Vous vous demandez sûrement pourquoi nous vous proposons aujourd’hui une interview avec un directeur artistique. Après tout, notre domaine d’expertise se trouve plutôt dans la couverture des dernières avancées technologiques et des tendances numériques. Sachez que Mathieu Fleury a mis en scène un spectacle qui transcende les frontières entre l’art et la technologie. Il explore un sujet qui captive l’attention de chacun depuis maintenant plus d’un an : l’intelligence artificielle

Dans cet entretien, plongez dans l’univers fascinant de la création artistique alimentée par la technologie et découvrez comment l’intelligence artificielle devient une muse pour les esprits innovants comme celui de Mathieu. Le spectacle “Impro I.A” se joue au Théâtre de Poche du 17 au 17 mars. Réservez votre place !

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Bonjour Matthieu et bienvenue sur NeoTech. Pour commencer, peux-tu te présenter à nos lecteurs et surtout présenter ton spectacle qui sort de l’ordinaire ?

Bonjour NeoTech, je suis Matthieu Fleury, le Directeur Artistique de la troupe de théâtre d’improvisation La Claque ! créée en 2020. Notre but est de jouer des spectacles d’impro sur des formats très variés, que ce soit du cabaret, du format long ou d’autres formes plus expérimentales.

Le spectacle Impro I.A joue sur la rencontre sur scène entre des comédiens improvisateurs et une intelligence artificielle. Le but est à la fois de voir ce qu’une IA est capable de produire en termes de créativité pure et de challenger les comédiens en les confrontant à un partenaire de jeu totalement imprévisible.

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Le dernier spectacle de la troupe La Claque ! © La Claque !

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Peux-tu nous parler du processus de création impliqué dans la mise en place de « Impro IA » ? 

Lorsque j’ai eu l’idée de ce spectacle, j’ai regardé ce qui se faisait ailleurs dans le monde. J’ai été surpris de voir que très peu de choses existaient, mais qu’une personne en particulier, Piotr Mirowski, ingénieur chez Deepmind (la filiale I.A. de Google) et également passionné de théâtre d’improvisation, avait créé une troupe appelée Improbotics, uniquement basée sur des spectacles exploitants l’IA. Et en plus, il est français ! J’ai donc pris contact avec lui, nous avons beaucoup échangé sur le sujet, et il a mis à ma disposition un outil de génération de répliques qu’il a nourri avec des milliers de fichiers de sous-titre de films. C’est un des outilsque nous utilisons dans le spectacle, mais nous avons également créé des séquences qui exploitent les capacités de scénarisation, de création de personnages, d’images, de musiques…

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Comment avez-vous abordé le défi de collaborer avec une intelligence artificielle pour créer votre spectacle « Impro IA » ? Quels ont été les défis les plus surprenants et les moments les plus gratifiants de cette collaboration artistique avec une entité non-humaine ?

Lorsque j’ai commencé ce projet, je me suis basé sur ChatGPT 3. Mais j’ai vite déchanté en constatant que celui-ci n’était pas capable de respecter mes instructions et de m’obéir durant le spectacle. Il ne respectait pas la taille de ses réponses, le fait de devoir rester silencieux, il rajoutait des commentaires… Bref, un enfant dissipé !

Mais le passage à ChatGPT 4 a réglé tous ces soucis. Je disposais désormais d’un vrai « partenaire » que je pouvais éduquer à ma convenance. J’ai pu alors lui donner un vrai rôle de co-animateur du spectacle, lui expliquer ce qu’on attendait de lui, le ton qu’il devait employer, le degré de créativité, de décalage et de folie que l’on attendait de lui. J’ai pu l’entraîner pour chacune des séquences du spectacle où on lui demande d’intervenir de façon très différente.

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Comment avez-vous navigué entre les aspects techniques de l’intelligence artificielle et la spontanéité créative de l’improvisation théâtrale ? 

Les aspects techniques sont évidemment très lourds. Il faut alterner entre plusieurs outils informatiques, plusieurs sites, différents logiciels… Il faut gérer les entrées et sorties son, en fonction de qui échange avec l’IA, et de qui doit entendre les réponses de l’IA. Sans parler de la sortie vidéo, un vrai casse-tête. Les répétitions ont été difficiles pour les comédiens car les errances techniques du début créaient énormément de bug, de pause, de silence… 

Mais mon rôle est de les préserver de cela. Alors, je ne joue pas réellement dans ce spectacle, je suis sur scène en tant que présentateur. Je gère également la couche technique, qui idéalement, doit rester invisible pour les comédiens et pour le public. Ainsi, les comédiens n’ont pas à se soucier de cela, mais juste de réagir spontanément aux propositions de l’IA. Pour cela, ces réponses doivent arriver vite, être pertinentes, et directement exploitable.

Après, il y a des bugs imprévisibles, et heureusement ! Car cela montre que l’IA n’est pas encore capable de tout. Ou du moins, que l’informatique en général reste moins fiable qu’un groupe d’humain qui improvise en toute liberté !

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Le spoiler n’est donc pas possible puisque tout est improvisé par l’intelligence artificielle ! Peux-tu nous dire quelles ont été les interactions les plus mémorables entre l’intelligence artificielle et les membres de la troupe pendant la représentation que vous avez faite en 2023 ?

Dès le début du spectacle, l’IA nous a bluffée. Lors de la première scène, le public avait choisi de démarrer par une situation simple, d’un couple dans une salle de bain : la femme fait un test de grossesse, le pose bien en évidence et le mari se met à hurler, la tension monte… C’est le moment que je choisis pour crier « stop » – ce qui fige les comédiens – et de demander à l’IA d’imaginer ce qui se passe à ce moment. Sa réponse ? « Soudain, un canard en caoutchouc géant sort de la baignoire, interrompt leur dispute et les invite à une soirée mousse improvisée. »

Les comédiens ont été tellement surpris, eux qui partaient sur une scène somme toute assez classique, ils ont dû totalement réorienter leur jeu. Quant au public, il s’attendait à tout sauf à ça !

D’autres situations ont montré qu’une foi bien entraînée, l’IA était capable de mauvaise foi, de mensonge et même d’affirmer des contre-vérités patentes. Ce qui apparaît comme inquiétant car si les IA sont capables de nous mentir sciemment, il va devenir compliqué de leur faire confiance. Cela démontre le besoin de sensibiliser les gens sur le degré de confiance à avoir dans les IA.

Et un teaser pour vous convaincre définitivement © La Claque !

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Spectacle du 14 au 17 mars au Théâtre de Poche, réservation :

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