Vendredi dernier, la communauté scientifique du Caillou a achevé une semaine de rencontres et d’échanges autour des techniques omiques. L’ADN environnemental – ou ADNe – était également au cœur des discussions. Ce séminaire a permis de faire le point sur les projets et les perspectives mis en place à l’échelle locale. C’est la première fois que ce genre de séminaire a lieu. Au total, 97 personnes y ont pris part ; c’est bien plus que ce qu’espéraient les organisateurs du Cresica et leurs partenaires. Trois workshops, une journée sur le terrain et un ciné-débat ont été organisés.
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L’ADNe : technique omique et magique
Tous les participants ont pu développer leurs connaissances sur les potentialités offertes par ces nouvelles technologies. L’ADNe est autant une technique qui va permettre d’explorer les environnements anciens que de comprendre les interactions entre les organismes et leurs environnements. Ça va aussi permettre de pouvoir établir des contrôles de qualité de mer et des eaux pour la place d’une espèce dans la chaîne alimentaire et de détecter une espèce invasive. « L’ADNe a énormément d’applications que ce soit au niveau de la biosurveillance, au niveau de suivis environnementaux ou encore de la santé humaine » indique Claire Bonneville, ingénieur d’études à l’IRD.
Dans les workshops, des chercheurs locaux ont pu faire des interventions sur plusieurs thématiques, qui allaient des forêts jusqu’au domaine marin : un continuum de la terre à la mer. « On a aussi pu se rendre compte que ça touchait des questions relatives à l’intelligence artificielle, à la bio-informatique et au développement de nouvelles technologies et des méthodes biostatistiques« explique Fabian Carriconde, chercheur à l’IAC.
L’ADNe est en effet un excellent indicateur pour la conservation, la protection des écosystèmes, la restauration écologique, l’agroécologie, la santé humaine et environnementale… bref, pour faire un diagnostic de manière générale. Alors quels outils peut-on mettre en place autour de la thématique de l’ADNe ? Quels sont les objectifs à atteindre ?
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Workshops et brainstorming
Le premier atelier a été consacré à l’échantillonnage et à l’extraction d’ADN. « On a réalisé l’importance du partage et de la mutualisation, et ce dès les protocoles d’échantillonnage. Il est important de partager entre scientifiques dès cette étape-là parce qu’une sortie terrain pour étudier les champignons peut servir à des personnes qui s’intéressent à la leptospirose » indique Valérie Burtet, professeur des universités à l’UNC.
Le deuxième atelier tournait autour des aspects de bio-informatiques et de biostatistiques, indispensables à l’analyse et au traitement de ces données. En Calédonie, ces compétences « sont encore trop rares et sont à renforcer » explique Valérie Burtet. « Il faut donc identifier les compétences précises et nécessaires pour interpréter l’ADNe. » Pourquoi ne pas mettre en place des formations ciblées et documentées ? Elle a également évoqué la possibilité de mettre en place une infrastructure digitale pérenne, avec une base de données qui puissent être accessibles à tous.
Enfin, le dernier atelier a permis de réfléchir sur les outils et les moyens nécessaires à mettre en œuvre. Comment mutualiser l’ensemble des équipements et des outils aux bénéfices de tous ? Comment acquérir de nouveaux instruments ? Autre point dégagé : « On a besoin de ressources humaines et en particulier, dans le domaine de la bio-informatique. »
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Et après ?
Lors d’une sortie terrain, au Parc Provincial de la Rivière Bleue, les scientifiques se sont rendus compte que les collectivités comme la Province Sud avaient besoin de retours des chercheurs sur ce qui se fait notamment dans les réserves naturelles. « Ce qui nous réunit aujourd’hui c’est la santé » a dit Hugues Lemonnier, chercheurs en sciences de l’environnement à l’IFREMER.
Plusieurs objectifs : la connaissance des systèmes sur lesquels on travaille pour identifier les perturbations et pollution dans nos environnements. « On vit de la nature mais comment la rendre plus durable à travers les techniques omiques ? L’une des plus grandes thématiques aujourd’hui à l’échelle mondiale c’est la restauration. »
La santé de l’homme dépend de la santé des environnements dans lesquels il est
Hugues Lemmonier
Alors quelle est la suite ? D’abord, il faut définir un document de prospectives sur la recherche et ses déclinaisons, à destination des collectivités au premier trimestre 2024. Ensuite, réaliser un bilan du séminaire pour les équipes de la Province Sud et celles du Parc de la Rivière bleue. « On va aussi proposer des restitutions aux autres collectivités pour leur donner envie de travailler avec nous dans ces domaines-là » explique Hugues Lemmonier.
Autres projets : celui de créer un observatoire autour de ces techniques omiques avec des sites ateliers, ainsi qu’un DNA mobile. « Avoir un petit bateau ou un petit camion pour faire le tour de la Nouvelle-Calédonie pour aller échantillonner de l’ADN dans tous les écosystèmes » explique-t-il fièrement. Parmi les grands besoins identifiés aussi, la création d’une banque d’échantillons d’ADN/ARN à l’échelle du territoire et d’une plateforme de bio-informatique. Rendez-vous donc l’an prochain pour voir si les actions prévues lors du séminaire ont pu être réalisées !
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