En ce jeudi 25 septembre, nous avions un date… Un rendez-vous du nickel, organisé par le CNRTEC pour stimuler l’innovation locale du secteur minier et métallurgique. Nous avons alors enfilé notre plus bel habit de lumière pour nous rendre à la Station N. Pour cette huitième rencontre, il était temps de parler d’un avenir pas si lointain : celui de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le secteur minier. Autour de la table, une quinzaine de professionnels et une dizaine de personnes connectées en visioconférence pour entendre le retour d’expérience de quatre professionnels du sujet. Alors ? Est-ce que l’IA et la mine sont faites pour s’entendre ?

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Du flirt dans l’air ?
Avant de passer aux choses sérieuses, une mise en bouche s’impose ! Médéric Suon, manager des programmes au CNRTEC, s’est jeté à l’eau et est directement entré dans le vif du sujet. Il nous a rappelé que l’histoire industrielle est jalonnée de révolutions qui, chacune à leur tour, sont venues « titiller » la relation de l’homme avec son travail. Après la machine à vapeur, l’électricité, les ordinateurs, il se pourrait bien que l’arrivée des nouvelles technologies soit la quatrième vague de changement induisant de facto, une remise en question des modes de production.

Comme l’a rappelé Médéric, l’adage « Data is the new oil » se vérifie de plus en plus. Avec l’intelligence artificielle, les données sortent des cartons poussiéreux des archives pour créer de la valeur. La question n’est donc plus de savoir si l’industrie doit s’adapter, mais comment elle le fait. Il a d’ailleurs cité l’exemple de l’entreprise Posco basée en Corée du Sud qui a dit « oui » à cette alliance, en menant un projet de transformation de ses installations en usines intelligentes en associant IoT, IA et big data. Quoi qu’on en dise, l’IA est en train d’entrer dans le monde industriel (et pas que) à vitesse grand V. Si aujourd’hui on est plutôt dans une phase de flirt entre industrie et intelligence artificielle, comment faire pour que cette rencontre devienne une love story et pas un mariage forcé ?
Après ce panorama global, un focus sur la Nouvelle-Calédonie a été fait avec Mehdi Mahroung, qui lui, connait bien l’IA puisqu’il forme professionnels et particuliers du territoire à ce domaine depuis 2023. D’après ses observations, 50% des utilisateurs potentiels ont déjà utilisé l’IA. Cependant, beaucoup n’ont pas encore exploré réellement son potentiel en l’utilisant comme moteur de recherche ou comme super rédactrice de mail. Une adoption croissante mais encore dispersée qui révèlent un besoin de formation dans ce domaine. La bonne nouvelle c’est que sur le territoire les administrations accueillent à bras ouverts cette technologie en menant des projets pilotes. L’exemple de l’OPT illustre bien ce mouvement. Dès 2023, l’entreprise a constitué un groupe d’initiés formés à l’IA, devenus moteurs en interne. Tous les cadres ont été sensibilisés et une équipe dédiée a même développé un RAG sécurisé. En revanche, du côté du secteur minier, l’IA est tenue à distance, souvent perçue comme une menace venant perturber un équilibre. Pourtant, elle pourrait apporter un vent de renouveau et créer de la valeur mais encore faut-il être prêt à lui laisser sa chance et à investir dans son potentiel. En tout cas, les trois prochains intervenants n’ont pas eu peur de se jeter à l’eau et ont présenté les applications concrètes dont l’IA est capable dans le secteur minier.

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On passe la seconde
Premier plongeon avec un retour d’expérience de Nicolas Guérin, data scientist chez ERAMET et doctorant à l’École des Mines de Paris. Dans sa thèse, il explore comment l’IA peut devenir un levier d’optimisation dans le transport et la productivité minière dans un contexte d’incertitudes. Ne partez pas tout de suite, on vous explique ! Grosso modo, les incertitudes sont les paramètres qui influencent la production minière mais avec lesquels il est difficile d’avoir une connaissance précise ou viable. Il peut s’agir de la météo, de contraintes géologiques, de facteurs humains, de pannes mécaniques… Bref, autant d’éléments qui peuvent conduire à des pertes significatives. En combinant des données recueillies sur le terrain et des modèles de machine learning, il est possible d’analyser l’impact de ces incertitudes sur la production et de les appliquer à une plus longue durée afin de capter les dynamiques qui s’en dégagent. Mais attention, la route est encore longue : les différents tests menés montrent que les modèles ont encore besoin de s’affiner, notamment en intégrant davantage de données liées à la maintenance et aux contraintes mécaniques. L’objectif à terme ? Passer de la prédiction ponctuelle à un pilotage global des mines, capable d’anticiper et de réduire les pertes.

Mais l’IA a plus d’une corde à son arc ! Pour en savoir plus sur ses autres applications possibles, nous nous sommes laissé happer par le doux accent québécois de Gui Clavel travaillant chez OpsKit, une entreprise australienne qui a développé un assistant IA pour la maintenance des machines. Cette idée est partie d’un constat simple, le secteur minier a du mal à attirer de nouvelles générations, les machines deviennent de plus en plus complexes avec des manuels d’utilisation à rallonge pouvant conduire à des erreurs de diagnostic de la part de techniciens. OpsKit a donc développé une alliée opérationnelle. Via une application dédiée nourrie des manuels d’utilisation des machines, ce modèle IA entraîné pour cette spécificité va accompagner les équipes pour poser un diagnostic, grâce à une série de questions/réponses, recommander la meilleure approche, analyser les causes et prévenir. Car oui, ce n’est pas grave d’avoir une panne mais autant pouvoir la régler le plus vite possible !

Enfin, savez-vous que l’IA peut être aussi facilitatrice ? Pour clôturer ce tour d’horizon, place à Thomas Paterson responsable géologie au sein de la société australienne Plotlogic. Née il y a six ans, elle s’est donnée pour mission de transformer les technologies minières grâce à l’IA. Il nous a parlé de leur solution OreSense qui s’appuie sur l’apprentissage automatique pour transformer la masse de données collectées sur le terrain en informations directement exploitables. L’idée n’est pas seulement de gagner en rapidité dans le traitement des données mais aussi de faciliter la prise de décision, d’identifier des axes d’amélioration et d’ouvrir de nouvelles pistes de recherche. En somme, un moyen de rendre la géologie plus précise, plus réactive et, surtout, mieux connectée aux besoins opérationnels du secteur minier.

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Est-ce que tu m’aimes ?
Alors ? L’IA et la mine sont-elles prêtes à se dire « oui » en Nouvelle-Calédonie ? À écouter les retours d’expérience de nos intervenants, les potentiels sont bien réels et peuvent vraiment devenir des vecteurs de croissance, à condition d’accepter d’investir du temps, de la formation et de poser une vraie stratégie. Car ce qui se joue n’est pas seulement l’adoption d’un nouvel outil mais un vrai changement de paradigme pour l’industrie minière. Alors oui, il faudra certainement du temps, pour qu’industrie et IA s’apprivoisent et se fassent confiance mais si le secteur minier parvient à dépasser ses craintes, cela pourrait tracer la voie vers une industrie minière plus durable et plus innovante.
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