Sur les hauteurs de Port Plaisance siège une entreprise bien connue de chaque Calédonien : l’OPT. “L’Office” est un acteur majeur du développement numérique du territoire à travers son activité regroupant trois métiers que sont les télécoms, le postal et les services financiers. L’occasion était trop belle : NeoTech est allé interviewer son Directeur Général, Philippe Gervolino, qui a accepté de répondre à toutes nos questions avec pragmatisme et humilité, un oeil tourné vers l’avenir…

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Bonjour Monsieur Gervolino ; pourriez-vous résumer l’année 2020 de l’OPT à nos lecteurs ? 

Bonjour NeoTech. Voici une rétrospective de l’année 2020 que je peux partager avec vos lecteurs ; quelques chiffres clés tout d’abord : le CA de l’OPT-NC s’élève à 24,7 milliards (CFP) pour 2020, ce qui constitue une baisse de 5% par rapport à 2019 sur les trois métiers « Télécom, Postes, Services Financiers ». Les charges s’élèvent à 23,6 milliards en baisse de 1%. Le résultat net se situe donc aux environs de 1,1 milliard, dont 75% seront à la Nouvelle-Calédonie, comme l’année passée, soit plus de 800 millions. Par ailleurs, l’OPT-NC a engagé 5,7 milliards d’investissements autofinancés sans apport externe. Ainsi, l’OPT-NC est une des rares entités publiques dans le paysage calédonien qui est aujourd’hui un centre de profit pour la Nouvelle-Calédonie et qui s’autofinance.

L’année 2020 a été marquée par la crise sanitaire. L’OPT-NC a su répondre présent par rapport à la COVID en accompagnant les démarches de télétravail ou encore de continuité pédagogique. L’effort se poursuit aujourd’hui avec la démarche de vaccination sur laquelle nous sommes mobilisés. Nous avons aussi été présents au travers de nos actions auprès d’acteurs comme la Banque Alimentaire car c’était également une situation encore plus difficile pour les plus démunis. Nous avons su être réactifs dans ce contexte de crise et présents sur plusieurs fronts !

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Pouvez-vous nous parler du fonctionnement économique actuel de l’OPT ? 

Parler de l’avenir de l’OPT-NC nécessite de porter une réflexion sur l’avenir des trois métiers de l’Office. Je sais que l’approche de Neotech est principalement centrée sur le numérique et les Télécoms mais l’OPT-NC, c’est également deux autres métiers : le Postal et les Services Financiers. J’ajoute que nous portons aussi d’autres activités qui sont peut-être un peu moins connues comme la gestion du réseau de sécurité en mer, le renouvellement du réseau de sécurité terrestre, de la sécurité civile, ou encore la gestion des noms de domaines Internet « .nc ».

Le modèle économique de l’OPT-NC est bien particulier et suscite des réflexions : la rentabilité de l’établissement repose sur un seul métier, celui des Télécoms. La Nouvelle-Calédonie a confié à l’OPT-NC la gestion du service public des télécommunications, ce que l’on appelle le monopole des Télécoms qui permet de dégager environ 5 milliards de résultats par an. Le service postal et les services financiers, c’est deux fois deux milliards de pertes par an ! Le résultat des Télécoms permet donc d’assurer le maintien, la continuité et le développement des services publics postaux, des réseaux d’agences, des services financiers ou encore de la poste Mobile sur tout le territoire. L’OPT-NC, fort de ses 1200 agents, propose un service de proximité sur l’ensemble de la Nouvelle-Calédonie.

Un CA de l’OPT-NC qui s’élève à 24,7 milliards (CFP) pour 2020 © OPT NC

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Quelle est votre vision stratégique pour l’OPT et comment se décline-t-elle dans le futur ? 

La vision stratégique de l’OPT-NC ne peut pas être dissociée de celle de la Nouvelle-Calédonie.

L’OPT-NC s’inscrit dans les grands enjeux de la société calédonienne, que ce soit concernant le développement économique, l’aménagement du territoire, le développement du numérique, l’inclusion des populations, etc. Notre organisation est un outil de la Nouvelle Calédonie. Les actionnaires de l’OPT-NC, ce sont tous les Calédoniens à travers le Gouvernement de la Nouvelle Calédonie. Nous sommes un établissement public de la Nouvelle-Calédonie.

