La neutralité carbone pour 2050 pour les pays de l’Union Européenne est un objectif aussi ambitieux que capital pour notre survie quotidienne. Pourtant, encore bien loin d’être atteint, il fait actuellement l’objet de discussions entre eurodéputés ; pour répondre à cette ambition, le cas des énergies marines renouvelables est observé et leurs résultats analysés. Tour d’horizon de ces énergies bleues, des technologies embarquées pour les produire et de leurs avantages et inconvénients respectifs. 

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Marées, le rôle du barrage et son impact environnemental

L’énergie « marémotrice », ça vous dit quelque chose ? Et oui, les marées ne servent pas qu’à aller mettre des bons coups de pêche, elles peuvent également servir à produire de l’énergie. Le concept est simple : un barrage construit sur l’estuaire d’un fleuve laisse filtrer l’eau de mer deux fois par jour, à marée montante et descendante. Grâce à des turbines alimentées par un générateur, on produit alors aisément de l’électricité verte. Cette technique est aujourd’hui peu exploitée puisqu’un peu plus de 500 MW de puissance seulement ont été installés à travers le monde sur un potentiel total estimé à plus de 160 GW

Comment fonctionne une centrale marémotrice ? © Planète Énergies

Côté avantage, on notera le fait que cette production d’énergie, une fois le barrage construit, n’émet aucun gaz à effet de serre. Pourtant, le coût environnemental lié à cette construction industrielle est loin d’être neutre puisqu’il s’agira de respecter ou recréer les écosystèmes en amont et en aval du barrage ! Pour lutter contre cette problématique environnementale, le développement de lagons artificiels est à l’étude. On notera également le caractère intermittent de ce système reposant sur les marées tout comme ses coûts d’installation et de maintenance très élevés. 

Pendant de nombreuses années, c’est le site français de la Rance, inauguré en 1966 par De Gaulle lui-même, près de Saint-Malo, qui a été le symbole de cette innovation technologique. Avec vingt-quatre turbines positionnées sur 750 mètres dans l’estuaire de la rivière, la production annuelle s’élève aujourd’hui à 540 GWh, soit la consommation d’une ville de 225 000 habitants. Bref, une bonne partie de la Calédonie ! Côté startup, on retiendra le projet « O2 » et sa centrale flottante ; « Orbital Marine Power » a ainsi développé une station composée de deux rotors géants de 20 mètres de diamètre reliés à une plateforme par des bras articulés de 18 mètres capables de brasser 600 mètres carrés de surface d’eau. De quoi créer sa propre marée… 

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Vagues, la houle productrice d’énergie verte

De la vaguelette d’Ouvéa aux « trous » de trois mètres de l’océan, il n’y a qu’un coup de moteur à mettre ! C’est grâce à elles que l’on produit l’énergie « houlomotrice », née des flux et reflux. Concrètement, plusieurs dispositifs technologiques ont été développés pour extraire de l’électricité de ces mouvements marins ; parmi ces techniques, on évoquera : 

  • Les colonnes d’eau oscillantes côtières : les vagues entrent dans un caisson où elles compriment de l’air qui fait tourner une turbine associée à un générateur électrique.
  • Les colonnes d’eau oscillantes immergées : des bouées sont ancrées dans les fonds marins et tanguent au rythme des vagues ; ce mouvement actionne un piston qui aspire de l’eau de mer dans une turbine qui va ensuite faire tourner un moteur et entraîner un générateur l’électricité. 
  • Les débordements de chenal : installé sur le rivage, un chenal absorbe les vagues qui enflent et débordent d’un réservoir qui se remplit peu à peu. En revenant à la mer, l’eau active les turbines et génère ainsi de l’énergie. 
  • La plateforme à déferlement : en pleine mer, les vagues franchissent un plan incliné montant et remplissent un réservoir qui se vide ensuite en actionnant une turbine. Un dispositif d’amarrage permet à l’appareil de s’orienter perpendiculairement à la direction des vagues. Ce « dragon des mers » atteint plus de 200 mètres d’envergure pour un poids d’environ 30 000 tonnes.
  • Les caissons flottants : ils sont reliés entre eux par des charnières articulées, formant une sorte de « serpent Pélamis ». Les vagues déplacent les caissons selon leurs mouvements. L’énergie est récupérée au niveau des articulations mobiles entre chaque caisson grâce à des pistons actionnant des pompes à huile sous pression.
Jean-Frédéric Charpentier présente les dispositifs d’exploitation de l’énergie houlomotrice © UVED

