En ce mois d’octobre consacré à la cybersécurité, le Centre Cyber du Pacifique (CCP) a célébré son lancement officiel. Ce projet, dont les origines remontent à 2022, a été conçu avec la ferme ambition de renforcer la cybersécurité en Nouvelle-Calédonie. Cette initiative, a vu le jour grâce à un partenariat avec l’ANSSI dans le cadre du plan France Relance 2021.
Pour mieux comprendre les enjeux et les missions de cette nouvelle structure, nous sommes partis à la rencontre de Cédrick Demene, l’un des deux employés de l’association, qui occupe le poste d’opérateur cybersécurité. Retour avec ce spécialiste du cyberespace sur la genèse et la vocation du Centre Cyber du Pacifique…
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Bonjour Cédrick et bienvenue sur NeoTech ; pour commencer notre échange, pourrais-tu te présenter à nos lecteurs et nous revenir sur les étapes marquantes de ton parcours professionnel ?
Bonjour Neotech, je m’appelle Cédrick Demene, j’ai 41 ans et je travaille actuellement en tant qu’opérateur cybersécurité au Centre Cyber du Pacifique, un poste que j’occupe depuis le 1er juillet de cette année. J’ai débuté ma carrière à 23 ans en tant que prestataire informatique pour la Société Le Nickel (SLN), où j’ai ensuite été embauché et passé 18 ans. J’ai commencé comme analyste réseau/télécom avant d’évoluer vers un poste d’analyste en cybersécurité. Début 2024, j’ai ressenti le besoin de changer d’environnement de travail pour intégrer une structure à taille humaine. C’est alors que j’ai appris l’ouverture d’un poste d’opérateur au CCP, qui correspondait parfaitement à mes aspirations. J’ai donc tenté ma chance et j’ai été retenu.
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Le Centre Cyber du Pacifique a vu le jour en février 2024. Peux-tu nous raconter les origines de cette initiative, les principaux enjeux qui ont conduit à sa création, et nous préciser son champ d’action ?
Le Centre Cyber du Pacifique est une association calédonienne lancée en février 2024, en partenariat avec l’ANSSI (Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information) et dans le cadre du plan France Relance 2021. Cela fait suite à l’augmentation des menaces cybernétiques et à la nécessité d’adapter les entreprises aux évolutions de la réglementation européenne, notamment la directive NIS 2. Le CCP vise à devenir l’interlocuteur clé sur les questions dans ce domaine et à agir comme un observatoire des risques cyber dans la région. L’objectif est de fédérer l’écosystème de la cybersécurité en Nouvelle-Calédonie, en établissant un réseau de communication entre les prestataires et les partenaires en cas d’incidents ou de besoins d’assistance. De plus, le centre joue un rôle dans la sensibilisation du grand public aux risques de cybersécurité et aux bonnes pratiques à adopter.
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En tant qu’opérateur du Centre Cyber du Pacifique, quelles sont tes principales missions au sein de la structure ? Comment s’organise les équipes en interne ?
Les principales missions de l’opérateur cybersécurité consistent à fournir des informations, des ressources et des services pour aider les entreprises et organisations à comprendre et se défendre contre les menaces numériques, tout en les accompagnant en cas d’attaque. Cela inclut l’assistance aux victimes de cyberattaques, en les orientant vers les bons interlocuteurs, en les aidant à porter plainte et en les mettant en contact avec les forces de l’ordre pour d’éventuelles poursuites judiciaires. Nous favorisons également la collaboration entre le secteur public et privé.
En interne, nous sommes actuellement deux salariés à temps plein : ma directrice, Justine Molinier, qui a une formation de juriste, et moi. Nous partageons les tâches selon nos compétences, ce qui nous permet de couvrir l’ensemble de nos activités. Nous sommes supervisés par le bureau et le Conseil d’Administration, constitué d’organisations intéressées par les enjeux de cybersécurité en Nouvelle-Calédonie, comme l’OPT, le cluster OPEN NC, la CCI NC, CIPAC, ENERCAL, Prony Resources, la ville de Nouméa, ainsi que la DINUM du gouvernement de Nouvelle-Calédonie et l’ANSSI.
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Le Centre Cyber du Pacifique accompagne les acteurs économiques et institutionnels de la région. Comment se concrétise cet accompagnement ?
