Vous connaissez très probablement Le REX de Nouméa, cet établissement emblématique qui fêtera son premier siècle d’existence dans quelques années. Le REX, c’est LE lieu de rassemblement des jeunes qui souhaitent s’épanouir artistiquement. Ce dernier est géré par l’ADAMIC. Depuis quelques temps, Nadège Lagneau a pris les rênes de ce lieu mythique. Que s’y passe-t-il, que propose Le REX, quel est son programme pour 2024 ? Nadège vous dit tout dans son interview.

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Bonjour Nadège et bienvenue sur NeoTech. Pour débuter, pourrais-tu te présenter en quelques mots toi et ton parcours ?

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Nadège devant l’objectif © Le REX Nouméa

Je m’appelle Nadège Lagneau, j’ai 45 ans et je suis originaire de Nouméa où j’ai grandi. Je travaille en tant que professionnelle et bénévole depuis plus de quinze ans dans le milieu artistique et culturel. J’ai notamment travaillé au Département Spectacle de l’ADCK – centre culturel Tjibaou mais aussi pour des grands festivals calédoniens, parmi lesquels, le Festival Femme FunkFrancofolies de Nouvelle-Caléfdonie, ou encore le festival jeune Pikinini.

En 2014, j’ai co-fondé avec Diane-Lise Daros et Jérôme Vernay la billetterie en ligne eTicket NC, la plateforme de financement participatif Wawa NC et le site Chèque Culture pour le compte de l’ADAMIC. Comme vous pouvez le voir, je suis très impliquée dans le milieu culturel associatif. J’ai notamment travaillé avec le Chapitô, et depuis 2014, j’accompagne le collectif Nyian du chorégraphe Richard Digoué via l’association Réseau MKVK dont je préside l’association. Et puis, en mai 2023, j’ai repris le poste de déléguée générale de l’ADAMIC en charge de la gestion du REX Nouméa, suite au départ à la retraite de Manuel Touraille, l’ancien directeur en poste pendant 15 ans.

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Depuis mai 2023, tu as donc repris les rênes de l’ADAMIC. Peux-tu nous présenter l’association et son rôle ?

L’ADAMIC, qui est l’acronyme pour l’Association pour le Développement des Arts et du Mécénat Industriel et Commercial, a été fondée en 2004. Depuis ses débuts, sa mission principale a été de promouvoir et diffuser les arts sous toutes ses formes, via le soutien à la pratique et la création artistique. Cela inclut la mise en valeur de sites patrimoniaux, la réalisation d’expositions, le soutien à la création artistique et à la professionnalisation des artistes.

Notre action a été significative dans le paysage culturel calédonien. Par exemple, nous avons été à l’origine de l’exposition “La Terre vue du Ciel” de Yann-Arthus Bertrand, avec une exposition géante en plein centre-ville de Nouméa, ainsi que la création du chèque culture, une initiative pionnière dans notre région pour permettre aux jeunes les plus défavorisés d’aller voir des spectacles gratuitement. De plus, nous avons institué le prix Michel Lagneau qui récompense les jeunes auteurs calédoniens émergents. Enfin, depuis nos débuts, nous avons soutenu activement la jeunesse des quartiers issue du mouvement hip-hop, en organisant des événements majeurs. C’est d’ailleurs cette expertise et cet engagement auprès de la jeunesse qui ont conduit la Ville de Nouméa à nous confier la gestion et l’animation du REX.

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La « Terre vue du Ciel » sur les grilles du jardin du Luxembourg à Paris en 2000 © Yann Arthus-Bertrand

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Depuis 2009, Le REX est géré et administré par l’association ADAMIC ? Peux-tu nous-parler de ce lieu emblématique et de sa raison de vivre ?

Depuis 2009, Le REX est sous la gestion et l’administration de l’association ADAMIC. Ce lieu est probablement la plus ancienne salle de spectacle et de cinéma encore en activité en Nouvelle-Calédonie. Il constitue de ce fait un lieu patrimonial auquel sont attachés beaucoup de Nouméens et fêtera en 2025 ses 95 ans. Il a été le théâtre de prestations d’artistes de renom tels que Johnny Hallyday, Dalida, Jacques Dutronc ou Tino Rossi. Il a attiré une large foule dans les années 60 et 70, devenant ainsi un point de rencontre incontournable à Nouméa. Au fil des années, il a également servi de salle de cinéma, notamment sous les enseignes « Central Ciné Théâtre », « Le Rex Palace » et « Le Rex ».