Si ces différentes méthodes « houlomotrices » représentent un potentiel énergétique faramineux, notamment pour celles qui sont placées en haute mer, et des rendements supérieurs à ceux produits par l’éolien marin, quelques inconvénients demeurent, au rayon desquelles la corrosion continue des matériels immergés, les problèmes de fragilité liés aux agitations de l’environnement marin et, bien évidemment, l’impact de ces installations côtières ou hauturières sur les écosystèmes environnants. 

Côté projet, on pourra distinguer la startup guérandaise et sa plateforme « Wavegem » labellisée par Solar Impulse ; cette plateforme autonome hybride de production d’énergie est destinée à alimenter des installations marines ou insulaires n’ayant pas accès au réseau électrique. Le concept ? Une plateforme ou une bouée dotée d’un convertisseur d’énergie des vagues ; ainsi, à chaque fois que les vagues font bouger la bouée, l’eau s’écoule naturellement à l’intérieur et, grâce à des tubes, elle active une turbine hydraulique à basse vitesse reliée à un générateur. Technologie brevetée, elle est actuellement le « seul convertisseur d’énergie des vagues utilisant l’eau en circuit fermé ». Cette petite plateforme embarque également des panneaux solaires pour générer une autre source d’électricité à hauteur de 20% de la production globale. Affaire à suivre… 

La construction de la bouée WAVEGEM © IFREMER

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Courants marins, une énergie intarissable ? 

On l’appelle l’énergie « hydrolienne » pour la distinguer de l’énergie hydraulique souvent associée aux barrages ; le concept demeure assez similaire, à la différence près que ce sont les courants marins du large – voir des rivières dans certains cas – qui font tourner les turbines hydroliennes et non des installations « au fil de l’eau ». Ainsi, la rotation de ces turbines marines entraîne un alternateur qui produit un courant électrique variable ensuite redressé par un convertisseur, avant d’être déplacé à terre et relié au réseau d’électricité terrestre. 

Installées dans des zones à fort courant, souvent supérieur à 4-5 nœuds et placées entre 30 et 40 mètres de profondeur, les hydroliennes produisent une énergie propre et renouvelable ; la masse volumique de l’eau est 800 fois plus importantes que l’air, les hydroliennes, plantées au fond de l’eau, sont donc plus petites et discrètes que les éoliennes. De plus, les courants marins étant globalement assez réguliers, la production d’électricité est alors prévisible et les estimations plus précises.

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Fonctionnement d’une turbine hydrolienne © Renoovo Energies

Pourtant, au rayon des inconvénients, cette technologie peut perturber la flore et la faune lors de son installation mais aussi blesser les poissons avec ses pales actives. Souvent recouvertes de peintures antifouling pour éviter la corrosion et le développement d’algues, elles peuvent également délester des biocides, nocifs pour la vie marine. On évoquera également le piège qu’elles peuvent représenter pour les pêcheurs et leurs filets et le fait que ces installations sont difficiles d’accès et donc forcément coûteuses en matière d’entretien. 

