Épisode 3 : Décoder l’accélération et les levées de fonds à l’international
Monter une startup, c’est un peu comme un saut dans le vide avec l’espoir que le parachute s’ouvre au bon moment. Le financement, lui, reste le nerf de la guerre. Chaque étape – idéation, amorçage, accélération, ou encore ancrage local – impose ses propres règles du jeu.
On vous a donc concocté 4 épisodes pour tracer la carte (un peu mouvementée) du financement startup.
1-Financer l’idéation et le prototypage
2-Trouver des solutions pour l’amorçage
3- Décoder l’accélération et les levées de fonds à l’international
4- Explorer les spécificités du financement de l’innovation en Nouvelle-Calédonie
Prêt pour le troisième épisode 3 ?
Après la montée de l’amorçage, la startup a enfin trouvé son rythme. Le produit existe, les premiers clients sont là, les indicateurs virent au vert. C’est le moment où la route s’élargit : il ne s’agit plus seulement de tenir, mais d’accélérer. Mais attention, qui dit accélération dit aussi plus de vitesse, plus de risques, plus de contrôle à garder sur le volant. Lever des fonds à ce stade, ce n’est plus une question de survie, c’est une question de stratégie.

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Les séries A, B, C… comprendre le code de la route
C’est ici qu’entrent en jeu les fameuses “séries” de financement. Derrière ces lettres un peu mystérieuses se cachent surtout des paliers très concrets de croissance. Et si la théorie est la même partout, la pratique, surtout en Outre-mer, a ses nuances.
Série A : valider le modèle et structurer l’équipe
C’est souvent la première “vraie” levée de fonds, celle où la startup quitte l’expérimentation pour entrer dans la consolidation. Le produit plaît, les premiers clients sont là, mais il faut désormais embaucher, renforcer la tech et poser les bases d’une organisation solide.
En pratique, cette levée demande du temps et une vraie préparation. Les investisseurs veulent voir des indicateurs concrets : revenus récurrents, fidélisation, croissance mesurable. Le dossier doit être clair, chiffré, et soutenu par des partenaires solides — incubateurs, fonds d’amorçage ou cabinets spécialisés.
Les tickets de Série A tournent généralement entre 1 et 5 millions d’euros, en échange d’une part du capital. L’enjeu n’est pas tant le montant que le cap franchi : prouver que l’entreprise peut passer de la promesse à la performance.
« Une fois cette maturité démontrée, il s’agit ensuite de trouver des financements pour se développer commercialement et accélérer la croissance, en profitant au maximum d’avoir été les premiers à arriver sur ce marché »? César Delisle & Naïké Durand, fondateurs de Testeum

Série B : changer d’échelle sans perdre le cap
Une fois la machine lancée, la startup cherche à passer à la vitesse supérieure. Elle a trouvé son modèle, son équipe tourne bien, le produit est validé par le marché. Mais pour grandir, il faut maintenant investir : ouvrir d’autres marchés, embaucher, renforcer la communication, améliorer la technologie.
Cette nouvelle levée de fonds sert à accélérer la croissance. Concrètement, ça veut dire lever entre 5 et 20 millions d’euros auprès d’investisseurs plus importants, souvent des fonds spécialisés dans le capital-risque. En échange, ces investisseurs deviennent copropriétaires d’une partie de l’entreprise : ils misent sur sa réussite, mais attendent aussi des résultats concrets.
À ce stade, tout doit être plus structuré : prévisions financières, stratégie d’expansion, modèle d’affaires à long terme. C’est souvent là que les startups commencent à viser l’international ou à diversifier leur offre.
Série C (et suivantes) : viser plus loin
À ce stade, une entreprise a déjà bien grandi : son produit est solide, ses clients fidèles et ses revenus en hausse. La Série C, dans l’écosystème mondial, sert à passer un nouveau cap : s’imposer à l’international, racheter d’autres sociétés, ou lancer une diversification à grande échelle. Les montants sont considérables, souvent plusieurs dizaines de millions d’euros et les investisseurs, très institutionnels : grands fonds, banques, industriels.
En Nouvelle-Calédonie, on n’en est pas encore là. Mais certaines startups locales vivent des étapes comparables, à leur manière : partenariats avec des acteurs internationaux, implantation régionale, croissance externe ciblée. L’esprit reste le même : garder le cap tout en changeant de dimension.
À chaque étape, lever des fonds demande plus de méthode, de précision et d’endurance. Qu’il s’agisse d’une série A ou d’une série C, la mécanique reste la même : convaincre, rassurer et embarquer. Voici comment s’y préparer concrètement.

