C’est à la Station N que nous rencontrons la dynamique Manon Ramos Guerrero. Nous n’en sommes plus à notre première rencontre, puisque nous croisons Manon à la plupart des événements que peut organiser le cluster numérique OPEN NC. Chef de projet au sein du cluster. Durant cet échange, elle évoque son rôle dans la mise en place des ateliers “Les Tremplins du Numérique” BPI France. Bien installée dans la grande salle de réunion, Manon nous a parlé de sensibilisation, d’accompagnement et d’aide à la transition numérique des entreprises calédoniennes. Optimisme et détermination se dégagent de cette interview, bonne lecture !
__
Bonjour Manon et bienvenue sur NeoTech ; pour débuter notre échange, pourrais-tu te présenter à nos lecteurs et nous expliquer ton rôle au sein du cluster numérique OPEN NC ?
Bonjour NeoTech et bienvenu à la Station N. Je suis Manon Ramos Guerrero, chef de projet au sein du cluster numérique OPEN NC depuis juillet 2021. J’ai été recrutée pour mettre en place et mener à bien un programme de sensibilisation au numérique à destination des entreprises calédoniennes : « Les Tremplins du Numérique ». Merci de nous donner de la visibilité sur ce sujet !
__
Peux-tu nous présenter cet appel à projet BPI France et nous détailler l’historique de ces « Tremplins » ?
Dans le cadre du plan de relance du gouvernement français, « France Num » a décidé de lancer un vaste plan d’aide pour les TPE et PME, sur les territoires métropolitains et d’outre-mer, pour les sensibiliser au numérique. La Covid-19 a mis en lumière les retards que pouvaient rencontrer nos entreprises et ce plan de sensibilisation 100% gratuit intervient pour y pallier.
BPI France a été mandaté pour organiser des appels à projets successifs afin de trouver des lauréats qui mettraient en place ces programmes. OPEN NC a répondu pour la Nouvelle-Calédonie et a été retenu avec 20 autres lauréats. Ainsi, depuis juillet 2021, nous mettons en place « Les Tremplins du Numérique » sur le territoire calédonien.
__
Dans le cadre de ce projet, vous organisez de nombreux ateliers autour de la transformation numérique du territoire. Quels sont les thématiques de ces ateliers et à qui s’adressent-ils ?
Nous avons un consortium d’adhérents, 17 membres d’OPEN NC, qui interviennent auprès des TPE/PME sur tout le territoire calédonien pour animer les ateliers. J’insiste sur le fait qu’ils ont lieu sur tout le territoire calédonien, à Nouméa et Grand Nouméa, mais aussi à Thio, à Canala, à La Foa, et le mois prochain à Koné. C’est important pour nous d’aller à la rencontre des entreprises sur l’ensemble de la Calédonie.
Les sujets sont très vastes ! Les intervenants se sont positionnés sur une trentaine de thématiques comme la communication digitale, puisque c’est souvent ce qui intéresse le plus les entreprises sensibilisées. Nous abordons également des sujets en lien avec l’optimisation et la gestion de l’entreprise, la dématérialisation des documents, des processus de gestion des clients, des partenaires, des stocks, etc.
Certains ateliers traitent aussi du caractère réglementaire et du RGPD, puisque le numérique se dote d’un cadre juridique : la CNIL veuille au grain, même en outre-mer ! Enfin, des ateliers autour de l’IoT, de la cybersécurité ou encore du financement des projets numériques sont proposés.
L’offre est vraiment large et nous essayons de la rendre la plus complète possible. Et bonne nouvelle à ce sujet, BPI France a prolongé le programme et étendu les sujets que l’on peut traiter.
__
Sur quels formats sont basés ces ateliers et où en êtes-vous aujourd’hui en termes de résultats ?
Nous partons du principe que les entreprises ont peu de temps à allouer à leur sensibilisation numérique, et c’est bien normal ! Ce n’est pas le cœur de leur métier et ils ont déjà bien assez à gérer avec leur activité pour ne pas s’éparpiller. Notre vocation est donc de leur proposer un format court, qui va à l’essentiel : une heure de sensibilisation sur un sujet qui les concerne directement. Nous ne cherchons pas à former ces professionnels mais à les sensibiliser, à les éveiller et à les encourager à la transition numérique. Nos ateliers peuvent servir de prise de conscience des opportunités que le numérique représente pour leur entreprise. D’autres peuvent aussi être présents pour se mettre à jour sur certaines thématiques très évolutives dans le temps.
