Lundi 11 avril, au Cercle Nautique Calédonien, la biologiste marine Sara Andreotti a conquis une foule de curieux avec une conférence dédiée au sujet de ses recherches : le requin blanc. Entre amour et haine, intimement lié à nos émotions, ces différentes espèces de prédateurs font régulièrement l’actualité en Calédonie.
L’occasion pour la chercheuse de déconstruire des idées reçues, d’expliquer les comportements de ces animaux majestueux et de présenter une solution novatrice qui pourrait bien révolutionner la protection des baies sur notre territoire. Retour sur ce moment de partage, présentation du dispositif « SharkSafe Barrier TM » et interview de la chercheuse.
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Une « success-conférence » pour les 3 à 99 ans
Une salle débordante et impatiente, des chaises rajoutées à l’emporte-pièce, des rangées d’enfants assis par terre face à la scène, les Calédoniens n’ont pas raté leur accueil ! Face à la foule, Nina Polo, l’organisatrice de cet événement improvisé, introduisait le sujet du jour par des questions interactives avec le public en jouant sur les émotions de chacun. Il n’en fallut pas plus à Sara Andreotti pour débuter la présentation de ses recherches ; dans un anglais fluide, instantanément traduit dans un « FR-ESP » par Nina, la chercheuse commença par expliquer que le « problème requin » n’en était finalement pas vraiment un au regard du nombre annuel de victimes. Dans le lugubre décompte des accidents mortels, le moustique ou l’hippopotame sont effectivement bien plus meurtriers que nos squales marins.
Pourtant, le requin a bien mauvaise réputation ; peur humaine instinctive, accidents traumatisants, influence nerveuse du cerveau reptilien et effets collatéraux du film « Les dents de la mer » sont autant de causes qui font de cet être essentiel à la chaîne alimentaire sous-marine – et donc terrestre – un cauchemar à nageoires pour beaucoup d’entre nous. Or, ces prédateurs aux dents acérées, véritables victimes de la folie humaine et d’un massacre de masse injustifié ont, comme nombre de grands animaux, des traits de caractère bien distincts : du requin-joueur qui aime se faire titiller l’ampoule de Lorenzini, au requin-soumis qui nage sur le dos, en passant par le requin-énervé qui actionne sa mâchoire en guise de mécontentement, ces animaux stabilisent l’intégralité de l’écosystème sous-marin dans une sorte de fonction « espèce-parapluie » qui empêche d’autres plus petits prédateurs de vider les océans de poissons.
Il n’en fallait pas plus à Sara pour diffuser d’impressionnantes vidéos de rencontres entre grands requins blancs et scientifiques au large des côtes sud-africaines. Quelques conseils adressés aux plongeurs et chasseurs sous-marins, une explication des comportements à adopter en cas de présence d’un squale agressif et même une allusion à la mode avec un parallèle entre combinaisons « flashy » et leurres de pêche. Les enfants du premier rang boivent ses mots alors que d’autres boivent des pressions. Chacun son style mais une chose est sûre : le sujet interpelle et le silence de la salle témoigne de l’intérêt des publics de tous âges pour ces êtres préhistoriques. Requins 1 – 0 Idées reçues.
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« SharkSafe Barrier TM », bienvenue à la Baie des Citrons ?
Une conférence sur ces majestueux animaux n’est pourtant pas un sujet pour NeoTech nous direz-vous… Pourtant si, car, une fois de plus, l’innovation technologique née de la recherche scientifique présente une solution face au « risque requin » ; en effet, la chercheuse a profité de sa visite en Calédonie (et de cette conférence) pour présenter un dispositif innovant, écologique et économique : la « SharkSafe Barrier TM ». Alors que les « prélèvements » des tigres et bouledogues du lagon se poursuivent en Calédonie, que leur retrait de la liste des espèces protégées est désormais voté et que des « plans d’action » douteux se succèdent sans trouver un embryon de solution, Sara Andreotti et son équipe se sont appuyées sur la recherche scientifique, la technologie et la nature pour concevoir cette solution novatrice.
Développée et testée pendant cinq ans en Afrique du Sud, puis deux ans à la Réunion, cette « barrière anti-requins » a d’ores et déjà prouvé son efficacité ; le dispositif s’appuie ainsi sur un répulsif visuel et un autre, magnétique, qui empêchent les squales de franchir la barrière. Composée de matériaux et d’aimants qui imitent une immense forêt de kelp, infranchissable pour les requins mais pas pour les autres espèces qui s’y réfugient, cette barrière agit à la fois sur leur ampoule de Lorenzini à travers l’émission d’ondes électromagnétiques et sur leur visuel puisqu’ils ne se risqueraient pas à nager entre ces étroites constructions. Un dispositif éco-friendly « qui laisse même passer les dugongs ».
Alors qu’un appel à projet a été lancé par la mairie de Nouméa pour sécuriser la Baie des Citrons, cette solution présente plusieurs avantages « compétitifs » : certes deux fois plus coûteuse à l’installation que les dispositifs semblables – filets, éco-barrières etc. -, sa maintenance coûte néanmoins vingt fois moins cher que les « solutions traditionnelles ». De plus, elle résiste aux effets des cyclones, autorise le passage des embarcations et laisse aisément passer les autres espèces de l’écosystème. La « SharkSafe Barrier TM » serait donc cet outil miracle face au fameux risque requin.
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Sara Andreotti, l’interview « face à face »
La technologie ne remplacera pourtant jamais l’éducation car, si aujourd’hui, nombre de squales se sont sédentarisés dans notre lagon, c’est bien à cause de nous ! En effet, le lien entre leurs nouvelles habitudes et nos diverses pollutions et rejets dans l’océan n’est plus à prouver ! Pour résumer, trouver une solution au « risque requin » commencerait déjà par trouver une solution à notre façon de nous comporter. Finalement, pas certain que le prédateur le plus dangereux soit le sujet de la conférence de Sara… mais plutôt celui qui y assistait ! Le film « Les dents de la mer » n’a jamais été qu’une fiction alors que les « Hommes de la Terre » sont une réalité qui pèse depuis trop longtemps sur nos océans.
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