Le contexte économique, social et politique calédonien n’a pas permis jusqu’ici d’annoncer officiellement l’ouverture du CCP. Cependant, la crise qui a débuté en mai 2024 a accéléré notre communication avec la mise en place d’une page Facebook pour diffuser les bonnes pratiques en matière de cybersécurité. Depuis mon arrivée, nous avons surtout travaillé sur la structuration du centre et sur l’établissement de contacts institutionnels. Nous avons déjà assisté quelques entreprises, notamment des patentés, en les orientant vers les bonnes ressources pour résoudre des incidents cyber et en les accompagnant dans leurs démarches de plainte.
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En tant que structure associative, quelles sont vos sources de financement et comment mobilisez-vous votre budget ?
Le Centre Cyber du Pacifique est une association à but non lucratif régie par la loi de 1901. Pour l’instant, nous dépendons entièrement de subventions. Actuellement, l’ANSSI nous soutient à hauteur de 80% dans le cadre du Plan France Relance, lancé en 2021 pour une durée de trois ans, et nous recevons également des financements du gouvernement de Nouvelle-Calédonie. De plus, nous sommes éligibles au mécénat, ce qui permet aux entreprises ou particuliers qui souhaitent nous soutenir de bénéficier d’avantages fiscaux. La majorité de notre budget est allouée aux dépenses liées aux ressources humaines et aux outils informatiques nécessaires au bon fonctionnement de notre structure. Actuellement, nous avons la chance d’être accueillis à la Station N.
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Depuis le lancement du centre, combien de structures avez-vous accompagné ? Quels projets ou initiatives notables avez-vous mis en place ?
Même si la situation n’avait pas permis jusqu’ici d’annoncer officiellement l’ouverture du CCP, nous n’avons pour autant pas chômé. Nous avons organisé des sessions de sensibilisation en partenariat avec la Direction de la Jeunesse et des Sports à destination des médiateurs et animateurs. Depuis mon arrivée en juillet, nous avons travaillé sur le développement de notre site internet et de notre page LinkedIn. Nous avons également référencé les prestataires en cybersécurité et mis en ligne un annuaire sur notre site. Par ailleurs, nous développons des fiches réflexes sur divers thèmes liés à la cybersécurité et avons effectué des rencontres avec les acteurs économiques et les forces de l’ordre. Enfin, nous avons annoncé notre ouverture officielle le 24 octobre lors d’une conférence à la Station N.
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La Nouvelle-Calédonie présente-t-elle des spécificités en matière de cybersécurité ? Quels sont, selon toi, les principaux défis à venir dans ce domaine ?
La Nouvelle-Calédonie, comme de nombreuses régions insulaires, présente des spécificités en cybersécurité en raison de sa situation géographique, de son organisation administrative et de ses infrastructures. L’isolement géographique complique la mise en place de collaborations internationales, et les attaques venant de l’étranger peuvent cibler des infrastructures critiques, telles que les télécommunications et l’énergie, ce qui peut avoir des répercussions importantes sur l’économie locale.
À mon sens, les principaux défis à venir seront autour du développement et la sécurisation des infrastructures numériques pour assurer notre résilience face aux cybermenaces. Il est aussi essentiel de promouvoir la formation en cybersécurité sur le territoire, tant dans les entreprises que dans les institutions publiques pour que les compétences locales puissent répondre aux défis du numérique.
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Quel regard portes-tu sur les enjeux actuels de la cybersécurité, en particulier sur l’importance de la prévention et de la sensibilisation ?
Les cybermenaces évoluent rapidement et deviennent de plus en plus sophistiquées. Les cyberattaques incluent désormais des ransomwares, des attaques par déni de service distribué (DDoS), des campagnes de phishing, des logiciels malveillants ciblés, et même des menaces provenant d’acteurs étatiques ou de groupes criminels organisés. Cette complexité accrue rend la cybersécurité plus difficile à gérer, car elle nécessite une défense en profondeur qui combine solutions technologiques et gestion des risques. Il est important de rappeler que la majorité des cyberattaques exploitent des erreurs humaines. La prévention et la sensibilisation sont donc essentielles. Au lieu de réagir après une attaque, il est beaucoup plus efficace d’adopter une approche proactive, et c’est dans ce sens que le CCP souhaite œuvrer.
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Pour terminer, aurais-tu un message à adresser aux acteurs économiques et institutionnels de Nouvelle-Calédonie concernant la cybersécurité ?
La cybersécurité n’est pas seulement une question technique ; c’est un enjeu stratégique et humain. En Nouvelle-Calédonie, tout comme dans le reste du monde, il est essentiel de faire de la cybersécurité une priorité collective. La préparation, la sensibilisation, la collaboration et l’innovation seront des clés pour protéger vos entreprises et institutions dans un environnement numérique en constante évolution. Comme le dit le proverbe : « Seul, on va plus vite, mais ensemble, on va plus loin. »
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