La question principale et sous-jacente à celle de l’avenir de l’OPT-NC est celle de l’ouverture à la concurrence ou non du marché des télécommunications en Nouvelle-Calédonie. Sur ce sujet, le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie (GNC) a engagé une réflexion et des études depuis 2018. 

Ainsi, une étude sectorielle des télécommunications qui propose différents scenarii d’évolution du modèle des télécommunications a été menée par le GNC  avec un double regard : l’impact des scénarii sur la Nouvelle-Calédonie et sur l’OPT-NC.

Du côté de l’OPT-NC, nous avons également engagé, sous le pilotage et avec la validation de notre conseil d’administration, un gros travail sur notre nouveau plan stratégique « Construire demain ». Ce travail prospectif est exécuté dans un contexte comportant beaucoup d’incertitudes, pas uniquement au niveau de l’OPT-NC mais aussi au niveau de la Nouvelle Calédonie bien sûr.

Pour nous aider à mener cette réflexion stratégique, nous avons retenu le cabinet international Roland Berger. Nous allons mener ces travaux de manière resserrée dans le temps : le chantier a débuté en mai et devrait se terminer d’ici octobre 2021 par la validation des orientations par nos instances de décisions. Ce n’est pas un travail en chambre, loin de là ! C’est un travail qui sollicite l’ensemble des salariés de l’OPT-NC et les instances représentatives du personnel mais également l’ensemble des acteurs de la Calédonie comme le Gouvernement, le Congrès, les groupes politiques par le biais d’interviews et de rencontres multiples.

Le devenir de l’OPT-NC va donc se dessiner au travers des études que mènent le gouvernement et de celles menées en parallèle par l’OPT-NC afin d’apporter l’ensemble des éléments de validation aux décideurs. Rappelons encore une fois que l’OPT-NC est un outil de la Nouvelle-Calédonie et que le conseil d’administration aura à se prononcer, tout comme le GNC et le Congrès.

Il convient de ne pas oublier que la question de l’ouverture du marché des télécommunications pose la question des conséquences sur l’ensemble des missions portées par l’Office.  Je résume ainsi le périmètre de la réflexion qui doit être menée par un ensemble de questions : quelles politiques publiques en matière de Télécom ? En matière postale ? En matière de services financiers ? En matière de services de proximité via nos agences ?

Enfin, ma conviction personnelle est que, quel que soit l’avenir de l’OPT-NC et quelle qu’en soit la forme, l’OPT-NC aura toujours un ADN de mission de service public parce que c’est vraiment quelque chose qui est au cœur du fonctionnement quotidien des 1200 personnes qui composent notre organisation. Cet ADN est d’ailleurs bien illustré par la campagne de communication actuelle portée par le hashtag « #OeuvrerPourTous ».

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Quelle est la place de l’OPT dans l’écosystème numérique calédonien ? 

Bonne question ! En effet, parmi les éléments fondamentaux qui seront à prendre en compte dans le prochain plan stratégique, celui de la place que l’OPT-NC devra avoir dans l’écosystème calédonien est important.

Aujourd’hui, l’OPT-NC est un acteur totalement impliqué dans le numérique au travers du développement de ses réseaux mais également dans le développement de la gouvernance du numérique. Ainsi, l’OPT-NC est membre du cluster numérique OPEN NC, membre et financeur de l’Observatoire du Numérique NC et de la French Tech Nouvelle-Calédonie, partenaire du projet de la Station N porté par le gouvernement, membre de la Fondation de l’Université NC et nous avons été mécène principal de l’Université pour la création du pôle Sigma.

De plus, l’OPT NC est également un partenaire de longue date de la CCI et des syndicaux professionnels sur les actions qui concernent le numérique et les nouvelles technologies, mais aussi le développement économique.

A travers ces partenariats, financements, collaborations et soutiens, nous occupons ainsi une place de premier ordre pour le développement du numérique sur notre territoire. 

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En quoi l’OPT supporte-t-il également l’innovation et le développement économique calédonien ? 

Si je prends le cas de la CCI NC, nous mettons à disposition notre plateau de formation « fibre » de Ducos et nos formateurs de manière à ce que la CCI puisse former des entreprises qui seront de potentiels sous-traitants de l’OPT-NC ou d’autres entités en répondant à des appels d’offres dans ce domaine.

