La qualité logicielle ? Qu’est-ce donc ? Découvrez-le à travers l’interview de Zoé Thivet, consultante en qualité logicielle chez Hightest. Dans le monde de la technologie, la qualité logicielle est souvent méconnue, voire mystérieuse pour beaucoup. Pourtant, derrière ce voile opaque se cache un univers fascinant, souvent peu glamour aux yeux du grand public, mais qui recèle en réalité une multitude de surprises et de défis passionnants.

Aujourd’hui, explorez cet univers en compagnie de Zoé Thivet, une experte chevronnée dans ce domaine. Plongez dans les méandres de la qualité logicielle, découvrez ses enjeux, ses intrications, et peut-être même que vous obtiendrez des éclaircissements sur les zones d’ombres qui entourent cette discipline essentielle mais souvent mal comprise.

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Bonjour Zoé et bienvenue sur NeoTech. Pour commencer, peux-tu te présenter à nos lecteurs ? Qui es-tu et quel est ton parcours ?

Bonjour NeoTech, je suis Zoé Thivet, consultante en qualité logicielle chez Hightest. Mon travail consiste à minimiser les risques qu’il y ait des bugs dans les logiciels, que ce soit des sites web, des applications mobiles ou d’autres types de programmes. J’exerce ce métier depuis huit ans, dont sept au sein de Hightest, une entreprise calédonienne fondée en 2014 et dirigée par Guillaume Gourhand et César Delisle, et qui compte dix personnes au total, dont une en Polynésie, Matthieu Delamourd.

J’ai débuté avec un parcours littéraire, un bac L suivi d’une prépa lettres et d’un master en sciences de l’information. Pendant mes études, j’ai également appris les bases du développement en autodidacte. C’est après l’obtention de mon diplôme que j’ai découvert le métier de test logiciel. Bien que ce fût un peu un hasard au début, j’ai rapidement trouvé ma voie dans ce domaine et j’y suis restée depuis.

Ce parcours non linéaire est assez typique dans le monde du test logiciel, qui regroupe énormément de personnes issues de reconversions.

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Loading de l’interview de Zoé, pro de la qualité logicielle © Hightest

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Tu es aujourd’hui « Ingénieure test applicatif » pour la société Hightest. Peux-tu nous parler de cette entreprise, quels services vous proposez ? 

Chez Hightest, notre objectif est d’aider les entreprises à garantir la meilleure qualité possible de leurs logiciels. Cela signifie non seulement satisfaire les personnes qui les utilisent, mais aussi éviter les coûts liés à une qualité médiocre, comme les services techniques débordés par les bugs ou le turnover dans les équipes de développement. Pour y parvenir, nous proposons toute une gamme de services, notamment la mise en place de pratiques et d’outils de test logiciel, des audits et de la formation.

Nos interventions sont variées et adaptées aux besoins spécifiques de chaque organisation. Parfois, nous aidons à établir des processus de test globaux, tandis que dans d’autres cas, nous nous concentrons directement sur des projets spécifiques tels que l’automatisation des tests ou les tests de charge. L’automatisation des tests est particulièrement demandée, car elle permet d’exécuter régulièrement des tests essentiels pour garantir la stabilité du logiciel.

Avant de démarrer un projet, nous offrons souvent des conseils approfondis qui aident nos clients à prendre du recul et à revoir leurs besoins initiaux. Cela peut conduire à des solutions plus globales, plus ciblées et plus rentables. En résumé, notre approche est personnalisée et orientée vers des résultats tangibles pour chaque organisation que nous servons.

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Nicolas en train de nous présenter une analyse de tests de charge © Hightest

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Sur LinkedIn, on a pu voir qu’Hightest parlait d’un side-project passionnant. De quoi s’agit-il ? On est curieux !

En effet ! Pour la petite histoire, en 2023, la commission NID (Numérique Inclusif et Durable) de OPEN NC a pris contact avec nous, lançant ainsi un projet des plus passionnants : évaluer l’empreinte écologique et l’accessibilité des sites web en Nouvelle-Calédonie. Pour mener à bien ce projet, nous avons collaboré avec d’autres entreprises telles que MSI (Xavier Liénart) et APID (Thomas Avron), en étroite concertation avec Maeva Leroux (DINUM) et Mehdi Hassouni, vice-président de OPEN NC.