De nombreuses associations, dont le célèbre SCI-FI CLUB dans les années 90, ont contribué à son animation, organisant des événements mémorables comme “Les 24 heures du Fantastique”. J’étais au collège à cette époque, je vous assure que c’était vraiment “the place to be” ! Puis, en 2009, la ville de Nouméa a pris l’initiative de louer les locaux afin de proposer un programme socio-culturel destiné à la jeunesse, confiant la gestion et l’animation à l’ADAMIC. Ainsi, Le REX continue de jouer un rôle important dans la vie culturelle et sociale de la région et offre un espace dynamique et diversifié pour les générations présentes et futures.

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Une salle emblématique de Nouméa © NeoTech

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Cette ancienne salle de cinéma suit aujourd’hui quatre piliers. Quels sont-il ?

Le fonctionnement du REX repose sur quatre principes fondamentaux depuis 2009. Notre mission est centrée sur le développement des pratiques artistiques et culturelles numériques, le soutien à l’émergence de la création artistique, l’accessibilité à un public diversifié et la promotion de la cohésion au-delà des frontières. Pour atteindre ces objectifs, notre programme est articulé autour de trois axes principaux.

Tout d’abord, le pôle multimédia propose un laboratoire d’expérimentation numérique et audiovisuel, offrant des ateliers sur divers outils informatiques et des pratiques artistiques numériques telles que le montage vidéo, la création musicale assistée par ordinateur ou l’impression 3D. En complément, le lab multimédiapropose des projections de films et accueille des festivals de cinéma. Cela permet d’enrichir l’expérience culturelle des jeunes en leur offrant un accès à divers genres cinématographiques.

Ensuite, le pôle des pratiques artistiques englobe des ateliers de danse, théâtre, slam et autres formes d’expression artistique vivante ainsi que la mise à disposition de salles pour la pratique libre des jeunes artistes ou encore les résidences de troupes professionnelles.

Enfin, le studio d’enregistrement du REX, le Stud’, ouvert à l’initiative des jeunes du collectif Ina Di Street, il y a une décennie, offre un espace professionnel où ils peuvent enregistrer leurs créations musicales. Ce studio a permis à de nombreux artistes locaux de se professionnaliser. Chaque année, environ 140 titres sont enregistrés et une compilation annuelle des meilleurs morceaux est diffusée gratuitement sur YouTube, c’est la playlist INA DI REX. De ce studio sont sortis de nombreux titres de rappeurs calédoniens :  Nasty & Resa, Kuby, Chavi, Lenimirc, Solo, Fedy, ou Baby Old Mic… ils sont tous passés à un moment donné par le REX.

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Des activités par milliers ! © Le REX Nouméa

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Quels sont les programmes spécifiques ou initiatives mis en place au REX, notamment pour renforcer les compétences numériques des jeunes ? Comment abordez-vous la question de l’éducation numérique auprès des jeunes en Nouvelle-Calédonie ?

Alors, en ce qui concerne le renforcement des compétences numériques des jeunes, nous avons mis en place plusieurs initiatives au sein du pôle lab multimédia du REX. Nous proposons tout d’abord des ateliers d’initiation aux techniques informatiques et de communication qui couvrent l’utilisation sécurisée des appareils, tels que les ordinateurs et les smartphones, ainsi que la navigation sur Internet en toute sécurité. Nous offrons également des cours sur les outils bureautiques ainsi que sur l’utilisation de l’intelligence artificielle. Ce dernier sujet constitue de nouvelles compétences que nous avons récemment intégrées.

En ce qui concerne les compétences artistiques, nous sommes spécialisés dans les compétences audiovisuelles et artistiques. Nous répondons aux demandes spécifiques des jeunes. Par exemple, si un groupe de jeunes exprime un intérêt pour la composition musicale, nous mettons à leur disposition le matériel nécessaire et les formons à l’utilisation des logiciels de musique. De même, si certains jeunes montrent un intérêt pour la production de contenu audiovisuel en ligne, nous les guidons dans l’écriture de scénarios, l’utilisation d’équipements audiovisuels, la post-production avec des effets spéciaux, ainsi que la diffusion en ligne, tout en veillant à ce que le contenu soit approprié et sûr.

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Prêts pour un peu d’effets spéciaux ? © Le REX Nouméa

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Quel impact constates-tu suite aux différentes actions de sensibilisation menées ?

Depuis l’établissement du REX il y a quinze ans, nous avons constaté un impact significatif résultant des différentes initiatives de sensibilisation entreprises, notamment dans le domaine du numérique. Par exemple, nous sommes fiers d’être les seuls à offrir des formations pour obtenir l’attestation de compétences informatiques de base, telle que le B2I, qui est souvent exigée dans le marché de l’emploi. Nous accueillons un nombre important de femmes adultes, principalement des mères, qui cherchent à acquérir cette certification. Bien que cela ne fasse pas partie de nos missions initiales, nous avons répondu à une demande réelle et cela a eu un impact positif en permettant à de nombreuses femmes de trouver un emploi.

