Il aime autant les roussettes que les oiseaux marins. Depuis plus de dix ans, le biologiste Malik Oedin se dévoue quotidiennement pour le bien-être des espèces fragiles et menacées. À mesure que la technologie progresse, de nouvelles stratégies voient le jour pour protéger l’environnement et les espèces en péril. Parmi ces innovations, l’intelligence artificielle se distingue par sa capacité à transformer et à améliorer divers aspects des activités humaines, notamment en jouant un rôle crucial dans la sauvegarde de notre biodiversité et de nos écosystèmes.
De nombreux scientifiques l’on comprit, notamment Malik qui utilise désormais cette technologie au quotidien. Alors, lors d’un tour de la Grande Terre, la rédac’ s’est arrêtée à Kone pour discuter avec Malik de son parcours, de l’utilisation des nouvelles technologies chez les scientifiques, de sa dernière thèse récemment publiée et de sa vision du numérique en Nouvelle-Calédonie – notamment en Province Nord –.
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Bonjour Malik et bienvenue sur NeoTech. Pour débuter cette interview, pourrais-tu te présenter en quelques dates clés ?
Salut, je m’appelle Malik Oedin, je suis né en 1991 à Nouméa. Je viens de Païta et j’ai terminé ma thèse sur les roussettes en 2021. Depuis, je travaille à la Province Nord, où j’ai été recruté la même année pour me concentrer sur ce sujet.
Pour résumer mon parcours, j’ai obtenu une licence à l’université de la Nouvelle-Calédonie entre 2010 et 2012. Ensuite, j’ai travaillé pendant un an pour financer mes études. De 2013 à 2015, j’ai poursuivi un master à Poitiers, en Métropole. Après, je suis revenu en Nouvelle-Calédonie pour travailler pendant deux ans. Puis, en 2017, j’ai débuté ma thèse, réalisée notamment à l’Institut Agronomique néo-Calédonien, en collaboration avec l’IRD et un institut en Méditerranée.
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En quoi consiste précisément ton rôle en tant que Chef du District Forestier Ouest en Province Nord ? Quelles sont tes responsabilités au quotidien ?
Depuis le 1er février 2024, j’ai intégré la Province Nord au sein de la direction du développement économique et de l’environnement, dans le service « milieu et ressources terrestres ». Mon poste de chef de district forestier ouest est basé à Kone.
Je m’occupe de quatre communes, de Voh à Poya, principalement axé sur la gestion des forêts et des zones protégées terrestres. Mon travail couvre divers domaines comme la chasse, la restauration forestière, la sylviculture (en particulier le Pinus dans le massif de Tango) et la régulation des espèces exotiques envahissantes, telles que les cerfs, les cochons et les chats harets. Nous travaillons également sur la gestion des plantes envahissantes comme les opuntia(cactus raquette) et les figuiers de Barbarie.
Enfin, une part importante de mon rôle concerne la forêt sèche, qui est probablement l’habitat le plus menacé en Nouvelle-Calédonie actuellement. Nous menons des projets de restauration en collaboration avec l’Agence néo-calédonienne de la biodiversité.
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La roussette ça te connait ! Pourquoi avoir choisi cet animal emblématique de la Nouvelle-Calédonie comme principal sujet d’étude. Est-ce que ça a toujours été le cas ?
En fait, la roussette, c’est un peu nouveau pour moi. À la base, je suis plus pêcheur que chasseur. J’ai eu la chance de pouvoir travailler sur les roussettes quand je suis rentré de mes études en Métropole. C’est un sujet qui m’a tout de suite passionné, notamment à cause de l’importance culturelle et sociale de cet animal ainsi que son rôle écologique crucial dans la dispersion des graines et la pollinisation, qui contribuent au maintien des forêts.
