Ha le numérique ! N’est-ce pas une ère formidable dans laquelle nous vivons ? C’est en tout cas ce que pense Éric Olivier, « Monsieur NumÉric Éthique. » Après plusieurs années passées à l’Observatoire du numérique avant sa fermeture en 2022, Éric a décidé de monter sa propre entreprise pour « porter la bonne parole. »
Faire de l’accompagnement dans le quotidien des usagers, c’est pour lui un vrai challenge. La NumÉric Éthique place l’homme au centre de ses préoccupations et pour y arriver, il s’appuie sur un ensemble d’experts. Entre réflexions stratégiques, formations et sensibilisation, nous avons discuté de transformation numérique du territoire avec Éric Olivier.
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Bonjour Éric et bienvenue sur NeoTech. Ton nom n’est pas inconnu, tu as longtemps été à l’Observatoire du numérique. Peux-tu te présenter et nous raconter ton parcours ?
J’ai commencé mon parcours professionnel à France Télécom, en Métropole. À l’époque, on lançait une grande innovation : le transfert d’appels à distance sur la téléphonie fixe. C’était une évolution majeure. Ensuite je me suis assez vite tourné vers le numérique avant même qu’on le mette sous cette appellation-là, en travaillant dans les jeux vidéo, la vente d’équipements etc.
En 2005, le projet de venir en Calédonie se dessine et j’arrive finalement en septembre 2007. A l’origine, c’était pour un an et finalement, ça en fait déjà 16. La Croix Rouge cherchait quelqu’un pour monter PIROPS, la plateforme d’intervention humanitaire dans la région du Pacifique Sud, basée en Nouvelle-Calédonie. J’y ai travaillé jusqu’en 2011 et puis je suis retourné à mes premiers amours du numérique et du télécom, en étant chef de produit internet fixe à l’OPT. Je me suis occupé de « Naviweb haut débit », une solution technique d’accès à internet qui permet d’utiliser le réseau mobile pour acheminer le signal internet qui va être exploité comme un signal fixe.
J’ai rencontré beaucoup d’acteurs et actrices du numérique comme les DSI ou encore les techniciens. En 2011, j’ai rencontré Charlotte Ullmann, la directrice à ce moment-là de l’Observatoire du numérique qui venait d’être fraîchement créé. On se rend compte que l’on a des points de convergence dans la manière dont on se doit d’observer le numérique et de pourquoi pas, proposer son développement en local. Un poste se libérait et j’ai candidaté pour être coordinateur projets et communication à l’Observatoire. J’ai donc commencé l’aventure en mai 2014 jusqu’en fin 2018.
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Éric, quelles étaient tes missions au sein de cette structure ?
Entre 2014 et 2018, j’avais vraiment la charge de certaines études, j’ai notamment porté toutes les thématiques e-commerce, en regard croisé avec Charlotte Ullmann. Nos échanges nous permettaient d’enrichir respectivement nos travaux. J’avais également la charge de la communication : 141 followers sur Facebook en 2014 et plus de 2000 lorsque NeoTech a émergé. Le cluster OPEN NC abondait aussi dans ce sens. C’est tardivement, en 2020, que l’on a réactivé la page LinkedIn car on sentait que le réseauallait prendre un essor plus important. En termes de cibles, à savoir les professionnels, LinkedIn était un moyen beaucoup mieux adapté. Du coup, on a aussi eu un essor de followers sur ce réseau.
En février 2019, je me suis retrouvé tout seul à coordonner les activités de l’Observatoire. OPEN a été créé en 2016 et les entreprises avaient plutôt tendance à aller vers ce cluster en délaissant l’Observatoire. On avait un bel outil qui était l’Observatoire du numérique.
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Quel était le rôle de l’Observatoire ?
La première mission, c’était d’abord d’observer le déploiement du numérique sur le territoire. Autre grande mission en parallèle : fédérer les acteurs du numérique, pour la création d’une filière. Je dirais que c’étaient les prémices de ce qu’on connaît maintenant avec le cluster OPEN NC. Les professionnels établissaient des pistes d’actions, notamment en e-commerces, en formations etc. Tout cela a été repris dans le livre blanc 2.0, publié en 2014. Cette année-là a été plus ou moins le lancement de la grappe d’entreprises qui s’appelle aujourd’hui OPEN NC.
Le territoire a donc eu cette grosse phase de structuration de l’écosystème de 2012 à 2015 qui a permis de faire émerger OPEN. Ensuite, jusqu’en 2018, c’était vraiment une phase de sensibilisation et de mobilisation auprès des chambres consulaires et des organisations patronales pour essaimer cette culture numérique. C’est en 2017 qu’on a finalement la première cartographie du e-commerce en Calédonie. En tout cas, on a travaillé avec tous les secteurs du territoire et on a tenté d’engager des chantiers de réflexion pour eux pour leur permettre d’avancer dans leur digitalisation.
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Alors au final, Éric, quel constat as-tu pu tirer après sa fermeture ?