Aujourd’hui, la France est le deuxième producteur européen, derrière le Royaume-Uni, et compte bien intégrer l’énergie hydrolienne dans son mix énergétique. La filière hydrolienne compte actuellement six projets « démonstrateurs » installés sur les côtes de la Manche et sur la façade Atlantique. Actuellement, les technologies liées à la production hydrolienne sont encore en phase d’optimisation mais les acteurs espèrent convaincre l’ADEME et le Gouvernement de faire entrer la filière hydrolienne dans le prochain PPE. Avec près de 11 millions de km2 de « domaine maritime » – le 2ème plus grand au monde ! -, la France aurait tout intérêt à intégrer rapidement cette solution dans son mix énergétique. 

Pour en savoir plus, consultez le site de « Connaissance des énergies »

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Éoliennes, posées ou flottantes : la France dans le vent ! 

Le principe des éoliennes terrestres est connu de tous et déjà largement exploité à travers le monde ; le concept technologique terrestre est également applicable au domaine marin. Ainsi, deux « types » d’éoliennes marines coexistent actuellement : 

  • L’éolien « posé » : le principe consiste à poser des éoliennes sur le plancher marin, fixées sur une fondation de type mono-pieu – un seul tube métallique -, « jacket » – tour métallique de 3 ou 4 pieux enfoncés dans le sol – ou gravitaire – avec un socle pyramidal en béton posé au sol. Adapté à des profondeurs ne dépassant pas les 60 mètres, cette technologie est actuellement exploitée à grande échelle dans le monde car déjà éprouvée, plus simple et moins chère à mettre en œuvre que l’éolien flottant. 
  • L’éolien « flottant » : chaque éolienne est installée sur un flotteur qui est maintenu en position grâce à des câbles reliés à des ancres ou des corps morts posés sur le plancher marin. Cette technique permet de déployer des turbines à des profondeurs allant jusqu’à 200 mètres mais, plus coûteuse, elle fait actuellement l’objet de tests à travers des parcs pilotes.
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Différents types d’éoliennes marines © Techniques de l’ingénieur

Alors que le 10 février dernier, notre Président annonçait l’objectif d’une cinquantaine de parcs éoliens en mer en 2050, le parc éolien offshore en France compte actuellement quatre parcs pilotes flottants, existants ou projetés, quatre parcs en cours d’installation et huit parcs en projet dont trois flottants répartis sur la Manche, l’Atlantique et la Méditerranée. 

Ces dispositifs marins bénéficient d’un atout de taille par rapport au terrestre : les vents rencontrent peu d’obstacles, sont plus soutenus, réguliers et moins turbulent que sur terre. Ainsi, à puissance égale, une éolienne offshore produit jusqu’à deux fois plus d’énergie qu’une éolienne terrestre. Néanmoins, elle coûte en moyenne 30% à 50% plus cher notamment à cause des coûts d’installation, de maintenance et de réparation. Outre cet aspect économique, il faut également penser l’installation d’un raccordement entre la terre et le parc mais aussi évaluer les nuisances et perturbations sur les écosystèmes marins. L’éolien offshore est ainsi une solution technologique presque idéale pour produire une énergie propre. Reste à tester leurs résultats sur le long terme, investir dans des parcs situés dans des zones adéquates et augmenter la part de cette production verte dans le mix énergétique. 

Facile l’installation… © Siemens

Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site « Révolution énergétique »

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Température de l’eau, l’énergie thermique 

Utiliser les variations de température de l’eau entre la surface et les grands fonds pour produire de l’énergie : c’est le principe fondateur de l’énergie « maréthermique » (ETM). Pourtant utilisé depuis plus d’un siècle, ce système permet de produire suffisamment d’énergie pour couvrir les besoins des zones situées à proximité des mers tropicales. Son fonctionnement est assez simple : la chaleur de l’eau en surface est utilisée pour produire une vapeur qui agit comme un fluide de travail avant que l’eau froide, captée en profondeur, condense cette vapeur en aval d’une turbine, couplée à un alternateur, qui est mise en mouvement par la différence de pression et produit de l’électricité. La vapeur est ensuite aspirée vers un condensateur qui la reforme à l’état liquide. 