Je m’intéresse particulièrement aux espèces qui posent des problèmes de conflits entre les humains et les animaux, comme les roussettes face à la chasse et au braconnage. Je me suis aussi spécialisé dans la gestion des espèces exotiques envahissantes, ce qui m’a permis de me pencher sur les problématiques liées aux roussettes. C’est comme ça que j’ai eu la chance de pouvoir travailler sur ces espèces fascinantes.
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Tu as récemment participé puis publié une thèse pendant laquelle vous avez utilisé la technologie de l’intelligence artificielle et les médias sociaux pour aider à identifier les menaces mondiales qui pèsent sur les espèces sauvages. Pourquoi avoir voulu utiliser ces technologies pour vous aider dans vos travaux ?
Entre 2017 et 2021, j’ai réalisé ma thèse sur la sensibilité des populations de roussettes en Nouvelle-Calédonie face à la chasse, au braconnage et à la prédation par les chats redevenus sauvages. Ces recherches ont révélé qu’en l’absence de mesures de gestion, 80 % de la population de roussettes pourrait disparaître d’ici 2050. Ce travail a été possible grâce à l’aide de nombreuses personnes, y compris les agents provinciaux, les membres des tribus locales et les chasseurs qui ont participé à des questionnaires.
Depuis 2021, je suis membre représentant du Pacific Bat Conservation Network, un consortium regroupant ceux qui travaillent sur les chauves-souris dans le Pacifique. Nous intégrons les enjeux sociaux et culturels des chauves-souris, ce qui nous distingue des autres réseaux mondiaux.
Grâce à mes présentations lors de conférences internationales, mes travaux ont gagné en visibilité. En 2023, des collègues de l’université de Sussex m’ont contacté pour utiliser des systèmes de recherche automatisée afin d’identifier des cas de chasse ou de persécution des chauves-souris sur Internet, y compris sur Google, Twitter et Facebook.
En parallèle, nous avons utilisé les données de iNaturalist, une plateforme où les gens peuvent poster des observations d’espèces, pour évaluer l’impact des chats domestiques sur les chauves-souris. Cela a complété nos recherches mondiales pour notre thèse commune et révélé de nouvelles zones de prédation. L’IA et la science citoyenne nous apportent des informations précieuses et complémentaires aux données scientifiques traditionnelles, bien qu’il soit crucial de valider ces informations pour en garantir la fiabilité.
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De quelle manière avez-vous utilisé l’IA ?
L’intelligence artificielle nous a permi d’analyser automatiquement d’énormes flux de données, une tâche autrefois effectuée manuellement. Ces systèmes recherchent des mots-clés et trient les textes et les photos trouvés, avant une vérification manuelle finale.
Cette méthode nous a permis de découvrir des cas de chasse et de consommation de roussettes dans des régions jusque-là inconnues de la littérature scientifique. Nous envisageons également d’utiliser ces systèmes pour une surveillance continue sur les réseaux sociaux, ce qui serait très utile pour détecter des activités de chasse illégale en temps réel en Nouvelle-Calédonie. Cette approche pourrait également être appliquée à d’autres domaines, comme la pêche.
Donc l’IA nous a aidé à automatiser la recherche et le tri des données, une tâche très chronophage. Cette technologienous aide énormément, et elle va continuer à le faire, surtout dans les premières phases de nos travaux où nous gagnons beaucoup de temps et de précision. Par exemple, pour le comptage d’animaux sur photos ou vidéos, c’est un véritable atout.
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Quel est l’impact de cette thèse pour la Nouvelle-Calédonie ? Comment vois-tu l’avenir de la conservation en Nouvelle-Calédonie, en tenant compte des avancées technologiques et des défis environnementaux émergents ?
Avec nos collègues australiens, nous travaillons actuellement sur des projets de comptage de roussettes par droneéquipé de caméras thermiques. Nous avons déjà réalisé quelques essais et en Nouvelle-Calédonie, le bureau Ecotone NC utilise aussi l’IA et l’imagerie thermique par drone pour le comptage des cerfs. Ce sont des solutions qui nous permettent de faire des choses que nous ne pouvions pas réaliser auparavant.