En matière de développement économique, nous sommes partenaire d’ITIIP, de l’ADIE ou encore d’Initiative NC, qui contribuent à une approche diversifiée et inclusive du modèle de société calédonienne. 

Nous sommes également membre du pôle Innovation de l’ADECAL Technopole dont j’ai été le Président du jury pendant plus de deux ans. Nous avons signé récemment un partenariat avec l’Adecal Technopole pour contribuer au développement des start-up calédoniennes, voire comment mettre à leur disposition des profils compétents dans le domaine du marketing ou dans le domaine technique par exemple, mais aussi définir des offres tarifaires adaptées aux start-up dans le domaine Télécom (accès Internet, offre mobile) ou encore du postal.

Enfin, nous sommes aussi présents dans la transformation énergétique : nous nous inscrivons pleinement dans le STENC et le schéma de d’Ecomobilité NC.

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Les politiques RSE / RSO (Responsabilité Sociétale des Organisation / Entreprises) sont également un sujet clé au sein de l’OPT. Comment abordez-vous ces problématiques ? 

Notre démarche couvre un axe « sociétal », un axe « numérique éthique » (usage des réseaux sociaux en partenariat avec le Vice-rectorat par exemple, e-inclusion (etc.) et un axe « environnement ». 

OPT NC
#oeuvrerpourtous © OPT NC

Concernant l’axe sociétal, nous sommes, entre autres, actifs dans l’accompagnement de l’écosystème sportif calédonien, dans l’accompagnement des personnes en situation de handicap, dans l’association « Les petits pansements du cœur » mais aussi dans la lutte contre les violences faites aux femmes, dans le support au plus démunis (banque alimentaire), etc.

Finalement, je dirais que nous nous inscrivons dans une vision du développement de l’OPT-NC, qui n’est certes pas « angélique » car le développement économique de l’organisation est un incontournable, mais à travers un développement responsable pour une société plus inclusive. Plus inclusive dans le monde numérique mais aussi plus inclusive à l’échelle sociétale.

Sur tous ces axes, nous ne travaillons pas seuls – cela n’aurait pas de sens… – mais aux côtés des partenaires et des acteurs qui portent ces sujets. Nous nous inscrivons systématiquement dans les grands sujets de politique publique de la Calédonie ce qui illustre encore une fois notre positionnement d’acteur de la Nouvelle-Calédonie au service des calédoniens.

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Concernant le développement des infrastructures, que pouvez-vous dire concernant le déploiement de la fibre, du projet de second câble sous-marin ou encore du déploiement de la 4G/5G qui sont des projets attendus par une grande partie de la population ?

Rappelons que les infrastructures Télécoms sont des investissements qui sont hautement capitalistiques pour pouvoir atteindre le niveau attendu par les acteurs institutionnels, nos clients et nous-mêmes. Dans l’attente de notre prochain plan stratégique, notre conseil d’administration a validé la feuille de route jusqu’à 2023 pour le déploiement du très haut débit fixe, du très haut débit mobile ainsi que la partie sécurisation domestique et internationale par câble sous-marin.

Cette feuille de route est la continuité et l’accélération de ce qui avait été déjà engagé. Nous sommes sur des orientations communes à tous les opérateurs : la fibre se déploie pour remplacer le cuivre, la 4G se déploie avec un objectif de 100% d’ici à 2023, les conditions de déploiement de la 5G sont analysées. On s’inscrit dans ces grandes tendances qui caractérisent les évolutions mondiales dans le domaine des Télécoms. Concernant les infrastructures, la nouvelle feuille de route de notre prochain plan devrait confirmer ces orientations passées.

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Et au sujet de la fibre en particulier ? 

L’OPT-NC prévoit un investissement d’environ 1 milliard CFP par an, soit 5 milliards sur la période 2019-2023. Aujourd’hui, nous utilisons deux technologies : FTTH (« Fiber To The Home ») et RTTH (« Radio To The Home ») pour les zones avec faible densité de population.

En termes de débit nos clients bénéficient de liens entre 100 Mbs et 1 Gbs. Le rythme de déploiement actuel est de 550 clients raccordés à la fibre par mois. Notre objectif est d’accélérer le déploiement et de passer à un rythme de 800 par mois. Au mois de septembre 2021 on devrait passer le 25 000ième raccordement, ce qui représente environ 40% de l’objectif global. Le plan de déploiement est prévu sur 10 à 12 ans pour une fin estimée en 2025-2026.