J’ai constaté l’irrémédiable essor du numérique, c’est-à-dire que la Calédonie n’est pas si différente que cela du reste du monde. Une des « lois » à retirer de tout ça, c’est que le développement du numérique se fait par le développement des usages. Exemple : personne n’a vu émerger Facebook dans le temps, comme TikTok qui n’était pas du tout une évidence en amont mais aujourd’hui c’est un standard pour la communication auprès des jeunes.
Dans la structuration de l’économie numérique en Calédonie, on a eu des usages entrepreneuriaux pionniers qui ont permis de forcer les verrous et les barrières pour combler des vides juridiques, notamment dans le e-commerce. Certains acteurs ont pris le pas. Les entreprises se sont bougées en marche forcée. On a un exemple en 2020-2021 avec le confinement et la mise en place rapide du télétravail. Il y avait notamment une plus grande efficacité au niveau des administrations. On voit qu’il y a eu une vraie prise de conscience à ce moment-là, avec des structures comme NeedEat – un besoin que l’on avait déjà identifié dans nos études à l’Observatoire en 2017. La filière numérique à largement bénéficier de ces deux périodes de confinement et de crises sociales. Beaucoup ont déclenché leur digitalisation, comme les commerçants et le « click and collect. »
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Après l’Observatoire, tu as donc lancé ta propre entreprise baptisée « La NumÉric Éthique » ?
L’idée c’était toujours d’amener des points de repères, pour un numérique éthique et utile. En novembre 2022, j’ai donc monté mon entreprise individuelle pour continuer à œuvrer dans l’axe de mes valeurs avec mon expertise. J’ai un ADN très service public mais l’entrepreneuriat n’est pas mon « leit-motiv » premier. Ce qui m’a motivé, c’est de continuer un accompagnement authentique dans le numérique et pas seulement avec une portée commerciale.
II faut une approche du numérique qui soit utile, sans débordements. On est dans une ère où on parle de sobriété numérique donc il faut faire des choix adaptés au territoire et aux usagers. Je mobilise d’autres experts, qui vont avoir des expertises plus poussées, sur certaines approches techniques comme l’informatique par exemple.
L’offre de service de la NumÉric Éthique est très large et sur-mesure : ça va être d’amener de la réflexion stratégique, d’animer un évènement, d’accompagner des projets, de former ou encore de sensibiliser au numérique. Je n’aborde pas le numérique de la même manière pour les décideurs stratégiques et pour les managers par exemple. Il faut que chacun accède à son niveau de compétences, à une information du même ordre.
Les DSI sont souvent maintenant confrontés à des questions de budget et de prises de décisions, sur tel ou tel développement. Il est parfois compliqué pour un DSI d’expliquer les enjeux de cette mise en place. C’est là où on peut intervenir pour identifier les points à éclaircir.
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As-tu des exemples de projets sur lesquels tu travailles ?
Avec la DDEC, on a déjà déployé plusieurs sessions de formations auprès des enseignants et encadrants scolaires, niveau collège et lycée. On leur présente par exemple ce que sont les formations et les métiers du numérique. On présente également l’usage que l’on peut faire des réseaux sociaux dans le monde éducatif. Aujourd’hui, les élèves utilisent à tout va l’intelligence artificielle, notamment avec Chat GPT, donc on leur explique les bons usages. C’était le cas au collège de Cluny et aussi à la tribu de Hnathalo, à Lifou.
Autre mission forte : nous avons accompagné l’ensemble du réseau des animateurs des espaces publics numérique, en créant sur mesure un programme de formation et ce, dans les trois provinces. Il y a trente espaces publics numériques en Nouvelle-Calédonie, c’est-à-dire un tiers lieu ouvert à tous et souvent gratuit dans lequel on trouve un accès à internet. Il y a aussi et surtout une animatrice ou un animateur qui va accompagner les visiteurs. Le réseau a beaucoup souffert de turnovers et d’absence de fréquentation pendant les confinements. Dans l’univers du numérique, tous les jours, il y a des nouveautés. La cybersécurité, les réseaux sociaux, ou encore l’intelligence artificielle sont parmi les thèmes que nous avons abordés.
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Quel avenir vois-tu pour le numérique en Calédonie ?
Je vois un développement serein mais toujours utile au numérique. Je prends l’exemple d’un projet porté lors d’un Hackathon : celui d’une plateforme « démocrative », pour permettre la mise à disposition d’informations, encadrées par des journalistes. Objectif : aplanir l’information qui circule en Calédonie car on est dans un pays où la « radio cocotier » est assez puissante.
C’est un projet qui m’interpelle, il y a encore la place pour ce type de projet en Calédonie, notamment sur l’approche citoyenne et la création de référendums en ligne. Demain, est ce qu’on a besoin d’avoir un service de e-commerce ultra rapide sur du consommable matériel ? Est-ce que ça correspond à notre mode de vie ici ? Doit-on accélérer les services de livraison ? Je reste persuadé que la plus grande innovation que pourrait proposer la Nouvelle-Calédonie au monde entier, c’est un nouveau modèle d’organisation sociétale, avec de bons outils numériques. On aurait quelque chose que le monde entier pourrait nous envier. C’est la conviction qui me fait avancer tous les jours.
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