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Préparer la levée : endurance et précision
À ce stade, qu’il s’agisse d’une série A ou des suivantes, lever des fonds devient un vrai marathon. Avant même d’appuyer sur l’accélérateur, il faut préparer le véhicule : business plan solide, indicateurs clairs, gouvernance structurée. Les investisseurs regardent désormais les chiffres, pas seulement la promesse.
« Une levée de fonds nécessite d’être résilient et de ne pas craindre l’échec. L’adaptabilité et la persévérance sont primordiales, car ce parcours est rarement sans embûches et demande une vraie force de conviction. », Grégory Tappero, cofondateur de SILVR.
L’accompagnement reste clé : incubateurs, cabinets spécialisés, fonds d’investissement régionaux et Bpifrance jouent un rôle d’appui pour structurer le dossier et ouvrir les bons contacts. Mais après la préparation, vient le moment décisif : trouver le bon partenaire de route. Lever des fonds, c’est avant tout une histoire d’alliances. Les chiffres ouvrent les portes, mais ce sont les relations humaines qui font avancer.

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Trouver le bon copilote
Un bon investisseur, c’est un copilote : il apporte son expérience, son réseau, parfois même un regard stratégique sur la trajectoire. Mais c’est aussi un partenaire exigeant, qui attend de la rigueur et des résultats. Et ce rôle de copilote, on le retrouve aussi chez certains acteurs publics ou institutionnels. Ils ne se contentent pas de financer : ils accompagnent les jeunes entreprises à chaque virage de leur croissance.
« Nous intervenons dès la création de l’entreprise et proposons une large gamme de produits, allant des financements classiques aux services dédiés aux entreprises innovantes. », Lise Pellerin, responsable innovation outre-mer chez Bpifrance.
En Nouvelle-Calédonie, cette culture de l’accompagnement s’installe peu à peu : incubateurs, réseaux d’investisseurs, dispositifs publics ou privés, tous jouent leur rôle de copilote pour aider les startups à passer à la vitesse supérieure.
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Cap sur l’international
Quand une startup est bien entourée (investisseurs, partenaires publics, incubateurs) la suite logique, c’est de voir plus loin. L’international, c’est souvent le test ultime : passer de la réussite locale à la reconnaissance globale.
Mais exporter, ce n’est pas juste vendre ailleurs. C’est adapter son modèle, comprendre un nouvel environnement et un autre rythme économique. Pour les startups calédoniennes, les premiers horizons sont souvent régionaux : Australie, Nouvelle-Zélande, Asie du Sud-Est.
D’autres visent la France hexagonale ou l’Europe. Cette étape demande plus de moyens humains et financiers, souvent via une Série B bien calibrée ou un partenariat stratégique.
Des dispositifs comme Business France, Team France Export, ou les programmes européens EIC Accelerator et Horizon Europe accompagnent cette ambition : soutien financier, coaching à l’export, et surtout mise en réseau avec des acteurs-clés.

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Garder la maîtrise : risques et leviers
Accélérer, c’est grisant. Mais chaque levée a son revers : dilution du capital, perte partielle de contrôle, pression accrue des investisseurs. Le danger n’est pas seulement de lever trop peu, mais parfois de lever trop vite. Une levée mal préparée peut fragiliser la gouvernance, créer des tensions internes ou désaligner les fondateurs.
Pour certains entrepreneurs, la solution passe par des chemins hybrides : croissance organique, financement par les revenus ou partenariats stratégiques qui permettent d’avancer sans tout céder.
En Calédonie comme ailleurs, l’enjeu reste le même : préserver l’identité du projet tout en lui donnant les moyens de grandir. Et si les dispositifs comme France 2030 ou Horizon Europe soutiennent l’expansion, ils rappellent aussi que la croissance durable se construit dans la durée.

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Et maintenant, on file vers l’horizon
Après avoir appris à tenir la pente de l’amorçage, la startup prend la grande route.
L’accélération, c’est la phase où tout s’enchaîne : recrutement, croissance, international, structuration. Mais c’est aussi le moment de lever le pied quand il le faut, de réajuster le GPS et de garder le cap.
Parce que financer la croissance, ce n’est pas aller plus vite, c’est aller plus loin, sans perdre la route.
Prochain épisode : Level Up! Explorer les spécificités du financement de l’innovation en Nouvelle-Calédonie
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