Ce déploiement s’appuie maintenant sur un écosystème de sociétés locales. Nous avons réussi, avec le temps, à créer cet écosystème qui bénéficie des investissements de l’Office et qui a développé de nouvelles compétences dans le domaine de la fibre. Aujourd’hui, on a une demi-douzaine d’entreprises qui travaillent sur le tirage de la fibre : c’est une vraie réussite pour la Calédonie ! Cet écosystème s’est construit et il est aujourd’hui compétent, autonome, il répond à nos appels d’offres et j’aurais même tendance à dire que demain, s’il y a de la fibre qui se tire ailleurs dans le Pacifique, nous aurions même la capacité d’exporter ce savoir-faire.

Le plan de déploiement a été construit en concertation avec les acteurs et en particulier avec les communes, les provinces, etc. Ce plan a été guidé par à la fois la recherche d’un équilibre économique, d’un critère d’utilité collective (hôpitaux, écoles, etc.) et un critère d’équilibre géographique.

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Côté couverture réseau mobile et 5G, que pouvez-vous nous dire ?

Là encore, l’investissement est d’environ d’1 milliard CFP par an, soit 5 milliards sur un période 2019-2023. 

L’objectif, c’est la généralisation de la 4G est le déploiement de la « 4G + » dans tous les lieux où le besoin est avéré, notamment dans les agglomérations. Aujourd’hui on a 440 sites mobiles en Calédonie dont 82% en 4G, dont 15% de 4G+, et le reste en 3G.

Le défi est de généraliser la 4G et le déploiement de la 4G+ pour proposer plus de débit mais aussi une couverture des zones qui sont actuellement encore à la marge. Cela suppose de créer 150 nouveaux sites sur les la période 2019-2023, soit une trentaine par an, sans compter les extensions 4G/4G+ sur les sites 3G existants. Pour information, chaque site représente un investissement situé entre 15 et 30 millions CFP.

L’un de nos autres objectifs est d’arrêter la 2G en 2023. L’intérêt pour nous est de libérer les fréquences utilisées par la 2G parce qu’elles seront réutilisées par la 5G.  Nous allons en effet expérimenter la 5G d’ici fin 2022, début 2023 de manière envisager un déploiement sur les premières zones commerciales avant fin 2023. Nous savons que la 5G est un sujet sensible et son déploiement sera effectué dans une démarche concertée avec toutes les parties prenantes, acteurs de l’écosystème numérique, associations et population. L’intérêt de la 5G est réel pour certains clients. Par exemple, via l’amélioration des débits et de la latence, la 5G permet l’arrivée de nouveaux usages dans le domaine minier ou la télémédecine.

Concernant les offres mobiles, nous proposerons, pour fin 2021 ou la rentrée 2022, de nouvelles offres avec plus de datas et des évolutions tarifaires, ainsi que, certainement, l’arrivée des premières offres de voix illimitées. Il faut savoir que ces offres illimitées sont complexes à mettre en œuvre tant que nous sommes soumis à la TPCT (taxe provinciale sur les communications téléphoniques, 5F/mn reversés aux provinces) et que nous n’aurons pas mis en œuvre la technologie de VoLTE (voix sur IP en 4G, la voix sur IP étant exonérée de taxe). Dans ce contexte, proposer des offres « illimitées » généralisées alors que nous sommes taxés sur du volume est juste impossible ! 

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Nous avons également beaucoup entendu parler du second câble sous-marin pour optimiser la sécurité et donc la stabilité du réseau. Qu’en est-il à ce sujet ? 

Le 3ème grand pilier de de la feuille de route sur le numérique concerne le bouclage et la sécurisation domestique et internationale de la Calédonie : ce sont les projets « Picot 2 » sur la partie domestique et « Gondwana 2” sur la partie Internationale vers les Fidji.

Le chantier technique avance très bien. On a finalisé l’ensemble des études. Nous déposerons les dossiers de demande d’autorisation d’occupation du domaine public à la Province des Îles et à la Province Sud au mois d’Août, de manière à ce que les institutions puissent instruire les enquêtes publiques avec les communes concernées.