Aujourd’hui, nous avons achevé l’audit Green IT et les résultats sont accessibles sur notre blog. Pour débuter, nous avons dû établir une liste exhaustive de sites web calédoniens, épurée de ceux encore en construction, une tâche qui a constitué la principale étape initiale de notre démarche. Une fois cette liste établie, nous avons procédé à une analyse approfondie à l’aide de l’outil EcoIndex, générant ainsi des données clés permettant d’évaluer l’impact environnemental de ces sites.

Sans trop en dévoiler, nos conclusions indiquent que la Nouvelle-Calédonie a encore des progrès à faire en termes de performance environnementale de ses sites web. Cependant, cette observation ne constitue que le point de départ ; la commission vise à diffuser des solutions afin d’encourager des améliorations collectives.

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Les pages d’accueil des sites web calédoniens présentent des scores EcoIndex très mitigés © Hightest

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On a vraiment scruté LinkedIn. La baseline de ton profil est : « La qualité logicielle ? Bof ». Sarcastique ?

Quand j’ai commencé à explorer le domaine du test logiciel, mes premières impressions étaient plutôt mitigées : de loin, cela semblait ennuyeux à mourir. Je le considérais simplement comme un tremplin vers d’autres domaines qui semblaient plus attrayants. À l’époque, mon objectif était de me lancer dans le développement ! Cependant, au fil du temps, j’ai découvert que ce domaine était incroyablement vaste et passionnant, offrant de nombreuses opportunités d’exploration et permettant de déployer beaucoup de créativité. On me demande souvent si mon travail n’est pas trop ch… monotone, d’où cette accroche pour désamorcer cette idée dès le départ.

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Parle-nous des différents logiciels que vous avez testés. As-tu vu une évolution dans les propositions, les thématiques, la qualité des logiciels et les technologies utilisées ? 

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Nicolas, Guillaume et Jérôme en session de planning poker, une technique de chiffrage couramment utilisée en contexte agile © Hightest

La plus grande évolution que j’ai remarquée concerne l’adoption de l’agilité. C’est une culture de travail qui change profondément la façon dont les équipes travaillent ensemble. Les entreprises revoient leurs processus pour favoriser une communication plus étroite entre les différentes parties prenantes et les équipes techniques. Les cycles de développement plus courts ont également entraîné des ajustements dans les pratiques de test.

Avec cette transition vers l’agilité, il y a eu une réflexion accrue sur l’automatisation des tests. De plus en plus d’équipes adoptent cette pratique. C’est logique, si on livre plus fréquemment, on a plus de versions à tester, et refaire les mêmes tests manuellement devient juste impossible. L’automatisation semble être une solution naturelle à ce défi. Mais bien sûr, cela vient avec ses propres défis : il faut automatiser au bon moment, au bon niveau de couverture, et produire des rapports utiles. La maintenance des scripts automatisés est également une considération importante. Bref, tout un univers à explorer et à maîtriser !

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7 ans de blog, ça en fait des articles. Avez-vous toujours autant d’inspiration pour pouvoir écrire ? Quels sont vos thèmes de prédilection ? 

Effectivement, le sujet est vraiment inépuisable. On peut aborder tant de choses, que ce soit les logiciels en eux-mêmes, les processus de test, les outils disponibles, et parfois même les actualités du domaine. Il y a toujours quelque chose de nouveau à explorer. Nous avons également eu l’occasion de créer des jeux sérieux autour du test. Nous nous nourrissons aussi de collaborations extérieures, comme récemment avec l’audit Green IT où nous avons travaillé avec d’autres partenaires. 

Ce blog est une sorte de passerelle entre nous et le reste du monde. Contrairement à ce que l’on pourrait penser d’un blog d’entreprise, il ne sert pas directement à la prospection. En réalité, il nous a plutôt permis d’engager des conversations avec d’autres pros du test logiciel notamment en métropole, ce qui est précieux étant donné que nous ne sommes pas beaucoup sur le territoire à exercer ce métier. De plus, il a joué un rôle crucial dans notre recrutement en nous offrant de la visibilité et en renforçant la confiance des profils potentiels envers notre équipe.

Il me semble que c’est grâce au blog que j’ai été contactée pour la première fois en 2020 pour donner mon premier webinar ; depuis, les choses se sont enchaînées, avec récemment une intervention en 2023 à la JFTL (Journée Française du Test Logiciel) à Paris. Autant d’occasions de faire rayonner le territoire calédonien !