Cette source d’énergie présente plusieurs avantages ; en plus d’être inépuisable, renouvelable, écologique et disponible toute l’année (dans les zones tropicales), son installation ne présente aucun danger pour les animaux marins outre la diffusion de l’antifouling utilisé pour son entretien. D’autre part, actuellement, la mise en œuvre de ces centrales et leur exploitation demeurent très coûteuses ce qui les rend économiquement plus faible que certaines autres solutions EMR

Un petit cour d’énergie avec © Energia

Côté « pratique », des prototypes d’unités de production ayant une capacité de production de 16 MW sont actuellement exploités à la Réunion et en Martinique avant un déploiement à l’échelle industrielle. Des recherches sont notamment menées dans la centrale réunionnaise en vue de trouver des solutions pour améliorer le rendement des usines maréthermiques tout en minimisant les coûts. D’autre part, les scientifiques de la Martinique effectuent des recherches sur le bifouling dans le but d’optimiser la production d’énergie tout en évitant l’incrustation d’organismes et d’animaux divers sur les parties immergées de l’installation.

Pour en savoir plus sur le sujet, découvrez le site « Quelleénergie.fr »

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L’osmose, un phénomène naturel méconnu 

Le génie des hommes repose parfois dans la science et leur infatigable volonté de tout comprendre ; la dernière EMR présentée dans cet article repose pour sa part sur un phénomène naturel méconnu : l’osmose. Pour résumer, l’énergie osmotique est créée par le mouvement induit par cette osmose. Plusieurs méthodes permettent de produire de l’électricité grâce à ce phénomène parmi lesquelles « l’osmose à pression retardée », « l’électrodialyse inversée », « la recherche sur les membranes » ou encore « la recherche sur les condensateurs ». Autant vous le dire tout de suite, on ne rentrera pas dans les détails techniques ! 

Contentons-nous de citer quelques avantages non négligeables ; l’énergie osmotique est 100% renouvelable et repose sur le mélange « eau douce » / « eau salée » donc disponible dans de nombreux estuaires. Cette production continue et indépendante des conditions météorologiques ne rejette aucun CO2, ni autre gaz polluant mais simplement de l’eau saumâtre et les usines « osmotiques » demandent peu d’aménagement et sont très silencieuses.

Néanmoins, il existe aussi des freins à cette technologie complexe : il faut produire des membranes de (très) grande taille, les zones propices – estuaires – à l’installation des usines sont déjà très urbanisées / industrialisées et leur rendement est encore bas, ce qui effraie les potentiels investisseurs.

Bon, c’est plus clair après cette vidéo de © Christophe Bolduc, notre canadien préféré ?

 

« Si de grandes usines de production d’électricité osmotiques ne doivent pas voir le jour avant de nombreuses années, ce secteur des énergies renouvelables reste tout de même stratégique. Le potentiel mondial de cette énergie en fait un sujet de recherche très pertinent, particulièrement pour les pays dont le front de mer est important. » en conclut l’article étoffé du site « Que Choisir » . On n’aurait tort des le contredire… 

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Les EMR, des solutions technologiques d’avenir 

A l’heure où l’Europe prend de grandes résolutions, assommée par les rapports successifs du GIEC, et tente d’atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050, les énergies marines renouvelables, quelles qu’elles soient, représentent des sources d’énergies propres non négligeables. Personne n’est parfait et chacune de ces solutions présentent leur lot d’avantages et d’inconvénients. 

Nombre d’entre elles sont d’ailleurs actuellement testées à travers le monde mais leur représentation dans le mix énergétique mondial est encore bien trop faible. Alors que la Nouvelle-Calédonie travaille actuellement sur un schéma de transition énergétique pour pallier l’activité de l’industrie minière, les EMR pourraient représenter une solution d’avenir. Faire de l’océan une force et une source d’énergie infinie paraît être un pari intéressant à relever… sans faire de vagues ? 

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