On vise toujours une mise en service des câbles à la mi 2022. Au niveau investissement, c’est un projet global de 4,6 milliards CFP, dont 1,6 Milliards sur la partie domestique.

Au-delà de son objectif de sécurisation, la partie internationale avec un raccordement sur Fidji est en phase avec les démarches de la Nouvelle-Calédonie et permet de nous inscrire dans le cadre d’un développement économique régional et d’inclusion du pays dans sa région. De plus, la câble vers Fidji permet une connexion avec les trois territoires français du Pacifique puisque Wallis et Futuna est également connecté à Fidji, ainsi que la Polynésie Française via les Samoa.

Il faudra ensuite établir et formaliser des accords entre ces trois territoires français du Pacifique et leurs opérateurs pour disposer d’un lien qui représente un enjeu géopolitique et économique majeur. On pourra, par exemple, développer des usages dans le domaine de la e-santé et de la e-éducation avec Wallis et Futuna et, bien entendu, envisager un développement économique renforcé entre les nos trois territoires.

Gondwana 2, la sécurisation domestique et internationale © OPT NC

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Comment abordez-vous la thématique de l’innovation au sein de l’Office ? 

Globalement, je dirais que nous abordons ce sujet avec beaucoup d’humilité et de pragmatisme. L’OPT-NC s’inscrit dans les grandes tendances mondiales. Il ne s’agit pas pour nous d’inventer, mais il s’agit de comprendre, d’intégrer et de s’adapter. Nous abordons aussi le sujet de l’innovation en concertation et coopération avec l’écosystème. Cela a déjà été fait sur des thématiques comme le RGPD par exemple.

Ma vision personnelle de l’innovation consiste à inviter les agents de l’Office à ne pas avoir peur de changer et de s’ouvrir à l’écosystème : adopter les meilleures pratiques en tachant de les adapter à nos spécificités, détecter les talents et, surtout, ce qui n’est pas toujours simple, ne pas freiner les initiatives même si elles ne sont pas totalement encadrées ! Dans un une entité comme l’OPT-NC, il y a des règles établies mais il ne faut pas poser un carcan sur l’innovation et, au contraire, inciter au maximum les prises d’initiatives. Il faut savoir laisser un peu de champ libre à l’innovation et ne pas avoir peur, parfois, de déroger aux règles.

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Disposez-vous d’un département transverse qui pilote la démarche d’innovation ? 

La Direction des Systèmes d’Information (DSI) a engagé une démarche d’innovation structurée en son sein en libérant du temps aux agents pour participer à cette démarche. Par exemple, des travaux d’idéation sont conduits par les agents qui sont libres de travailler sur ce qu’ils veulent du moment que ce travail demeure en lien avec l’entreprise.

Sur la partie transformation numérique, nous avons structuré la démarche selon deux axes : un axe externe tourné vers le client porté par la direction générale déléguée à la performance économique (relation client) et un axe interne de transformation digitale (automatisation des processus internes et processus partenaires) porté en transversalité par mon cabinet, mais aussi par la direction générale déléguée au pilotage stratégique (gestion de la donnée, système d’information décisionnel, intelligence artificielle). En matière de transformation, la crise COVID a été un accélérateur. Par exemple, nous avons accéléré sur les processus de paiement en ligne et sur la contractualisation dématérialisée. La Nouvelle-Calédonie a aussi évolué réglementairement dans le domaine de la signature électronique ou encore du télétravail. La crise a fait bouger les lignes et pas seulement au sein de l’Office ! 

Sur l’axe externe, nous avons encore beaucoup de chantiers à mener. Nous savons que nous ne sommes pas encore au niveau des attentes de nos clients. Le développement des services et de la relation client digitale sont des objectifs de progrès majeur pour l’OPT-NC.

Sur la partie interne, nous allons disposer d’une entité qui est en cours de structuration et qui sera chargée de piloter la démarche de transformation numérique. Côté « outils », nous avons effet fait le choix de Microsoft 365 qui ouvre de nombreuses possibilités d’accélération de notre transformation numérique interne. Il nous a fallu du temps pour comprendre quelles étaient les possibilités de ce type d’outil et les implications que cela allait engendrer en termes d’organisation. Nous avons adopté une démarche pragmatique, itérative, basée sur des POCs (Proof Of Concept). Actuellement, nous sommes en train de poser la gouvernance de cette transformation numérique. 