Ces ateliers suivent tous la même temporalité ; une première partie de présentation de la thématique d’environ 40 minutes pendant lesquelles l’intervenant présente le sujet. « Exit » le langage technique et le cours magistral trop théorique ! Ils ne sont pas là pour noyer les professionnels dans un flot d’informations inutiles mais pour leur apporter des renseignements condensés, des conseils concrets avec une application directe. Un temps d’échange est prévu pendant les 20 minutes suivantes. Cette deuxième phase d’échanges entre intervenant et professionnels est particulièrement appréciée : c’est lors de ces discussions que nos professionnels peuvent poser toutes leurs questions – qui sont généralement assez nombreuses ! Quand nous proposons un atelier, nous réfléchissons toujours à l’optimisation du temps pour le professionnel et comment répondre concrètement à ses problématiques quotidiennes.
OPEN NC travaille avec une dizaine de partenaires qui nous permettent de toucher un grand nombre d’entreprises. Je souhaite vivement remercier les chambres consulaires, les organisations patronales et syndicales, les groupements d’entreprises qui nous accompagnent sur ce chemin de la sensibilisation au numérique. Grâce à nos collaborations, c’est 800 sensibilisations qui ont déjà été faites sur les 1600 que nous nous sommes fixés. C’est très encourageant pour nous car nous sommes pile à mi-parcours : 14 mois d’ateliers passés et 14 mois à venir sont autant de chances de sensibiliser de nouvelles entreprises au numérique !
__
En quoi ces ateliers de sensibilisation sont-ils importants pour faciliter la transition numérique du territoire ?
J’en reviens à cette question du temps disponible pour les professionnels car c’est à mon sens, le point central qui doit être pris en compte. Beaucoup d’entrepreneurs manquent cruellement de temps et nos ateliers ont pour objectif de faciliter l’accès à l’information.
Deux configurations sont à envisager. Dans le premier cas, l’entreprise a identifié une problématique et vient à l’atelier pour découvrir comment y répondre par le numérique. Alors, l’intervenant va lui donner des pistes concrètes et l’aider à passer le cap. Dans le second cas, l’entreprise n’a pas du tout idée de ce que le numérique peut lui apporter en termes d’optimisation du quotidien, d’opportunités de business ou encore d’optimisation des ventes ; dans ce contexte, les ateliers vont servir de déclencheur à leur transition numérique.
__
Ces ateliers marquent une première étape dans l’appréhension du numérique par les TPE / PME ; est-ce qu’on pourrait imaginer que cette étape soit secondée par des modules de formation plus complets ?
À date, ce n’est pas la vocation du programme « Les Tremplins du Numérique ». Le programme est là pour sensibiliser. Nos intervenants restent disponibles en dehors de l’atelier mais nous ne sommes pas là pour former les participants.
En revanche, il existe d’autres appels à projets BPI France qui visent à faire de l’accompagnement gratuit d’entreprise, sur du plus long terme. En outre, il existe des organismes de formation sur le territoire, comme la CCI ou le FIAF et d’autres, qui ont un catalogue très complet de formations sur le numérique. Si l’objectif d’une entreprise est la formation, nous les invitons à se rediriger vers ces organisations.
__
Au regard de ton expérience à ce sujet, quelle est ta vision de l’état de la transition numérique du territoire ? Quels freins as-tu identifié pour quelles opportunités ?
Les entreprises s’intéressent de plus en plus au numérique, c’est indéniable. Ce qui est intéressant de constater, c’est que deux entreprises du même secteur d’activité peuvent avoir une maturité numérique très différente. Cet écart dans la transition numérique n’est pas un frein, au contraire, je l’identifie plutôt comme un possible cercle vertueux : on prend exemple sur le voisin et on devient un modèle à suivre pour un autre. L’émulsion qui se fait autour du numérique est très bénéfique pour le territoire.
Nous avons identifié deux typologies d’entreprises qui pourraient être concernées par la transition numérique. Prenons l’exemple d’une entreprise qui voudrait booster ses ventes auprès de ses clients. Elle sait que le numérique peut l’aider à accélérer ses ventes mais n’identifie pas le meilleur outil. Nous allons donc la diriger vers un outil CRM (gestion de relation client) par exemple. Ce qui est intéressant dans cet exemple, c’est que, outre le fait que l’entreprise va mieux gérer ses clients, l’outil numérique va lui apporter de nombreux autres bénéfices ! Elle va gagner du temps en autonomisant certaines tâches, mieux gérer sa base client et son suivi voire son SAV et tout cela va améliorer son image de marque… Le besoin exprimé est là mais l’entreprise n’avait pas envisagé à quel point le numérique pouvait l’aider sur d’autres points de son activité. Voilà le fameux cercle vertueux en marche !
