très au sérieux les jeux auxquels ils jouent.
Considérer le travail comme un jeu est une question très subjective au final car cela dépend vraiment de chacun. Pour ma part, je dirais que du moment qu’on s’amuse dans notre travail, nous pouvons le considérer comme un jeu.
Fleur : Jouer sérieusement… au travail ! Jouer à un jeu, c’est s’épanouir en découvrant un univers, en agissant au sein de celui-ci, en prenant des décisions, en respectant un certain nombre de règles et de codes tout en ayant le droit à l’erreur. Je ne sais pas ce que je ferai dans 5, 10 ans, mais si un jour mon travail ne me permet pas de faire ça, je ne risque pas d’y rester longtemps ! Pour moi, on devrait considérer notre vie comme un jeu, être plus proactifs et avoir moins peur des conséquences de nos choix car, souvent, la peur de l’échec nous pousse à ne pas vouloir essayer.
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