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La Journée Française du Test Logiciel, le rendez-vous annuel des pros du test en métropole © Hightest

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Arrivez-vous à avoir assez d’informations sur l’état numérique de la Nouvelle-Calédonie ? Que penses-tu de la fermeture de l’Observatoire du Numérique en 2022 ? 

La fermeture de l’Observatoire du Numérique en 2022 m’a vraiment attristée. C’était une source précieuse d’informations sur l’état numérique de la Nouvelle-Calédonie. Maintenant, trouver des données pertinentes est beaucoup plus difficile. Ça m’a vraiment frappée quand, il y a quelques mois, nous préparions un webinar sur l’IT en Nouvelle-Calédonie. Nous voulions anticiper les questions de l’auditoire, mais nous avons réalisé que les données de l’Observatoire étaient désormais très anciennes. On a réussi à trouver quelques informations ici et là, comme les données des entreprises, mais c’était limité et très quantitatif. C’est vraiment une perte pour le territoire.

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Récemment, l’« IA Act » a été signé. Quel est ton avis sur l’utilisation des intelligences artificielles dans les métiers numériques ? En utilisez-vous ?

Personnellement, ChatGPT est mon acolyte quotidienne depuis plus d’un an, et depuis quelques mois j’ai un abonnement à Midjourney !

Je fais souvent appel à ChatGPT pour m’aider sur des points techniques, que ce soit pour es requêtes SQL, des expressions régulières ou des erreurs dans mon code. Je prends toujours le temps de vérifier si la réponse convient à mes besoins et cela me permet même d’apprendre de nouvelles choses. En plus des aspects techniques, j’utilise ChatGPT pour des tâches plus générales comme les traductions, les résumés, les mises en forme ou les reformulations. Quant à Midjourney, c’est devenu un outil indispensable pour moi, surtout pour illustrer mes publications sur LinkedIn ou mes articles de blog. Une fois qu’on s’y habitue, c’est difficile de s’en passer, bien que je garde toujours un esprit critique et prenne des précautions.

En ce qui concerne Hightest, nous n’avons pas vraiment de politique stricte concernant l’utilisation des IA. C’est un peu à la discrétion de chaque personne et cela dépend des besoins spécifiques de nos activités. Mais dans l’ensemble, pour beaucoup de tâches quotidiennes, techniques ou rédactionnelles, les IA peuvent vraiment nous assister efficacement.

J’aime bien mettre ChatGPT à l’épreuve de temps en temps, surtout quand il répond complètement à côté. D’ailleurs, il y a quelques mois, nous avons organisé une battle entre Bard et ChatGPT pour voir lequel était le plus buggé !

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Caledonian qualité logicielle

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Certains soutiennent que le Green IT n’est qu’une tendance à la mode et qu’il ne parvient pas à résoudre réellement les problèmes environnementaux posés par l’industrie technologique. Comment réponds-tu à cette accusation ?

Je comprends le scepticisme, et même je l’encourage. Il est vrai qu’il existe une fine ligne entre les efforts sincères pour réduire l’impact environnemental et le greenwashing. Mais lorsque nous avons un site web, nous sommes responsables de son empreinte écologique. C’est à nous de décider si nous allons agir pour la réduire ou non. Le scepticisme ne devrait pas servir d’excuse pour ne rien faire. 

Il y a des actions simples et rapides, comme lancer une analyse EcoIndex, l’outil que nous avons utilisé lors de l’audit Green IT. En utilisant leur outil pour tester une URL, on prendre conscience des conséquences concrètes, comme la consommation en eau douce qu’entraîne le site. Cela permet de relier les mesures d’éco-responsabilité à des impacts tangibles, ce qui est essentiel pour prendre des décisions éclairées.

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As-tu un mot de la fin pour terminer ?

J’encourage vivement à découvrir les nombreuses facettes de la qualité logicielle. Ce domaine, au-delà des enjeux de performance des organisations, a également une grande portée sociétale : il s’agit d’œuvrer au mieux pour les personnes qui vont utiliser les produits au quotidien, et de toujours garder à l’esprit cette empathie, mais aussi de plus en plus les enjeux environnementaux qui sont liés à l’utilisation des logiciels. Le métier du test dépasse le simple développement technologique pour s’inscrire dans une démarche éthique et responsable, en accord avec les exigences de notre époque.

À ce sujet, nous donnerons une conférence à l’occasion de Numeriboost le 24 avril après-midi sur un autre enjeu de société que la qualité logicielle permet d’adresser ; venez nous voir !

Merci Neotech et à bientôt !

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