Certaines autres entreprises ont identifié, elles-aussi, leur besoin mais, pour des raisons multiples, elles ne passent pas le cap. La raison qui revient le plus souvent est celle du coût de la solution numérique. Si cette raison apparaît légitime, c’est un des freins à la transition numérique car malgré le coût, les bénéfices vont être bien plus grands que l’investissement de base, si on s’en tient à notre exemple du CRM. C’est aussi notre rôle de mettre en avant ces bénéfices et d’accompagner les entreprises dans cet équilibrage. Enfin, un deuxième frein a été constaté, celui du temps. Je l’ai déjà dit mais il est l’un des éléments les plus bloquants : l’arbitrage entre le temps de production et le temps pour les formations est toujours compliqué à faire pour les professionnels.
__
Si tu devais conseiller les participants aux ateliers afin qu’ils poursuivent leur formation au numérique, quelles initiatives leur proposerais-tu ?
Quand un professionnel assiste à un atelier, il y a déjà un premier pas d’effectué. Selon moi, l’étape suivante n’est pas forcément la formation mais plutôt la définition précise du besoin. Il faut prioriser. Nous avons souvent des entreprises qui ont identifié le besoin, le meilleur outil, son déploiement, son utilisation. Pourtant, il s’avère que ce besoin n’est pas le point prioritaire pour transiter efficacement vers le numérique ! Une entreprise vient nous voir pour mettre en place un site de e-commerce : elle a un besoin, celui de booster ses ventes ; elle a le budget, elle a suivi un atelier et dispose de temps pour s’en occuper. En discutant avec elle, nous nous rendons cependant compte qu’elle gère ses clients sur des fiches papiers. Si son intérêt pour une plateforme e-commerce est tout à fait légitime, il faut d’abord passer par la mise en place d’un outil numérique de gestion des clients… Sans cela, l’entreprise risque de faire face à des problématiques de suivi des commandes, des clients etc. Cela pourrait finalement être contre-productif. Passer par une phase de définition de ses besoins est pour moi primordial avant de penser formation ou de se lancer dans l’aventure du numérique.
__
En quoi le cluster numérique est-il un réel facilitateur numérique pour le territoire et quelles actions mène-t-il au-delà de ces ateliers ?
Très récemment, nous avons lancé l’annuaire numérique de Nouvelle-Calédonie, disponible sur le site www.numerique.nc. L’idée de l’annuaire est de centraliser tous les prestataires calédoniens du numérique : avec une recherche par mots clés, par zone géographique, par secteur d’activité, vous pouvez trouver rapidement les prestataires locaux qui vont répondre à votre demande. Ce sont des fiches-contacts mises à jour directement par les entreprises que j’invite donc à compléter leur profil. Notre volonté est de faire de cet outil très ergonomique, un outil de référence pour toutes les entreprises calédoniennes. Nous sommes amenés aussi à mettre en relation nos 100 adhérents numériques avec les entreprises à la recherche d’une prestation ou d’un service.
Nous proposons aussi des diagnostics de maturité numérique pour les entreprises : en une heure de temps, on définit avec l’entreprise ses besoins, ses priorités et on lui propose différentes solutions pour y répondre. Ce diagnostic est, à mon avis, incontournable afin de ne pas se tromper dans sa stratégie. De plus, il est nécessaire pour compléter le dossier de demande d’aide financière à la transition numérique des entreprises commerciales et artisanales de la Province Sud.
Enfin, au quotidien, nous travaillons avec nos 100 adhérents au sein de commissions pour développer la filière en Nouvelle-Calédonie sur divers autres sujets. Le cluster est, à ce titre, force de propositions et d’actions grâce à ses membres et nous collaborons étroitement avec des institutions publiques. Ces groupes de travail nous permettent d’avancer concrètement sur de nouveaux projets.
__
Un dernier mot ou une actualité à partager avec nos lecteurs ?
La dernière actualité pour « Les tremplins du numérique » concerne son extension régionale ! Nous travaillons depuis quelques temps avec la CCIMA de Wallis-et-Futuna et, très prochainement, nous allons monter un partenariat avec OPEN de Polynésie française. L’idée est de proposer des ateliers tels que ceux que nous proposons ici afin que les entreprises de ces territoires bénéficient de ces programmes. Nous sommes ravis de l’orientation régionale que prend le programme. D’autant que nous avons des retours très positifs des entreprises participant à ces ateliers.
Concernant le cluster, nous travaillons actuellement sur la feuille de route de 2023, nous avons des pistes très intéressantes et l’actualité s’annonce riche !
__