Hier, à la Station N, le CNRTEC ouvrait le dixième chapitre des « Rendez-vous du Nickel » avec une thématique qui pourrait bien transformer notre futur énergétique : l’hydrogène naturel. Chercheurs et acteurs de l’industrie se sont retrouvés pour une série de mini-conférences assurées par des experts du domaine pour en savoir plus sur cette ressource qui pourrait bien rebattre les cartes de l’énergie mondiale… et peut-être même calédonienne. Entre retours d’expérience venus du Pacifique et d’ailleurs, percées scientifiques, IA pour l’exploration et décryptage des enjeux de régulation, on a ressorti nos cahiers de physique-chimie pour regarder d’un peu plus ce qui se cache derrière cette molécule !

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Un trésor sous nos pieds ?
Avant d’imaginer une Nouvelle-Calédonie branchée sur l’hydrogène naturel, encore fallait-il en revenir aux bases. L’hydrogène naturel est un hydrogène qui se forme directement dans la croûte terrestre et qui s’échappe parfois en surface à travers des anomalies géologiques. Contrairement à l’hydrogène « gris » (polluant) ou « vert » (écologique mais encore trop coûteux), l’hydrogène naturel pourrait être à la fois propre, abondant et compétitif. Et les chiffres présentés par Christophe Hecker, notre premier intervenant donnent le tournis :
- 5 600 milliards de tonnes seraient potentiellement présentes dans le sous-sol terrestre.
- En récupérer seulement 2 % suffirait à couvrir 200 ans de besoins énergétiques mondiaux.
- Une cinquantaine de projets d’exploration sont déjà en cours dans le monde.
- Plus de 800 millions de dollars investis, et des géants industriels commencent à entrer dans la danse.

Un potentiel énorme… mais encore largement sous-exploré. Comme l’a rappelé Médéric Suon en guise d’introduction, en Nouvelle-Calédonie, 2024 a été consacrée aux premières études de terrain pour mesurer l’intérêt réel de cette ressource. Et le sujet fait désormais partie des projets stratégiques du CNRTEC dans sa nouvelle programmation 2026-2028.

Pour mieux comprendre les enjeux technologiques, économiques et même géopolitiques de cette ressource, Nicolas Gonthier et Christophe Hecker, d’AVENIA, sont venus présenter le programme Earth2, une colonne vertébrale de la structuration de la filière hydrogène naturel. Leur mission ? Construire une base de connaissances solide, porter la voix de la filière auprès de la Commission européenne, publier des white papers de référence et fédérer l’écosystème à travers des événements comme H-NAT. Dans un monde où la souveraineté énergétique devient un sujet brûlant, l’hydrogène naturel pourrait bien s’imposer comme un pilier de résilience. Et si certains doutent encore, chez Earth2, la conviction est déjà largement installée.
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Hydro & inno
Nous l’aurons donc compris l’hydrogène naturel semble ouvrir un champ des possibles assez vertigineux en matière d’énergie mais encore faut-il le trouver ! Et c’est là que notre chère amie l’intelligence artificielle (qu’on ne présente plus) entre en jeu. Vincent Roche, professeur à l’Université du Mans, a présenté des travaux de recherche utilisant l’IA pour détecter automatiquement les structures circulaires à la surface du solparfois liées à des fuites d’hydrogène naturel, grâce aux images satellite et à l’apprentissage automatique. Avec une équipe de chercheur et d’ingénieurs, ils ont entraîné leur IA à distinguer différentes catégories de structures circulaires grâce à l’analyse des données Sentinel et Google Earth. Des déploiements sont en cours au Kazakhstan et en Afrique du Sud pour cartographier les anomalies pour cibler les zones favorables… sans forer au hasard. Une avancée pour réduire les coûts, accélérer l’exploration et comprendre la dynamique de ces réservoirs naturels.



De son côté, Samuel Barbier a présenté l’approche de RockyH2 qui utilise la biochimie et des modèles numériques pour optimiser la production d’hydrogène naturel, le stockage de CO2 et la récupération des métaux. Enfin, Emma Frery du CSIRO (l’équivalent australien du CNRS) est revenue sur la dynamique et la gouvernance de ce secteur. L’Australie a donné une première licence 2021 et un premier forage réussi a déjà attiré des investisseurs japonais. Chez nos voisin, la règlementation autour du forage et de l’exploitation évolue différemment en fonction des régions mais chacune s’éveille au potentiel de l’hydrogène naturel.
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Et la Nouvelle-Calédonie dans tout ça ?
Ce dixième rendez-vous du nickel l’a rappelé : la question n’est plus si l’hydrogène naturel jouera un rôle dans la transition énergétique mondiale, mais quand et où. Le monde avance vite, les technologies et le sujet sont d’actualité dans le Pacifique. Pour la Nouvelle-Calédonie la fenêtre d’opportunité est bien réelle mais une chose est sûre : la transition n’attend pas et les choix que nous faisons aujourd’hui dessineront le paysage énergétique des prochaines années. Alors oui, l’hydrogène naturel ne sera peut-être pas la solution miracle. Mais il pourrait bien devenir l’une des cartes maîtresses d’un mix énergétique plus souverain, plus propre et plus résilient.
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