Par ailleurs, nous observons une meilleure familiarisation de la jeunesse avec les nouvelles technologies. Cependant, il reste encore des défis à relever. Malgré des études indiquant un taux de connectivité élevé de plus de 80 % dans la population générale, nous remarquons que chez les jeunes que nous accompagnons, la connectivité se fait souvent à travers des téléphones avec des cartes libertés plutôt que des smartphonesavec accès aux réseaux 3G ou 4G. Cela souligne la diversité des publics que nous rencontrons et les efforts continus nécessaires pour répondre à leurs besoins spécifiques. En résumé, bien que des progrès aient été réalisés, il reste encore des défis importants à relever dans notre mission de sensibilisation et de formation aux technologies numériques.

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En parlant de défis, lesquels rencontrez-vous dans la sensibilisation des jeunes à l’ère du numérique en Nouvelle-Calédonie, et comment les surmontez-vous ?

L’introduction de l’intelligence artificielle représente à la fois une avancée remarquable et une source de défis considérables, notamment en ce qui concerne la propriété intellectuelle. Par exemple, l’utilisation de l’iApour la rédaction de rapports de stage soulève des questions sur l’éducation à cette technologie émergente. Nous nous efforçons de sensibiliser les jeunes à ces enjeux, même si nous reconnaissons que nous sommes encore en phase d’apprentissage.

Parallèlement, nous faisons face aux défis d’une société où Internet est de plus en plus omniprésent. Les jeunes sont de plus en plus connectés aux plateformes et aux réseaux sociaux, ce qui présente à la fois des opportunités et des dangers, tels que le harcèlement en ligne et les questions de cybersécurité. Il est crucial pour eux de comprendre les implications à long terme de leurs actions en ligne, notamment en ce qui concerne la protection de leur vie privée et de celle de leurs proches.

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Quel est le programme pour 2024 ? Dis-nous en plus !

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Chaque année, nous proposons entre trois et cinq événements phares avec pour objectif principal de toucher divers secteurs de notre jeune public. Pour entamer la saison, nous organisons la Méga REX Party le samedi 16 mars. Cet événement existe depuis 15 ans et sert de vitrine pour les activités que nous proposerons tout au long de l’année. De nombreux ateliers d’initiation au théâtre, à la danse ainsi qu’un spectacle en y seront présentés. Le mouvement hip-hop, étroitement lié à la genèse du REX, sera particulièrement mis en avant. La Méga REX Party est une célébration des créations des jeunes, un événement conçu par et pour eux, qui se déroulera au REX et sera gratuit pour les adhérents.

Notre deuxième événement phare est le Motion Juice Festival, dédié aux arts numériques. Prévu sur une journée, mercredi 15 mai, ce festival est une collaboration entre l’ADAMIC, NeoTechL’École du Design avec de nombreux autres partenaires. Il s’agit de la deuxième édition de cet événement : il y aura des tables rondes, des expositions et mettra en lumière les opportunités dans le domaine des arts numériques. La soirée se clôturera par un spectacle combinant art vivant, vidéo et numérique.

Enfin, le troisième événement phare de l’année est le REX Contest, qui se tiendra le samedi 30 novembre. Ce concours amateur de danse existe depuis quinze ans et accueille chaque année entre 60 et 100 danseurs amateurs de toutes disciplines et de tous âges. L’évènement attire près de 500 spectateurs. Créé par les jeunes du REX, il est devenu une tradition annuelle appréciée de notre communauté.

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Une dernière actu à partager ?

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Une actualité à noter est notre événement “Éclats de Femmes”, qui se déroulera du 2 au 6 avril au REX. Nous avons remporté l’appel à projet sur l’égalité homme-femme, l’objectif est de mettre en lumière les jeunes femmes. Nous aurons la participation de Charlotte Mollet, une artiste plasticienne, qui dirigera la création d’une œuvre participative. Le collectif Nyian, avec le chorégraphe Richard Digoué et l’artiste Manissa Panatte, présentera  « Eclats de F’âmes » une performance dansée/médiation sur le thème de la femme. Dans le volet numérique, nous proposerons une expérience de réalité virtuelle avec l’œuvre “Alter & Go”, réalisée par l’artiste Thomas Van Peteghem, et offerte par VITAL, une association dont nous soutenons le projet « Femme Sex(e) Pose ». Cette expérience immersive vise à sensibiliser les jeunes aux différentes formes de violences faites aux femmes, en commençant par les violences verbales. C’est une initiative inédite pour nous et nous sommes convaincus que cela suscitera un grand intérêt.

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