Prenons le comptage des cerfs, par exemple. C’est une donnée que nous n’avions jamais eue jusqu’à présent et qui va désormais nous aider à mieux gérer notre environnement. Cela nous permettra de déterminer à partir de quelle densité de cerfs l’impact sur la forêt devient significatif et quel seuil nous devons respecter pour maintenir une forêt saine.
Il y a aussi tout le travail d’identification des espèces. Grâce aux travaux de Visioon et de l’IRD, nous pouvons identifier et compter les espèces de poissons sur des vidéos. Ce type de recherche numérique est également utilisé par des collègues chercheurs à l’IUT, qui ont par exemple étudié l’impact des changements climatiques dans les médias locaux.
Si nous développons l’utilisation des réseaux sociaux, nous pourrions aussi mieux lutter contre la vente illégale d’animaux et de végétaux, ce qui serait un excellent moyen de sensibiliser et de préserver notre biodiversité.
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Est-ce que les nouvelles technologies – comme l’intelligence artificielle – sont devenues un outil du quotidien pour toi ?
Oui, elles commencent vraiment à faire partie de mon quotidien, surtout pour des tâches comme la rédaction de mails et de posts sur Facebook. J’utilise l’intelligence artificielle pour améliorer nos publications et renforcer notre impact sur le grand public. Par exemple, en Province Nord, nous gérons deux pages Facebook : Province Nord et Horizon Roussettes. Grâce à l’IA, nous pouvons optimiser notre communication.
Cela dit, c’est un domaine vaste avec beaucoup de potentiel, mais il faut aussi y consacrer du temps. Je pense qu’à l’avenir, chaque organisation aura probablement un spécialiste en IA pour maximiser ses avantages. Bien sûr, il est crucial de se rappeler que l’IA doit compléter le travail humain, pas le remplacer.
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En Nouvelle-Calédonie, on parle souvent d’éloignement numérique ou même de fracture numérique. Comment perçois-tu la place du numérique en Province Nord et quel avenir vois-tu pour la Nouvelle-Calédonie ?
Oui, absolument ! Je trouve qu’il y a eu une énorme évolution, surtout avec Facebook. On parvient désormais à toucher des personnes très éloignées, ce qui était impensable auparavant. Bien sûr, les taux de pénétration varient en fonction de la couverture Internet et Mobilis dans chaque région. Mais avec Facebook, on peut désormais atteindre des zones très reculées sans avoir à se déplacer physiquement.
Cela dit, il reste encore du chemin à parcourir, surtout en ce qui concerne la clarté de nos supports. Il y a des problèmes d’illettrisme et il est crucial de rendre nos documents compréhensibles pour tous. J’ai justement proposé un projet dans ce sens au programme « Un monde meilleur » du gouvernement.
Pour donner un exemple, dans notre service, on délivre des permis de chasse avec une déclaration sur l’honneur à signer. On fait vraiment l’effort d’expliquer aux gens les tenants et les aboutissants pour qu’ils soient conscients des implications de leur signature. C’est tout un travail de pédagogie et d’adaptation de nos supports, surtout pour les aspects réglementaires souvent complexes. Nous utilisons de plus en plus des outils vidéo et audio pour atteindre notre public. Donc, le défi est double : d’une part, l’accès aux outils et au réseau, et d’autre part, l’accès à une information adaptée et compréhensible pour tous.
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Pour terminer, si tu étais un animal tu serais…
La roussette, du coup ! Cela me fait penser à un projet technologique intéressant que nous avons mené : nous avons équipé des roussettes de balises GPS pour suivre leurs déplacements de 2013 à 2019. Ce travail, que nous devons encore finaliser et publier, nous a permis de mieux comprendre leurs mouvements et d’évaluer comment les préserver et mieux comprendre leur importance dans les écosystèmes. Alors, restez alertes !
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