Sur la partie « data », on a commencé par la mise en place d’un programme de système d’information décisionnel qui se déploie progressivement au fur et à mesure que nos systèmes d’information opérationnels sont consolidés ou renouvelés. C’est une démarche longue : il faut faire preuve de persévérance et y aller par étapes. Dans cette optique, nous sommes en train de travailler sur la gouvernance et sur la qualité de la donnée au travers d’un programme qui s’appelle « Ioda ».

Cette étape est fondamentale pour bâtir des innovations qui mobilisent les techniques d’intelligence artificielle comme je l’ai expliqué lors d’une récente conférence organisée par la CCI

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Pourquoi l’IA est-elle une priorité pour l’OPT ? 

Philippe Gervolino détaille l’approche de l’OPT NC en matière d’iA © NeoTech

L’IA devient incontournable pour tous nos métiers, en particulier dans les Télécoms, mais pas seulement… C’est aussi le cas sur le pôle postal ou bancaire, mais aussi au niveau des Ressources Humaines, des finances ou encore de la logistique et des moyens communs . Par exemple, nous avons mis en place un chabot « Cagou » qui répond à certaines questions de nos clients qui s’appuie sur de l’IA. Nous utilisons des outils de gestion de nos consommations électriques qui s’appuient sur de l’IA, etc. 

En matière d’IA, il s’agit maintenant de passer d’une démarche d’initiatives indépendantes à une politique d’entreprise. Nous avons utilisé la même démarche que celle adoptée avec Microsoft 365. Nous allons maintenant expliquer, décliner, oser, ce qui suppose donc de constituer une équipe en charge de de cette transformation.

Au niveau de l’IA nous partons sur des « formations-actions » avec une approche de sensibilisation et d’orientations « top-down » et une approche complémentaire « bottom-up » basée sur la recherche de talents et des démarches d’idéation comme de POCs à tous les niveaux.

Encore une fois, nous sommes très humbles et pragmatiques. Nous apprenons en faisant. Il n’y a pas qu’une réponse. Et puis, à un moment donné, l’écosystème interne, voir externe, se stabilise sur des fondamentaux, sur des pratiques communes et il devient assez naturel que l’adoption et les développements se fassent sur la base de propositions émanant du terrain. Je suis convaincu que c’est bien plus efficace comme cela, même si ça prend un peu plus de temps et même si en matière de gouvernance, c’est sans doute un peu plus compliqué parce que l’innovation vient heurter des organisations bien établies. Je ne connais pas de transformation qui se fasse totalement en douceur : il y a nécessairement des zones de friction, il faut faire en sorte que qu’elles soient limitées.

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Vous disposez de ce que certains qualifient d'”or numérique” : les datas. Comment valorisez-vous toutes vos donnés collectées ?

A ce jour, nous valorisons nos données clients en fournissant aux agences de marketing/communication des listes téléphoniques et d’adressage par exemple. Nous fournissons aussi des jeux de données en « Open Data » à travers la plate-forme du gouvernement et nous partageons de la donnée d’information géographique concernant nos réseaux via le GIE SERAIL.

Globalement, nous ne sommes pas dans une politique de valorisation externe, mais plus de valorisation interne comme dans la démarche d’IA déjà évoquée. Par ailleurs, en matière de valorisation de la donnée, il y a des contraintes réglementaires fortes qu’il convient de prendre en compte.

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De nombreux lecteurs de Neotech sont des clients. Qu’aimeriez-vous leur dire pour conclure cette interview ?

D’abord que je sais que les attentes sont fortes ! Depuis deux ans, nous réalisons une enquête récurrente de satisfaction clients grand public et professionnels. On sait qu’aujourd’hui que nous sommes attendus principalement nos basiques en termes d’amélioration de notre qualité de service et sur le développement de l’autonomie des clients au travers nos services en ligne. Le prix n’est peut-être plus aujourd’hui le sujet d’intérêt premier, même s’il le reste tout de même pour certains profils de clients.

Je souhaite aussi partager une conviction avec les lecteurs de Neotech : la Calédonie n’a pas à rougir de son niveau de développement et d’aménagement lorsqu’on le compare aux pays de la zone. Et pour finir, je souhaite encore et toujours leur dire que nos équipes sont à leur disposition et qu’il n’y a pas de sujet tabou concernant l’OPT-NC !

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