Du surf aux EdTechs, il n’y a qu’un pas… Ou plutôt qu’un personnage : Pascal Gangutia, Professeur Documentaliste et Référent Numérique au Lycée professionnel François d’Assise de Bourail. Actif sur les réseaux sociaux, en veille constante sur les innovations pédagogiques, formé aux techniques agiles et passionné par les nouveaux modes d’éducation, Pascal déborde d’une énergie qu’il transmet à ses collègues et aux élèves. NeoTech est allé à sa rencontre pour parler de la transformation de l’éducation. Morceaux choisis !
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Bonjour Pascal, peux-tu nous parler de ton parcours et de ton poste au lycée professionnel François d’Assise ?
Bonjour NeoTech ! Et bien j’ai un parcours très hétéroclite ; à l’origine, j’ai obtenu un DESS (équivalent Master 2) en Informatique Appliquée aux Sciences Sociales à Grenoble, avant de m’engager dans un contrat CIFRE dans l’aérospatiale, chez Airbus à Toulouse. Cet employeur et le Ministère ont financé ma thèse autour du développement d’outils de contrôle linguistique en Documentation technique aéronautique
J’ai ensuite pris un poste chez IBM à Paris où j’ai travaillé sur de la traduction automatique et de la synthèse vocale, type Siri. Mais j’ai rêvé toute ma vie de visiter le Pacifique et, lorsque ma compagne a obtenu un poste d’assistante sociale à Houaïlou, je n’ai pas hésité et, en 1997, nous avons sauté dans l’avion pour nous installer en Calédonie. Pendant les six premières années, comme je suis à moitié espagnol, j’ai occupé un poste de professeur d’espagnol dans différents établissements avant, en 2004, d’être embauché comme Professeur-Documentaliste au lycée professionnel privé Père Guéneau à Bourail.
Après 14 années passées au lycée où j’ai notamment créé le seul « 3C » de Calédonie – Centre de Connaissances et de Communication – qui sera, malheureusement, un échec pour différentes raisons ! Mais, c’est comme ça qu’on apprend le mieux, non ?
En 2018, je passe au Lycée Professionnel François d’Assise (DDEC) : l’occasion de lancer plein de nouveaux projets innovants au sein d’un environnement de confiance en tant que « Référent Numérique » de l’établissement. D’ailleurs, nous lançons une formation complémentaire initiative locale (FCIL) en e-commerce et webmarketing, quatrième du nom en France : une formation de 12 semaines, suivie par 12 semaines de stage. Ça répond vraiment à une demande locale de la part des professionnels !
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Sur ton profil LinkedIn, il est mentionné « EdTech passionné de technologies et pédagogies innovantes, de changement constant et d’agilité ». Pourrais-tu définir ce que sont les « EdTechs » pour nos lecteurs ?
« EdTech » pour « Educational Technologies » en anglais ; ça désigne toutes les nouvelles technologies permettant de faciliter l’enseignement et l’apprentissage. Actuellement, ce secteur est porté par de nombreuses startup qui réalisent d’ailleurs d’importantes levées de fond, signe que ce concept est en plein explosion !
Si on pousse le concept un peu plus loin, un EdTechnicien est celui qui importe et développe ces nouvelles technologies et les pédagogies au cœur d’un établissement ou d’une organisation.
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En quoi la technologie a-t-elle un impact croissant sur l’univers de la formation ?
Je crois que nous sommes en train de changer de paradigme : on ne parle même plus d’un « impact » mais d’un « tsunami » ! En Calédonie, on a pris 10 ans en 18 mois ! On ne peut pas continuer à utiliser les même pratiques et outils pédagogiques qu’il y a dix ans car il s’agit désormais de former des jeunes au numérique et aux nouvelles technologies. C’est un peu le problème de l’éducation en général : nous sommes souvent en retard dans ce domaine…
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Quelles sont les « EdTech » utilisées au LP François d’Assise et dans quels contextes ?
Jusqu’en 2020, j’ai réalisé un travail de veille technologique et de tests : QR code, zones avec réalité augmentée… Et puis, le premier confinement est arrivé et c’était la « cata » ! Neuf élèves sur dix n’arrivent pas à se connecter sur ProNote qui tombe d’ailleurs en panne, et tout part dans tous les sens. Le chef me demande alors de trouver une solution : je tombe sur la suite « Google Workspace for Education ». Je créé alors un nom de domaine pour le lycée, je teste les outils et à la rentrée du confinement, on a créé des mails pour tous les élèves et les enseignants. Tout passe désormais par ce mail : lpfa.nc !
On a alors senti un véritable engouement autour des outils Google ; de Word, on est arrivé sur Google ClassRoom avec intégration de documents collaboratifs, un drive illimité, un accès à tous les outils Google – doc, sheets, slides… -, la création de sites… A la rentrée du deuxième confinement, nous avons adopté les cours en visio-conférence via Google Meet.
Au sortir de ce troisième confinement, la transformation digitale du lycée est bien entamée, notamment grâce à des formations dispensées aussi bien aux profs qu’aux élèves. Même si tout n’est pas parfait et que la route est longue, nous allons vers la bonne direction ! L’année prochaine, nous allons débuter la rentrée avec une phase d’acculturation à destination des élèves pour que tout soit cadré et compris par tous.
