La diction est précise, les idées claires, les questions préparées et le sourire omniprésent… Il faut aller « Au Bout du Monde » pour rencontrer Jean-Simon Chaudier et l’écouter parler de son sujet de prédilection : l’intelligence artificielle. Estimé à près de 17,3 milliards de dollars en 2020, le marché des services d’iA s’est déniché, à travers le jeune ingénieur, un suppôt angélique. Découverte du fondateur de la société « Analytics.nc » qui n’a pas peur d’affirmer qu’un « bébé est plus intelligent qu’un iA ».
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Ingénieur dans une « petite PME française »
Le Turkménistan et ses chantiers de mosquées colossales lui semblaient prédestinés ! Pourtant, après une formation d’Ingénieur Civil des Mines et quelques armes dans le secteur du « bâtiment », Jean-Simon se rebiffe : « j’ai vu des choses qui m’ont choqué dans ce secteur : on était parfois proche de l’esclavagisme moderne ». Tant pis pour les stades climatisés de la Coupe du Monde au Qatar et les liasses de « biffe » qui vont avec, le talent du jeune actif ira bientôt s’exprimer dans cabinet de conseil en stratégie et transformation d’une « petite PME française » réalisant 17 milliards d’euros de chiffre d’affaires : Capgemini.
Et oui, comme souvent quand on ne sait pas quoi faire, on se retrouve dans cette vaste zone grise qu’est le fameux « conseil ». Il commence alors à piloter des projets liés aux systèmes d’information. Restructuration des fonctions informatiques, définition de stratégies de cybersécurité aux côtés de l’ancien directeur technique de la DGSE, Bernard Barbier, puis une rapide orientation vers le conseil en iA auprès des directions métiers de grands groupes internationaux. Entre 2014 et 2020, le parcours professionnel de Jean-Simon ressemble à celui de nombreux « cerveaux » formés à la sauce des « grandes écoles » de la République.
Est-ce l’influence du cinéma américain ou celle du génial Luc Julia qui le pousse à s’intéresser de plus près à l’intelligence artificielle ? Nul ne saurait le dire mais il passe désormais le plus clair de son temps à aider ses clients à identifier et implémenter des cas d’usage autour de l’iA pour augmenter leur croissance et leur rentabilité.
Banque, pharmacie, presse, grande distribution, aéronautique… l’expérience est déjà solide lorsqu’il débarque soudain en mission chez Eramet avec deux objectifs : démontrer la valeur de l’iA sur le cœur de métier de l’industriel et aider le groupe et ses filiales à se structurer pour inscrire l’iA dans la durée. Les Mines et la Métallurgie deviennent son nouveau terrain de jeu et sa « data fonderie » de vingt personnes fait bientôt ses gammes chez la « vielle Dame ».
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Menu du jour : coup de foudre en entrée, iA en plat, greentech au dessert
« Les géologues et les métallurgistes de la SLN sont aujourd’hui formés à la Data Sceince et réalisent, par exemple, des prédictions de l’état physico-chimique de la fusion à deux jours ». Ni drehu, ni chinois, la langue utilisée est bien celle de Jean-Simon. Celle-là même qu’il tourne et retourne désormais aux oreilles de la Province Sud, de l’OPT et de la CCI. Car, entre-temps, et comme de nombreux « Zoreilles », il tombe amoureux du caillou ! Démission de fin de mission, achat d’un appartement à Nouméa la veille du second référendum, création de sa société « Analytics.nc », rien n’est désormais plus agréable que de murmurer l’iA à l’oreille des « grands » de la place, de former les talents de demain … et de profiter des trésors du territoire avec sa chère et tendre !
« Un système autonome et apprenant, capable de décrire ce qu’il se passe, de prédire un comportement, de recommander des actions et/ou d’agir », voilà pour sa définition très personnelle de l’intelligence artificielle qu’il qualifie également d’outil « bête et méchant, actuellement moins intelligent qu’un bébé humain ». N’y voyez là aucun jugement de valeur puisque « L’iA, c’est comme le nucléaire : on peut faire des bombes ou guérir le cancer. La réglementation de ses usages est donc aujourd’hui un enjeu stratégique pour les pays qui souhaitent rester maîtres de leur destin », ajoute-t-il en drapant sa pensée d’éthique et d’une note de stratégie que certains de nos lecteurs pourraient apprécier.
Il faudrait enfin plutôt parler « d’intelligence augmentée » pour éviter de tomber dans la science-fiction. La référence au livre « L’iA n’existe pas ! » est aussi transparente que devraient l’être les objectifs des entreprises qui utilisent cette technologie ! Et puis, il s’éloigne de son pain quotidien, ravi de prendre de la hauteur pour rappeler que l’urgence écologique n’attendra pas dix piges avant que nous suffoquions sous les canicules causées par le réchauffement climatique. Le projet de centrale électrique virtuelle de Tesla en Australie du Sud, la viande vegan de la startup « Nature’s Fynds » et ses steaks de bactéries fermentées ou encore le projet « Whale Sounds and AI, for everyone to explore » de Google sont autant de mentions qui témoignent de son intérêt pour les solutions greentech innovantes. En même temps, lorsqu’on sait qu’environ 80% du mix énergétique calédonien repose sur du fioul et du charbon, on se dit qu’il ne devrait pas être le seul à s’en préoccuper…
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L’iA à la sauce calédonienne
Si notre territoire, à travers certains de ses acteurs les plus innovants – SLN, UNC, IRD… -, se dote peu à peu de compétences en intelligence artificielle, et semble, au rythme des conférences et afterworks, prendre peu à peu conscience des gains de productivité que la technologie peut générer, il le doit à certains égards au travail de Jean-Simon.
Alors, fallait-il faire dans ce portrait un jeu de mot entre l’intelligence artificielle et celle, naturelle, de Jean-Simon ? J’en doute car la magie que la passion du jeune homme dégage n’a rien d’artificielle. En revanche, comme l’affirmait astucieusement un grand de ce monde : « L’intelligence artificielle se définit comme le contraire de la bêtise naturelle ». Bouclez la boucle et demandez à Siri de qui provient cette belle citation !
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