À l’heure où l’intelligence artificielle s’invite dans tous les secteurs, certains ont fait le choix de prendre à bras le corps ces technologies. C’est en tout cas le pari qu’a fait Laurent Villeminot, entrepreneur calédonien, en lançant Titus.nc, un assistant IA conçu pour décoder les subtilités de la réglementation locale. Ingénieur agroalimentaire de formation, explorateur numérique par passion, Laurent incarne cette génération d’entrepreneurs hybrides, à la croisée du terrain et de la tech. Et chez NeoTech, on a un faible pour ces profils qui innovent là où on ne les attend pas.

Dans cette interview, il revient avec nous sur son parcours, sur la création de Titus et partage sa vision d’un avenir où les outils intelligents deviennent des alliés de choix pour les professionnels du droit, des ressources humaines… et bien au-delà.

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Bonjour Laurent et bienvenue sur NeoTech, pour commencer, peux-tu nous présenter ton parcours professionnel et nous expliquer ce qui t’a conduit à créer Titus.nc ?

Bonjour NeoTech et merci pour l’invitation ! Mon parcours est un peu atypique. À la base, je suis ingénieur en agroalimentaire. J’ai fait mes études en métropole et travaillé là-bas, puis je suis revenu en Nouvelle-Calédonie où j’ai fondé « Les Délices du Caillou ». 

C’est à ce moment-là que j’ai commencé à m’intéresser à la digitalisation. J’ai développé un premier outil interne de gestion de maintenance pour suivre l’historique des équipements, les interventions, etc. C’était une sorte de mémoire de l’entreprise. Un jour, mon expert-comptable, avec qui je travaille sur Titus, m’a demandé si je pouvais concevoir un assistant intelligent pour son cabinet. Il ne trouvait aucun outil adapté aux besoins spécifiques du territoire. C’est comme ça qu’est né Titus.nc, un assistant IA spécialisé dans le droit calédonien et les problématiques sociales et fiscales locales.

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Titus.nc est conçu pour fournir des réponses fiables et sourcées aux professionnels du droit et des ressources humaines. Quelles ont été les principales étapes de développement pour aboutir à ce produit final ?  

J’ai développé toute la plateforme technique autour de l’IA en autodidacte. Le fonctionnement est proche de ce qu’on retrouve avec ChatGPT. On pose une question, et l’outil va formuler une réponse à partir des données spécifiques qu’on lui a fournies. Mon associé, Olivier est principalement intervenu lors de la phase de validation du produit et sur les informations générées par l’outil. Ces retours m’ont aidé à affiner l’assistant pour qu’il soit vraiment utile aux professionnels.

Titus.nc
Sympa le nouvel assistant !

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Quelles ont été les principales difficultés rencontrées lors de l’entraînement de l’IA pour qu’elle comprenne et interprète correctement ces particularités locales ?

La principale difficulté, c’est justement que les IA généralistes sont entraînées sur des corpus de données très larges… et les textes calédoniens y sont très peu présents. Du coup, l’IA standard a tendance à ignorer ou mal interpréter notre contexte local.

Avec Titus, j’ai donc fait le choix d’alimenter l’outil uniquement avec des données spécifiques à la Nouvelle-Calédonie : textes de loi, conventions locales, documents officiels. L’idée, c’est que l’assistant donne non seulement une réponse, mais qu’il la source systématiquement, avec les références précises. Ce travail de fond, couplé aux retours d’experts métiers, a permis de fiabiliser les réponses.

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Titus.nc s’adresse principalement aux RH, juristes, experts-comptables et fonctions administratives. Comment ces professionnels ont-ils accueilli l’outil, et quels retours avez-vous reçus depuis son lancement ?

Aujourd’hui, Titus.nc compte environ 100 utilisateurs. Les retours sont très encourageants, notamment de la part de professionnels du droit. Quand des avocats ou des juristes, qui sont des experts du sujet, me disent qu’ils utilisent cet outil parce qu’il leur fait gagner du temps et leur fournit des réponses fiables… tu sais que tu es sur la bonne voie. Bien sûr, il faut garder en tête que cela reste une IA, donc il peut y avoir des erreurs ou hallucinations. Cela dit, les retours sont très positifs.

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Quelles sont les perspectives d’évolutions pour Titus NC ? Au-delà de la Nouvelle-Calédonie, penses-tu que Titus.nc pourrait être adapté à d’autres territoires ultramarins ou à des contextes juridiques spécifiques ?

À court terme, je travaille sur la sortie de nouveaux assistants spécialisés, notamment dans le droit minier et l’environnement, deux secteurs clés en Nouvelle-Calédonie. À moyen terme, l’objectif est aussi d’améliorer l’expérience utilisateur en ajoutant des fonctionnalités pratiques. Par exemple, permettre à l’assistant d’envoyer un compte-rendu de conversation par mail ou d’interagir avec d’autres outils métiers. Je veux aussi intégrer un système de mise en relation avec des professionnels partenaires, pour qu’un utilisateur puisse aller plus loin s’il le souhaite.

Titus.c
Un petit nouveau fait son entrée ?

Ce modèle est adaptable à d’autres territoires ultramarins qui, comme la Nouvelle-Calédonie, ont des spécificités juridiques souvent mal couvertes par les outils généralistes. Titus a été pensé comme une plateforme modulaire, donc il est tout à fait envisageable de créer des variantes pour la Polynésie, Wallis-et-Futuna… voire pour d’autres pays avec des régimes juridiques spécifiques.

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Selon toi, quels changements l’IA pourrait-elle apporter dans les métiers juridiques, administratifs et plus largement dans le fonctionnement des entreprises en Nouvelle-Calédonie et ailleurs ? 

Aujourd’hui, on voit très clairement que de nombreuses tâches dans les professions juridiques ou administratives pourraient être automatisées, voire complètement transformées.  Avec Titus.nc, l’idée n’est pas de remplacer les juristes ou les avocats, mais de leur faire gagner du temps en défrichant le terrain. Un professionnel du droit qui passe ses journées à chercher dans des textes pourrait, avec un bon outil IA, rentrer chez lui à 15h au lieu de 19h. Ça lui permet de retrouver un équilibre de vie, tout en se concentrant sur les tâches à plus forte valeur ajoutée.

Et au-delà du droit, l’IA peut aussi être intégrée dans des processus métiers, dans des entreprises. Par exemple, Titus pourrait très bien être connecté à des boîtes mail internes, traiter automatiquement certaines demandes, optimiser les workflows. Il y a un énorme potentiel d’automatisation, même dans des petites structures calédoniennes. Il faut juste réussir à faire comprendre l’utilité de ces outils, car beaucoup de dirigeants ne voient pas encore concrètement comment ils peuvent s’appliquer chez eux.

Ce qui est sûr, c’est qu’on va vers une transformation profonde du monde du travail. Alors, plutôt que de résister, il faut anticiper. Mais cela implique également de repenser nos modèles sociaux, éducatifs et politiques.

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Enfin, as-tu un dernier mot à adresser à nos lecteurs ?

Je pense que ceux qui lisent NeoTech sont déjà un peu sensibilisés, mais mon message serait : plongez vraiment dans l’IA. Testez, comprenez, apprenez à vous en servir. Ce n’est pas un gadget, c’est un changement de paradigme. Et c’est maintenant que ça se joue.

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