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Quelles technologies innovantes dans la formation ont retenu ton attention ces derniers temps ?
Dernièrement, je suis tombé en extase devant tous les outils « No Code » ! On a découvert AirTable l’année dernière avec des jeunes collègues et nous arrivons désormais à faire des choses extraordinaires : nous avons fait notre premier cours avec des BTS NDRC pour leur expliquer comment fonctionne AirTable pour créer des formulaires, automatiser l’envoi de mails personnalisés etc.
J’ai vu également que Google déployait Google Tables aux États-Unis et je suis persuadé que ça va super bien marcher ! On teste également AppSheets qui permet de développer des applications mobiles à partir d’un tableur. On a créé une petite application smartphone avec l’outil Glide pendant le confinement : à partir d’un Google Sheet, on peut créer aisément une application avec des informations et des documents intégrés à l’intérieur et à la disposition des élèves. La technologie « No Code » permet de développer une application smartphone en une heure : c’est révolutionnaire et accessible à tout un chacun !
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Tu es très actif sur les réseaux sociaux ; penses-tu qu’ils sont un outil utile à la formation ? Pourquoi ?
Oui, c’est vrai : il n’y a qu’Instagram que je boude car on ne peut pas être partout ! En tant que Professeur Documentaliste, ma première mission, c’est d’être le maître d’œuvre de l’acquisition et de l’enseignement de la culture de l’information et des médias : nous sommes en plein dedans !
Je crois qu’en 2021, la présence, mais également la maîtrise des réseaux sociaux, est fondamentale. J’ai du mal à concevoir qu’un enseignant qui aborde le sujet des « fakenews » ne soit lui-même pas présent sur les réseaux sociaux… On n’apprend pas à piloter une Formule 1 sans avoir le permis de conduire ! Les réseaux sociaux ont leur utilité et font partie de notre société ; je ne comprends pas que certains établissements bannissent les réseaux sociaux car les étudiants sont connectés en permanence.
A titre personnel, les réseaux sociaux me permettent de faire de la veille mais aussi de développer mon réseau, d’étudier les besoins exprimés sur le territoire, de rencontrer divers acteurs de la filière à travers LinkedIn. J’habite au fin fond de la Brousse alors les réseaux sociaux sont ma fenêtre ouverte vers l’extérieur !
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Quelle serait ta vision de l’« agilité » appliquée au milieu de la formation initiale ?
L’agilité, c’est l’avenir ! On la retrouve partout dans l’évolution de l’éducation : la progression spiralée, l’idée d’itération, la pédagogie par projet ou coopérative etc… Le principe de base est de se concentrer sur des projets réalisables sur de courtes périodes, en général de 1 à 4 semaines, en fonction du type d’élève.
La transparence définit un langage commun entre les différents participants : chacun peut donner son avis, sans notion de hiérarchie. L’inspection se propose de vérifier que les projets sont menés à bien, dans un délai raisonnable. L’adaptation est indispensable : des rituels quotidiens et hebdomadaires permettent un suivi pertinent des projets.
Charité bien ordonnée commence par soi-même alors, il y a près de deux ans, je me suis appliqué le concept d’agilité à mon travail. Je suis allé jusqu’à créer un site « cdi4scrum.net » que vous pouvez trouver sur Google puis, l’été dernier, j’ai passé ma première certification « Eduscrum » en Espagne (en ligne) car elle n’existait pas en France. Je me suis alors rendu compte que ce fonctionnement donnait le « pouvoir » aux élèves et que le professeur devient un « facilitateur ». Ces nouvelles méthodes optimisent la progression des élèves car ils travaillent entre eux, en équipes, et s’entraident donc plus aisément. J’ai réussi à monter une vraie séquence agile « Informer / S’informer » cette année qui s’est super bien passée.
Par ailleurs, l’agilité répond à trois défis fondamentaux en 2021 : la responsabilisation de l’étudiant, l’acquisition des compétences du 21ème siècle et le développement de la motivation et des résultats scolaires.
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Que penses-tu du niveau de maturité du secteur de l’éducation en Nouvelle-Calédonie ?
Honnêtement je suis surpris par l’accueil favorable auprès de notre communauté éducative des projets innovants pédagogiques ! On sent que ça bouge ! On passe le “chasm” mais c’est une vision très subjective…
Le modèle SAMR (Substitution, Augmentation, Modification, Redéfinition) est un modèle théorique qui décrit les différents paliers d’intégration des technologies dans une séance de classe selon plusieurs niveaux d’efficacité pédagogique.
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Quels conseils donnerais-tu à un lycéen pour se former sur le numérique ? Et à un professionnel ?
S’inscrire à la « FCIL ECOMMERCE » qu’on ouvre en Février au LPFA !!! Sinon, pour les pros et les étudiants : être curieux, s’adapter, avoir envie d’apprendre, sortir de sa zone de confort ; je cite cette phrase qui me plait beaucoup “In the age of information Ignorance is a choice ! ”
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